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Alter et ego (Carnet)
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30 mars 2010

Le virtuel : entre réalité et imaginaire


Il y a maintenant fort longtemps que je me suis lancé dans l’aventure paradoxale de l’écriture intimiste publiée sur internet. En ce qui me concerne elle a eu, à l’origine, une fonction principale : mieux me connaître en prenant conscience de ce que je suis sous le regard d’autrui. Je veux parler là du regard porté sur ce que j'écris de ma perception du regard d'autrui [il est permis de relire cette phrase pour bien la comprendre...

Très vite j'ai pris conscience de l'importance de l'interactivité, en particulier parce que j'en décrivais le fonctionnement "en direct", décrivant ce que cela entrainait en moi... sous le regard des lecteurs Avec le temps ce regard multiple et hétérogène a pris une importance croissante, e
n fonction de ma représentation du lectorat, de la place prise par l'affectif, par l'attachement, par les diverses formes de liens qui se sont créés. Ce qui fait que, peut-être plus fréquemment que d'autres, je me suis largement interrogé sur les conséquences de cette exploration intime et publique et interactive. L'association de ces trois termes à la compatibilité douteuse donne une idée de ma propension à aller vers la simplicité...

Je me suis progressivement rendu compte que les avantages de cette méthode de conscientisation, nombreux et incontestables, avaient malheureusement été contrebalancés, avant que j'y prenne garde, par des effets indésirables notoires. Je les attribue à cette confusion qui peut se produire dans la pensée du fait que, dans le monde dit « virtuel », il y a une émancipation déterminante du « principe de réalité ». De ce fait la pensée y semble plus libre, désentravée, alors qu’en fait elle évolue dans une autre dimension, privée des capteurs sensoriels habituels, privée des limites du réel. Les frontières de la conscience de soi dans le rapport à l’autre en sont déplacées et les repères faussés. Un peu comme si la perception du réel était partiellement neutralisée tandis que, simultanément, l’imaginaire se voyait surinvesti. Ce constat m’a amené à prendre en compte un élément mal appréhendé au départ : croire que les deux mondes fonctionnent de façon transposable.

Bien sûr j’aurais pu en rester à ce constat. Prendre acte de différences entre le monde dit « réel » et celui dit « virtuel » et continuer à écrire sans trop me poser de questions. Ou cesser.

Sauf que le besoin de comprendre ce qui me meut m'anime au moins autant que l'inconnu attise ma curiosité. Ils stimulent en moi à la fois réflexion et observation introspective. Certains appelleront ça « nombrilisme et masturbation intellectuelle », mais cette perception aura l’inconvénient majeur de ne résoudre en rien la problématique. Non seulement ça ne serait pas drôle d'en rester là, mais il se trouve aussi que, plutôt que subir ma vie sans trop comprendre ce qui la mène, j'aime bien sentir
croire que j'en ai une relative maîtrise en disposant d'une lucidité suffisante pour éclairer mes choix.

Cette d
émarche, longue, je dois bien le reconnaître, m'aura conduit, à travers moult détours, à un travail aussi considérable qu'insoupçonné. Au final je commence à appréhender vers quoi me mène ce dévoilement impossiblement auto-analytique. Il déborde largement du cadre de mes écrits en ligne et de mon lien à l'internet relationnel... Alors, qu’est-ce qui se cherche encore dans ce témoignage extimé ? Si en soi la réponse n’a guère d’importance, j'estime que sa quête est éclairante. Je  dois bien avouer que je n'en suis pas encore venu à bout. Mais qu'importe.... je peux déjà poser quelques bases.
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Je commencerai donc par le fondement : la distinction entre réel et virtuel.

Je me vois souvent un peu *agacé*
[tiens tiens... c'est déjà un indice] par le glissement de sens qui est souvent fait entre ce qui serait la réalité et ce qui tiendrait du virtuel. Nous savons bien, nous autres qui naviguons entre les deux, que la distinction n'est pas claire : la réalité de ce qui se vit dans euh... le cyberespace (?!) (improprement nommé "virtuel", comme je l’expliquerai plus loin) est incontestable, ne serait-ce que par les conséquences réelles que cela engendre. On sait bien, aussi, que les relations qui s'y construisent ne sont pas réductibles à leur dimension virtuelle : ce terme montre ses limites dès lors que la relation existe et devient, par là-même, réelle. Par contre... ce qui se passe dans le monde d'internet n'a pas la même réalité que ce qui se vit dans le monde tangible et sensoriel. Et notre pensée pourrait s'y laisser tromper ! C'est ce possible leurre qui m'intéresse. Si je le crois sans conséquences pour le lecteur silencieux, il n'est pas aussi anodin pour l'écrivant (ce qu'est aussi le lecteur-commentateur !). Dès qu'on en vient à se dire, à s'ouvrir, on met en contact notre pensée et celle de l'autre. Pensée dont une large part est nourrie de projections, c'est à dire d'imaginaire.

Je vais donc me livrer, en plusieurs épisodes, à une tentative de distinction entre le réel, le virtuel et l'imaginaire. Ce long développement n’intéressera probablement qu’une part restreinte de mon lectorat mais ce sera déjà, au minimum, utile à ma propre conscientisation. Il ne me semble pas superflu que je prenne le temps de faire le point afin de mieux comprendre le rapport que j'entretiens avec le monde hybride de l'internet relationnel, mi-réel, mi-imaginaire, à la fois l'un et l'autre sans être jamais un seul des deux.
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Commentaires
N
merci pour cette lecture dont je partage les termes. <br /> Je ne suis pas sûr qu'il y ait une différence de réalité entre les "deux" univers. C'est sans doute un rapport à l'exigence que l'on a, ou pas, de lucidité.<br /> Sur le plan intime, je partage votre point de vue. L'absence sensorielle de l'autre désenclave la capacité d'écrire, de créer.<br /> Sur le plan relationnel, le décalage existant entre l'émission du mot, sa lecture et la réponse eventuelle ne crée pas, selon moi un échange, qu'il s'agisse de blog, de mail ou même de messagerie instantanée. L'échange n'existe pas; le partage de points de vue, oui.<br /> Et puis, ce terme "réalité" est lui-même bien souvent un leurre appliqué à ce que je suis capable de percevoir dans l'instant. Je sors dans le jardin, il fait noir. Je pourrais avoir vite fait de confondre une branche au sol avec un terrible serpent. Où est la réalité?
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O
Je vous soumets une réflexion que j'ai édité sur mon blog. <br /> <br /> Il existe actuellement une tendance à l'exhibitionnisme qui n'a pas de limite. Avec l'usage des blogs, l'impression que l'on a de pouvoir se dévoiler indéfiniment vient de ce que l'autre est virtuel : on ne souffre pas de son regard ni de la peur d'être jugé, d'où un sentiment de liberté absolue. C'est l'inverse du face-à-face. On s'adresse à la cantonade, on attend des réponses immédiates, mais elles demeurent virtuelles.<br /> <br /> Le danger est l'enfermement dans un cybermonde où tout rapport vivant à l'autre et à la réalité semble perdre de l'intérêt. De la part du blogueur, la tendance à l'exhibitionnisme traduit parfois un goût du danger.<br /> <br /> Quand il en dit le plus possible sur lui-même, quand il se raconte de façon transgressive, il cherche à surprendre, mais aussi à provoquer. Cela peut attiser la curiosité des visiteurs ou susciter des réactions violentes, un jeu pervers d'agressivité réciproque risque alors de s'enclencher.<br /> <br /> Le virtuel ne cherche t-il pas à s'assurer de sa ressemblance avec l'autre plutôt que de sa différence ?<br /> <br /> Chacun peut se manifester sous différents pseudos. Ce jeu du dédoublement, un peu schizophrénique, n'a toutefois rien de vraiment pathologique car il ne s'agit que d'une simulation. Pourtant, quels que soient les moyens utilisés, c'est la logique de la similitude qui prévaut. On jouit de se reconnaître dans l'autre plutôt que de chercher à découvrir celui qui est étranger en soi-même. On devient un produit.<br /> <br /> Un produit qui peut devenir dépendant de certains sites. Comme l'ont compris pas mal d'auteurs qui voient en la détresse des personnes "produits", qui sombrent dans le virtuel pour fuir une réalité qui ne peuvent assumer, une exploitation commerciale.<br /> <br /> Ainsi, l'augmentation de l'offre de jeux nous fait miroiter une possibilité de gagner une grosse somme d'argent suffisante pour voir sa vie transformée du jour au lendemain, un comte de fée. Mais entre-temps combien avons nous misé, avons nous enrichi l'exploitant ?<br /> <br /> L'accessibilité facilitée à des crédits à la consommation multiples et sans contrôle, ainsi que la perte du pouvoir d’achat ont participé à un accroissement des joueurs et donc des comportements problématiques.<br /> <br /> Quant aux dépendants sexuels, ils sont appâtés, comme de simples poissons, à l'aide d'apparition non recherchée sur l’écran de publicités pour des sites pornographiques (« pop-up »), une fois que l’utilisateur a été repéré comme usager habituel, il est relancé en permanence dès sa connexion.<br /> <br /> Derrière les ordinateurs, il y a des hommes qui vivent par leur corps et leur esprit, affectivement. Ils ne peuvent exister que derrière leur écran, il y aurait insuffisance. Le réseau internet ne peut fonctionner qu'avec des hommes, qu'avec du réel et donc celà est bien de la communication. Du virtuel peut donc sortir le pire comme le meilleur. Tout dépend de la conscience de celui qui en fait usage.
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A
Pierre, je verrai bien ce que tu diras par la suite, mais il me semble que perdre pied avec le réel est tout aussi constaté ailleurs que sur le net.<br /> mais je lirai ta suite avec intérêt...<br /> (enfin, quand je reviendrai de mon escapade dans le monde réel... Puisque je pars en vacances loin du net!! - il paraît que, même à la campagne, on rencontre encore des êtres humains en chair et en os !... ;o)) )
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C
Et........<br /> Je suis toute ouïe....ou plutôt j'écarquille les yeux pour te lire. Comme je te l'ai écrit, ce questionnement m'intéresse beaucoup et tes réflexions me feront peut-être avancer. <br /> Pour l'instant, je mets de côté mon rôle de lectrice-commentantrice. Je deviens juste lectrice pour un temps mais je reste là.<br /> Bonne soirée.
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P
Julie M, attends, je suis pas au bout ! Mais il est possible que je "radote" vu que ce texte est déjà ancien (je l'ai seulement actualisé un peu). Je ne l'avais pas mis en ligne mais il se peut que j'ai déjà repris, ici ou là, certaines idées. Pour moi il fait partie d'un récapitulatif qui s'inscrit dans une évolution de mon rapport à l'internet relationnel.<br /> <br /> Charlotte, tu as raison : il est probable que certains aspects de la psychanalyse soient amenés à évoluer avec l'irruption massive du "virtuel" dans nos vies. Certains psychanalystes se sont déjà sérieusement penchés sur le sujet.<br /> <br /> Ah non Alain, je ne crois pas que l'imaginaire soit fictionnel. Ça serait trop simple...<br /> <br /> L'imaginaire fonctionne de plusieurs façons, et celles dont tu parles sont effectivement entravées, ou plutôt apauvries. Mais les projections, au contraire, ne sont pas "canalisées" par les perceptions spacio-sensorielles, et c'est là qu'on peut perdre pied avec le réel.
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A
Question à 2 euros (virtuels), l'imaginaire est-il fictionnel ??<br /> <br /> Je pense que le "virtuel" entrave l'imaginaire.<br /> il y manque les perceptions spacio-sensorielles visuelles et olfactives, (par exemple) si propices à faire valser l'imaginaire.
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C
Du temps de Lacan c'était le réel, le symbolique et l'imaginaire...<br /> S'il était encore vivant il devrait revoir sa théorie et rajouter le virtuel.
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J
coucou Pierre! Dis donc tu radotes pas un peu en ce moment?!!! ;-))))
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