Le virtuel : entre réalité et imaginaire
Il y a maintenant fort longtemps que je me suis lancé dans l’aventure paradoxale de l’écriture intimiste publiée sur internet. En ce qui me concerne elle a eu, à l’origine, une fonction principale : mieux me connaître en prenant conscience de ce que je suis sous le regard d’autrui. Je veux parler là du regard porté sur ce que j'écris de ma perception du regard d'autrui [il est permis de relire cette phrase pour bien la comprendre...
Très vite j'ai pris conscience de l'importance de l'interactivité, en particulier parce que j'en décrivais le fonctionnement "en direct", décrivant ce que cela entrainait en moi... sous le regard des lecteurs Avec le temps ce regard multiple et hétérogène a pris une importance croissante, en fonction de ma représentation du lectorat, de la place prise par l'affectif, par l'attachement, par les diverses formes de liens qui se sont créés. Ce qui fait que, peut-être plus fréquemment que d'autres, je me suis largement interrogé sur les conséquences de cette exploration intime et publique et interactive. L'association de ces trois termes à la compatibilité douteuse donne une idée de ma propension à aller vers la simplicité...
Je me suis progressivement rendu compte que les avantages de cette méthode de conscientisation, nombreux et incontestables, avaient malheureusement été contrebalancés, avant que j'y prenne garde, par des effets indésirables notoires. Je les attribue à cette confusion qui peut se produire dans la pensée du fait que, dans le monde dit « virtuel », il y a une émancipation déterminante du « principe de réalité ». De ce fait la pensée y semble plus libre, désentravée, alors qu’en fait elle évolue dans une autre dimension, privée des capteurs sensoriels habituels, privée des limites du réel. Les frontières de la conscience de soi dans le rapport à l’autre en sont déplacées et les repères faussés. Un peu comme si la perception du réel était partiellement neutralisée tandis que, simultanément, l’imaginaire se voyait surinvesti. Ce constat m’a amené à prendre en compte un élément mal appréhendé au départ : croire que les deux mondes fonctionnent de façon transposable.
Bien sûr j’aurais pu en rester à ce constat. Prendre acte de différences entre le monde dit « réel » et celui dit « virtuel » et continuer à écrire sans trop me poser de questions. Ou cesser.
Sauf que le besoin de comprendre ce qui me meut m'anime au moins autant que l'inconnu attise ma curiosité. Ils stimulent en moi à la fois réflexion et observation introspective. Certains appelleront ça « nombrilisme et masturbation intellectuelle », mais cette perception aura l’inconvénient majeur de ne résoudre en rien la problématique. Non seulement ça ne serait pas drôle d'en rester là, mais il se trouve aussi que, plutôt que subir ma vie sans trop comprendre ce qui la mène, j'aime bien sentir croire que j'en ai une relative maîtrise en disposant d'une lucidité suffisante pour éclairer mes choix.
Cette démarche, longue, je dois bien le reconnaître, m'aura conduit, à travers moult détours, à un travail aussi considérable qu'insoupçonné. Au final je commence à appréhender vers quoi me mène ce dévoilement impossiblement auto-analytique. Il déborde largement du cadre de mes écrits en ligne et de mon lien à l'internet relationnel... Alors, qu’est-ce qui se cherche encore dans ce témoignage extimé ? Si en soi la réponse n’a guère d’importance, j'estime que sa quête est éclairante. Je dois bien avouer que je n'en suis pas encore venu à bout. Mais qu'importe.... je peux déjà poser quelques bases.
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Je commencerai donc par le fondement : la distinction entre réel et virtuel.
Je me vois souvent un peu *agacé* [tiens tiens... c'est déjà un indice] par le glissement de sens qui est souvent fait entre ce qui serait la réalité et ce qui tiendrait du virtuel. Nous savons bien, nous autres qui naviguons entre les deux, que la distinction n'est pas claire : la réalité de ce qui se vit dans euh... le cyberespace (?!) (improprement nommé "virtuel", comme je l’expliquerai plus loin) est incontestable, ne serait-ce que par les conséquences réelles que cela engendre. On sait bien, aussi, que les relations qui s'y construisent ne sont pas réductibles à leur dimension virtuelle : ce terme montre ses limites dès lors que la relation existe et devient, par là-même, réelle. Par contre... ce qui se passe dans le monde d'internet n'a pas la même réalité que ce qui se vit dans le monde tangible et sensoriel. Et notre pensée pourrait s'y laisser tromper ! C'est ce possible leurre qui m'intéresse. Si je le crois sans conséquences pour le lecteur silencieux, il n'est pas aussi anodin pour l'écrivant (ce qu'est aussi le lecteur-commentateur !). Dès qu'on en vient à se dire, à s'ouvrir, on met en contact notre pensée et celle de l'autre. Pensée dont une large part est nourrie de projections, c'est à dire d'imaginaire.
Je vais donc me livrer, en plusieurs épisodes, à une tentative de distinction entre le réel, le virtuel et l'imaginaire. Ce long développement n’intéressera probablement qu’une part restreinte de mon lectorat mais ce sera déjà, au minimum, utile à ma propre conscientisation. Il ne me semble pas superflu que je prenne le temps de faire le point afin de mieux comprendre le rapport que j'entretiens avec le monde hybride de l'internet relationnel, mi-réel, mi-imaginaire, à la fois l'un et l'autre sans être jamais un seul des deux.
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