Bonbon au poivre
Dans un commentaire datant déjà un peu [j'ai séquestré ce billet, écrit depuis une dizaine de jours] Valclair me glissait « Et si tu nous tombais amoureux ? ». Oups... voila un sujet que je n'aborde plus vraiment. Je n'affirmerai cependant pas que l'état amoureux, en tant que phénomène observable, est sorti de mes préoccupations. Bizarrement, bien que non-pratiquant je reste intéressé [euphémisme...]. D'ailleurs il me faut bien reconnaître qu'en me formant à aider les couples en difficulté, je suis forcément amené à devoir considérer le fonctionnement psychique du sentiment amoureux, de l'idéalisation à la désillusion... Et puis bon, j'avoue qu'à titre personnel je garde quand même un œil sur la chose, si je puis dire. Un peu comme pour ce qui touche à ma religion d'origine, pourtant délaissée depuis bien longtemps. D'ici à considérer que l'amour-amoureux est une sorte de croyance, je ne me hasarderai pas sur ce terrain...
J'en serais resté au clin d'œil Valclairien si je n'avais entrepris ce jour-là, d'humeur guillerette,
ma tournée des blogs. Et là, drôle de coïncidence lourdement insistante, je découvre chez la talentueuse Traou son récit des rencontres aléatoires via les sites dédiés à baiser sans perdre de temps... oups... vendre ses charmes... euh... goûter à tout... hem... à la mise en vitrine de soi. Avec sensibilité, lucidité et humour elle raconte ses déboires, plaisirs et interrogations autour des rencontres à répétition qu'encouragent ces fameux sites. La tonalité de son récit n'est pas sans me rappeler celui d'une amie avec qui je vécus jadis une belle histoire... mais... là n'est pas mon propos.
Hum... et si j'en parlais ? [naaaaan, pas de la belle histoire, mais de mes émois amoureux !]
Tenez, pour dire que le sujet me titille quand même un peu, j'ai acheté il y a un deux ou trois mois un livre a l'intitulé alléchant : « La deuxième chance en amour ». Ah, vous voyez que je fais des efforts, hein ? Je me documente ! Je m'instruis... Bon, en fait je n'en ai lu que quelques pages et pas rouvert ce bouquin depuis, c'est dire à quel point mon désir de tomber amoureux est puissant !
Mais en lisant le descriptif des rencontres que fait Traou j'ai reconnu bien des situations vécues. Car finalement, moi, l'homme d'une seule femme pendant vingt ans, engagé à fond et "pour la vie", j'ai quand même, depuis une dizaine d'années, vécu quelques expériences de rencontre intime, parfois sentimentales, voire amoureuses, significatives et éclairantes. Et si ça n'a été qu'une seule fois par le biais d'un site de rencontres [j'ai vite fui ces supermarchés de l'offre et de la demande], du moins fut-ce la plupart du temps via internet [et notamment par ce journal...]. Je reconnais donc bien dans le portrait dressé par Traou les tentatives d'approche et les espoirs, les doutes, les gênes, puis les déceptions et autres désillusions qui accompagnent ce type de rencontres pré-virtualisées. Et cela de part et d'autre, évidemment. Ouais, la rencontre amoureuse adulte n'est pas une sinécure ! Surtout quand, avec un peu d'expérience, on finit par se connaître suffisamment pour savoir ce que l'on désire et ne veux pas. Or avec le temps je ne crois pas qu'on devienne moins exigeant en matière de relations amoureuses... Enfin... ça dépend de quelles exigences on parle.
Actuellement je dirais que je suis "guéri" de l'attrait des rencontres via internet. Ce moyen, fort pratique au demeurant, ne me séduit plus. Je dirais même que je m'en méfie. Mais je dois bien avouer qu'aucun moyen de rencontre ne m'intéresse vraiment. Et pour tout dire, je ne recherche pas la rencontre sentimentale ! Ouais, c'est peut-être là l'explication...
D'ailleurs, l'ai-je un jour "recherchée" ? Hmmm, sans doute inconsciemment, même si j'ai généralement été plutôt surpris de la trouver.
Mais maintenant, quand on me parle de ça... euh... je me dis que je n'ai nulle envie de m'em...combrer avec les complications existentielles d'une autre personne ! Parce que je sais qu'elles me rejailliront forcément dessus et sèmeront de nouveau la pagaille dans mon esprit et mes sentiments. Diantre, j'ai déjà bien assez à faire avec mes propres névroses ! Je sais désormais que la rencontre amoureuse est le lieu d'exacerbation de tout le fatras qui encombre les inconscients. Il peut en découler la plus belle des alliances comme le pire des cauchemars [ouais, j'exagère un peu...].
Ce tableau, assez peu engageant, je vous l'accorde, est caractéristique d'une réaction de rejet post-désenchantement [ou pro-évolutive, si vous préférez]. En fait ce n'est pas tant l'état amoureux que je rejette que ce qu'il pourrait me faire ressentir. C'est une réaction épidermique, personnelle et passagère. Plus sérieusement je crois que je ne m'y sens pas prêt. Je mesure combien j'ai encore du chemin à faire en moi pour pouvoir accueillir "l'autre" [une femme, selon toute probabilité] avec toute sa sensibilité, ses espoirs secrets, son mal-être enfoui, sa lumière vivante, ses pulsions auto-destructrices et autres attentes inconscientes. J'ai pas trop envie de me battre pour éviter de devenir le cobaye consentant des brouillons relationnels de l'autre [rhôôô, comme il est cyniiique !]. Cela me demande une solidité intérieure, une assurance, une confiance personnelle que je n'ai pas encore suffisamment éprouvées. Alors je préfère encore m'abstenir, me protéger autant que protéger l'autre [vu que je ne vaux pas mieux !].
Je reste cependant un "ami des femmes", dont j'apprécie le mode de pensée, la réceptivité émotive, la sensibilité intuitive [allons-y pour les généralisations à tour de bras...] et euh... la féminité. Je garde un grand plaisir à échanger avec le féminin, en tant que genre que je ne suis pas. Et puis je reste sensible, ô combien, aux charmes de la féminité. Mais revenir à l'état amoureux... naaan, pas maintenant ! Je crois que j'ai développé une sorte d'aversion [temporaire ?] pour cet état, bien que je puisse aussi en décrire la volupté et la magnificence [éphémères ?]. À la fois je trouve cela merveilleux... et en même temps... pitoyable [voui, j'ai dit que j'exagérais !]. Je vois trop la bête attirance de deux êtres qui ne se rendent pas compte qu'ils répondent à des sollicitations inconscientes, des pulsions qui les dépassent, une régression primo-infantile, un simple désir primaire de combler un manque intrinsèque à la condition humaine.
En fait je crois que je rejette en moi une tendance à rêver [?] encore de l'amour dit "romantique", excroissance anachronique d'un souvenir archaïque de relation fusionnelle mère-enfant à jamais inscrite dans mon cortex, véritable obstacle à la rencontre vraie de l'autre. J'en suis encore dans une phase de rejet vis à vis de cet amour-là et de tout ce qui peut y ressembler. Beark !!
C'est délicieusement bon l'état amoureux, mais ça m'attire autant qu'un bonbon au poivre ! Par contre, le jeu délicieux de la séduction... je pourrais assez facilement être tenté de me laisser tenter [enfin, ça dépend des jours...].
Et allez savoir ce qui peut advenir ensuite, hein ?