Je reprends doucement contact avec le monde. Le temps de réinvestir ma vie "normale", comme cela m'est nécessaire après chacun de mes voyages. Car dès que je m'éloigne de mes habitudes j'entre de plain pied dans un autre rapport au monde. Je suis ailleurs et j'y suis bien. Tous sens et sensations en éveil, je vis et vibre autrement. Je ressens, j'observe, je m'imprègne comme une éponge. Comme une pellicule qui se laisserait impressionner par tout ce qu'elle peut capter de différent, de nouveau, d'inconnu.
L'Irlande ne m'était pas totalement inconnue puisque j'y avais séjourné par deux fois, pour des séjours linguistiques d'un mois. Mais c'était il y a... plus de trente ans ! Expérience singulière que de retrouver, si longtemps après, des lieux vus alors avec un regard d'adolescent. J'ai senti ma mémoire chercher à combler les vides devant des scènes qui, subitement, semblaient avoir été "oubliées" parce que jamais réactivées depuis. En revanche certains lieux restaient très nets, quoique un peu déformés dans leurs proportions, ou s'animant d'une infinité de détails qui s'étaient effacés avec le temps.
Mais tout cela est anecdotique.
C'est avec un grand plaisir que j'ai retrouvé mon fils, pas revu depuis les fêtes de fin d'année. Retrouvailles simples et heureuses, avec cette évidence presque surprenante de pouvoir reprendre les échanges comme s'ils avaient été interrompus la veille.
Pour plus de commodité j'ai immédiatement loué une voiture puisque notre désir commun était de parcourir cette grande île. Mon fils parce qu'il avait envie, maintenant que ses études sont terminées, de voir nombre de lieux dont il avait entendu parler. Et moi parce que je gardais un goût d'incomplétude depuis mes lointains séjours qui ne m'avaient que très peu permis de voir autre chose que Dublin. Et puis je sentais bien que l'Irlande me plairait, parce que je sais qu'elle garde un côté indompté, préservé des développements outranciers de notre modernité.
Je n'ai pas été déçu !
L'Irlande est vraiment un beau territoire ! Une terre de contrastes, bien davantage que je ne l'imaginais. Et qui ne se limite pas aux paysages bucoliques de vertes prairies ou paissent quelques moutons. Certes, c'est aussi cela, mais loin de n'être que cela.
Difficile de "raconter" un voyage. Mais peut-être puis-je faire passer quelques impressions. Diversité est le mot qui me vient spontanément. Diversité des paysages, entre les épaisses forêts, le bocage parsemé d'arbres vénérables, les landes arides, les côtes déchiquetées par l'Atlantique. Diversité surprenante qui se manifeste en quelques kilomètres, si ce n'est centaines de mètres : on entre et sort d'un type de paysage à un autre très radicalement.
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Ce qui m'a surpris c'est la possibilité d'aller fureter hors des quelques grands axes grâce à un réseau d'incroyables petites routes, dûment reportées sur les cartes routières. Étroites, sinueuses, parfois tapissées d'herbe rase en leur centre, menant à des maisons loin de tout mais pourtant habitées. Les petites routes irlandaises sont fascinantes, suivant le relief comme s'il avait seulement été posé un fin lit de bitume sur des chemins ancestraux, bordés de murs de pierre, de haies, ou longeant des falaises vertigineuses.
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Je ne sais pas si c'est propre à moi ou commun à l'esprit humain mais j'ai remarqué que, face à des paysages inconnus, mon esprit procédait par comparaison. Tantôt je trouvais des ressemblances avec la Bretagne, tantôt avec l'Auvergne, la Bourgogne, la Normandie. D'autres fois je retrouvais des ambiances de montagne, des tendances méditerranéennes, des airs de fjords nordiques ou encore des villages aux allures de ceux que j'ai parcourus au Québec. Le résultat est très... dépaysant ! Et puis il y a surtout ces paysages qui n'existent que là ! Où du moins qui ne ressemblent à rien de ce que j'ai vu ailleurs. Je pense notamment aux landes du Connemara.
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Quant aux Irlandais... ils sont accueillants. Imaginez des routes où on vous salue au passage, comme si vous étiez un voisin. Pas de stress apparent dans les secteurs écartés des villes que nous avons parcouru. On roule lentement, tranquillement, bien en deçà des limites autorisées. Il est vrai que la sinuosité et l'étroitesse des routes ne permet pas de les atteindre...
J'ai beaucoup aimé les villes et villages de la côte ouest, aux rues commerciales largement colorées. Les devantures des magasins gardant un style traditionnel, sans céder à une vulgaire modernité standardisée. Une soirée dans un pub de Killarney, avec chansons et musiques typically Irish m'a fait découvrir avec plaisir des instruments et sonorités inconnus. Le tout dans une ambiance très conviviale où le rire ne manquait pas.
Une mention spéciale pour les jeunes Irlandaises... avec leurs talons aussi hauts que leurs jupes sont courtes ! À ras le... la... enfin, très très courtes. Avec le décolleté en proportion. C'est assez surprenant. D'autant plus que le climat est assez frais.
Ah ça... le climat... Une seule fois de la pluie en une semaine, mais un vent ! J'ai rarement quitté le pull que je portais. Il faisait à la fois chaud et froid. Chaud quand le soleil était là, c'est à dire la moitié du temps puisque les nuages défilaient vite, et refroidi en permanence par le vent permanent qui sévit sur les lieux exposés. C'est à dire un peu partout...
Et puis il y a le silence de ces terres très peu habitées, contrastant avec le vacarme assourdissant des hautes vagues s'écrasant sur les rochers.
Mais il y aurait tant à dire...