Les vagues étaient belles et puissantes. La tentation de les approcher nous fit descendre vers elles, en restant à distance respectable. Le fracas dans lequel elles roulaient en écume imposait la vigilance et de guetter au loin venir celles qui pourraient monter plus haut et emporter les imprudents. Je sais avec certitude qu'on ne plaisante pas avec ce genre de force de la nature.
La présence des uns mettant en confiance les autres, bientôt un groupe vint nous rejoindre, déduisant sans doute qu'il n'y avait pas de danger. Arrivant durant une accalmie l'inconscient se rapprocha des rouleaux. J'observais son attitude insouciante tout en surveillant le retour prochain des flots tumultueux. L'odeur viscérale du danger mortel commençait à s'insinuer en moi. Déjà je pensais que d'autres allaient peut-être venir, encore plus confiants. Je regrettais d'avoir été perçu comme un signal d'autorisation à s'aventurer avec légereté. Une angoisse profonde me gagna. Quand je vis les amples ondulations s'élever au large je sifflai l'homme, qui, dans le vacarme des flots, ne prêta guère attention à mon inquiétude. Une première vague finit sa course en le mouillant jusqu'aux mollets. Mais l'ignorant ne regarda que ses pieds, sans prendre la mesure de ce qu'il venait de risquer : être emporté par la puissance du flux. Il ignorait aussi que cette première vague en annonçait d'autres, imminentes. Dans le grondement océanique je lui hurlai alors de revenir immédiatement, en lui montrant la vague suivante qui se formait et s'amplifiait. À coup sûr je la voyais l'emporter dans son reflux, le jetant alors dans les mâchoires liquides desquelles ils ne sortirait assurément pas vivant.
Cette fois l'homme sembla comprendre qu'il valait mieux fuir au plus vite. Il courut vers la falaise alors que la grande vague noyait abondamment l'endroit où il était quelques secondes auparavant. Je ne sais pas s'il s'est rendu compte qu'il venait d'échapper à la mort, devant les yeux tout aussi inconscients des personnes qui l'accompagnaient.
Et pourtant je l'avais sentie si fort, cette sensation viscérale du danger de mort. Je l'ai reconnue.