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Alter et ego (Carnet)
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3 juillet 2010

Le sentiment de respect

Puisque voici venu le temps des vacances, je vous propose aujourd'hui une réflexion studieuse ! Le texte a été rédigé il y a quelques jours, durant une période de doutes quant à l'utilité de mettre en ligne mes écrits à tournure intime. Cette remise en question a contribué à m'alléger de certains tourments tout en me rappelant à quel point l'écriture publique me permet d'aller à la rencontre de moi-même et des autres. En parallèle d'une avancée personnelle dans le registre émotionnel, il semble que mon besoin de « réfléchir en écrivant » reste utile. Et tenace. Mon cheminement intérieur, qui passe par des cycles plus ou moins sereins, plus ou moins exprimés, se poursuit quoi qu'il arrive. Ressentis et analyse, émotions et intellectualisation, chez moi les deux vont souvent de pair. Il ne me reste plus qu'à trouver la juste distance d'expression pour ne pas trop m'exposer...


Amour, amitié, couple, confiance, respect... un certain nombre de concepts courants présentent l'apparence d'avoir un sens précis et universellement reconnu. Or, du fait de leur abstraction, chacun se les représente à sa façon dans son monde intérieur. Idéalement il y aurait donc grand avantage à faire l'effort de définir en soi ce qu'ils représentent, afin d'être le plus au clair possible dans ses rapports à l'autre. Expliciter l'implicite mettrait alors en évidence des discordances, qui sont autant de déclencheurs potentiels d'incompréhensions mutuelles.

Dans la réalité il semble qu'un travail de remise en question de concepts doive se faire tout au long de la vie, en réponse aux inévitables conflits apparaissant autour des désaccords de perception. Conflits qui sont, par ailleurs, autant d'occasions de prendre conscience de soi et de sa différence d'avec l'autre.

Ainsi en est-il du terme respect, qui me semble être une des bases fondamentales pour que tout rapport à autrui soit ressenti comme équitable. Et plus encore que le respect, c'est le sentiment d'être respecté qui conditionne la qualité des rapports humains.

Le respect, c'est quoi ?

Étymologiquement respecter signifie « prendre en considération » et se rattache à une racine, [*spek-] (contempler, observer), ayant donné des mots aussi variés que spectacle, aspect, suspect,  circonspect, espèce, espion, spectre, spécimen, inspecter, prospecter, perspective, perspicace, rétrospective... mais aussi introspection.

Mon Larousse de poche l'explique ainsi : « sentiment qui porte à traiter quelqu'un, quelque chose avec égard, à ne pas porter atteinte à quelque chose ». On trouve des définitions plus complètes ici et . Dans ces définitions apparaît une autre dimension : l'idée d'admiration, d'estime, de déférence, voire de vénération. J'exclue d'emblée de ma réflexion ces sens particuliers parce que, ne menant pas au conflit, ils ne sont pas problématiques. Je laisse aussi de côté le sens de respect en tant que volonté d'acceptation des différences, qui s'assimile plutôt à l'idée de tolérance.

Ce qui m'intéresse aujourd'hui c'est le respect de l'autre en tant qu'être égal à soi-même, individu qui aspire à se sentir reconnu et accepté dans sa singularité comme dans sa sensibilité. Plus particulièrement, parce que c'est ce qui me tient le plus à cœur, dans les rapport de proximité relationnelle et affective.

Immédiatement m'apparaît toute la subjectivité du concept défini par le dictionnaire : qui décide du degré de considération et de l'atteinte éventuellement portée ? À l'échelle de la vie sociale (dans un pays, une culture, une société...), les lois cadrent un certain nombre de comportements, notamment par rapport à diverses formes d'agression, de violence, de mauvais traitements et dégradations. Mais dans la plupart des cas du quotidien aucun cadre, aucune limite précise n'est établie et c'est selon des usages laissés à la libre interprétation de chacun. Cette zone de flou autorise des variations de grande ampleur. L'idée générale est celle, incontestable, d'un droit à être respecté. Mais avec le droit entre en jeu la notion complémentaire de devoir. Devoir de respect. Droit et devoir, les deux sont souvent allègrement confondus. L'exemple récent du port du niqab, où les arguments de deux tendances opposées se prévalent du respect dû aux femmes, illustre bien la complexité qui s'attache à la notion de respect. On se souvient aussi du système patriarcal considérant que femme et enfants devaient le respect à l'homme... Si on a droit au respect en tant qu'humain égal aux autres, le devoir de respect que l'un exige de l'autre montre très vite ses limites. Un respect qui serait dû peut très rapidement se montrer liberticide.

Le prétendu droit au respect peut exercer une forme de contrainte, de domination, de pouvoir. Exiger arbitrairement un respect devient alors une forme d'oppression contrevenant au légitime respect dû aux autres parties en présence. Bien souvent une exigence de respect est une tentative d'assurer la perpétuation d'un avantage. Par l'autorité et la contrainte s'il le faut. Ce peut aussi être un refus de voir évoluer une situation, comme on peut le constater dans les exhortations au respect des traditions, des croyances et des cultures. Dans certains cas l'exigence de respect peut devenir abusive et trahir une résistance au changement, une peur de l'inconnu.

Je crois fermement que l'on ne respecte que ce que l'on connaît. L'ignorance, qui conduit au repli sur soi, ne conduit pas vers le respect éclairé et choisi.

La notion de respect n'est donc pas systématiquement positive et peut aussi bien être du côté de la liberté individuelle que de l'atteinte aux droits élémentaires de chaque individu. Facteur d'épanouissement dans un sens, à tendance mortifère dans l'autre. En poussant le principe jusqu'aux extrêmes, le respect peut tendre vers l'intouchable, l'immuable. Or l'immobilisme c'est la mort ! Respecter absolument l'autre selon ce qu'il demande ce serait l'encourager à rester dans une zone de protection, à ne pas évoluer. Le respect dans les rapports humains n'est pas une garantie de tranquillité. Respecter l'autre ce peut aussi le mettre face à la réalité du monde qui tourne autour de lui. Mais de quel droit peut-on "forcer" l'autre ? À nouveau la subjectivité montre son nez...

.
L'aspiration à se sentir respecté, reconnu en tant qu'individu singulier, pris en considération, est un des besoins fondamentaux de l'humain. Mais il est parfois difficile de répondre aux besoins de l'autre quand ils vont à l'encontre des nôtres. Or la base de toute relation humaine équilibrée consiste à ressentir un respect réciproque. Toute relation qui n'aurait pas constamment ce principe comme base induit un déséquilibre qui mènera tôt ou tard à des tentatives de rééquilibrage pouvant mener a l'apaisement, ou au conflit, à la crise, voire à la rupture. Ne pas se sentir respecté
entraine un ressenti de violence subie, de contrainte, et conduit vers des réactions défensives, donc agressives, pouvant aller jusqu'à la violence en retour.

Dans les relations affectives, d'autant plus sensibles qu'elles se portent vers l'intimité, on imagine bien combien le respect mutuel nécessite d'attention et d'ouverture. Non seulement en s'ouvrant vers la part d'inconnu de l'autre, mais aussi en ouvrant notre propre intériorité, mystérieuse pour l'autre... et parfois pour nous-même ! Mettre en contact des sensibilités nécessite un climat de confiance, quoique cela ne suffise pas à garantir le respect attendu. Il peut être difficile de respecter ce que l'on ignore des représentations de l'autre et de ses attentes. Des blessures peuvent être rouvertes sans en avoir la moindre conscience. Les interprétations, représentations, sensibilités particulières, façons d'être, rythmes de vie, peuvent différer considérablement selon les cultures familiales, a fortiori quand les cultures sociales ou sociétales sont éloignées.

Le respect de l'autre ça peut ressembler à l'histoire de l'éléphant dans un magasin de porcelaine...

En prenant conscience que des personnes pour qui j'avais un profond respect (estime) avaient pu ne pas se sentir respectées dans les attitudes que j'avais à leur égard, j'ai réalisé combien l'engrenage des réactions pouvait être fatal. Il s'est toujours mis en marche dès que mon propre ressenti n'a pu trouver oreille suffisamment attentive. Ne pas me sentir "entendu", reconnu ou accepté me donne l'impression de n'être pas pris en considération. N'étant moi-même pas assez attentif à ce manque, ou n'osant pas insister pour rétablir un équilibre qui me soit suffisamment confortable et épanouissant, j'entre alors dans une position de retenue, éventuellement défensive, et finalement agressive. Ainsi ne pas me respecter me conduit à ne pas respecter l'autre, et à ne pas respecter la qualité de la relation.

Je reste profondément marqué par certains de ces dysfonctionnements, qui m'ont mis face à mes insuffisances : en ne respectant pas les sensibilités de l'autre à la hauteur attendue, ce sont aussi mes valeurs humaines que je n'ai pas respectées. En déviant d'une ligne de conduite vertueuse, indispensable pour mon auto-estime
, c'est aussi moi que je ne respecte pas. Ce genre d'erreur peut se révéler très coûteux à réparer en soi, et destructeur sur le plan relationnel...

C'est une prise de conscience qui me mène à beaucoup d'humilité et n'est certainement pas pour rien dans ma désaffection actuelle des relations sentimentales, lieu hautement sensible.

Idéalement, dès que je sens qu'un de mes besoins n'est pas satisfait je devrais m'en ouvrir afin que je me sente entendu. Quitte à insister jusqu'à ce que ce soit le cas. Idéalement l'échange de ressentis devrait mener aux ajustements tenant compte des besoins de chacun...

Ce principe est à la base de la communication non violente. Elle passe par une attention portée à soi autant qu'à l'autre. Elle demande une connaissance et une confiance intérieures, en même temps qu'elle les renforce.

Parce que nous évoluons constamment je crois que le respect n'est jamais acquis. Personne n'est à l'abri d'un dérapage. Fort heureusement un manque de respect involontaire est aisément réparable, réversible, pour peu que  soit pris en considération le ressenti qui en découle. Dans le cas contraire mieux vaut se préserver et éviter les personnes par qui on ne se sent pas respecté, entendu, reconnu. À la longue c'est très destructeur pour l'estime de soi.


Commentaires
P
> Palétuvier... merci :o)<br /> <br /> > Alain, oui mon texte est incomplet et imparfait. Bah, je ne prétends pas à l'exhaustivité en décrivant comment je perçois la notion de respect :o)<br /> <br /> L'idée d'être respectable pour être respecté me plaît et va bien dans le sens que je décris. C'est un peu réversible tout ça : respecter rend respectable.<br /> <br /> On peut bien sûr respecter l'autre sans l'aimer. Par contre l'inverse ne me semble pas tenable bien longtemps.<br /> <br /> Je n'attache pas le respect à l'idée de sentiment. C'est une attitude. Mon titre fait allusion au « sentiment d'être respecté » (ressenti de respect).<br /> <br /> Je suis plutôt d'accord avec toi sur le devoir moral, en tant que choix personnel, ligne de conduite pleinement adoptée. La morale "imposée" est assez détestable et, il me semble, propice à l'hypocrisie. La morale, comme le respect, ne se décrètent pas : ils se ressentent, se vivent.
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A
Difficile de commenter un texte qui reprend bien des aspects diversifiés de la notion de « respect ».<br /> Tu évoques le respect de l'autre en tant qu'être égal à soi-même.<br /> Dans tes développements je me demande si tu n'es pas un peu trop extensif notamment par rapport à la notion de tolérance.<br /> Le respect de l'autre suppose pour moi qu'il soit ... respectable. Évidemment, il l'est ontologiquement en tant que personne, que mon semblable humain. Mais tous les actes et comportements ne sont pas respectables. C'est pour ça qu'il y a des lois et un code pénal par exemple ! Qui s'applique y compris dans les rapports privés et intimes.<br /> <br /> Autrement dit, pour que l'on me respecte, j'ai à faire en sorte d'être respectable.<br /> Et en la matière il existe une subjectivité... objectivable. C'est pourquoi il y a des règles de vie en société en fonction de la culture, l'histoire, etc.<br /> <br /> Il y a des personnes qui, comme on dit : « forcent le respect » il suffit de voir quelles valeurs humaines font qu'il en est ainsi.<br /> Il y a dans mon entourage des personnes que je respecte, et pourtant je crois pouvoir dire que je ne les aime pas...<br /> Le respect ne peut pas être dissocié de la notion de devoir moral. (Oui je sais, c'est pas très "tendance" le devoir moral... Ce n'est pas pour autant que ça n'existe pas...!!). En ce sens le respect d'autrui n'est pas uniquement un sentiment. Si nous attachons du prix au respect c'est bien parce qu'il y a une conscience morale dans l'homme. (Kant a dit tout cela bien mieux que moi... !!).<br /> <br /> Il est probable qu'a ne plus vouloir faire référence à cette conscience morale l'homme est en train de se perdre quelque peu...
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P
Bonjour,<br /> Je ne discuterai pas sur ce billet qui, à mon point de vue, est complet et brillament exposé. Je veux seulement vous dire merci d'avoir si bien exprimé un sujet souvent mis à toutes les sauces, qui ce trouve là, entièrement débattu. Il m'est allé droit au coeur !
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P
Josiane, je me rends bien compte que mon texte est difficilement "commentable" :o)<br /> <br /> Je te remercie de faire part de ton expérience, qui recoupe largement la mienne. Car si dans ce texte je reste volontairement généraliste, c'est bien sûr en partant de ma propre expérience vécue que je l'ai rédigé.<br /> <br /> Je m'appuie sur un idéal parce que c'est ainsi que je fonctionne : tendre vers un idéal, m'en approcher le plus possible. C'est un objectif que je sais ne pas pouvoir atteindre, ne serait-ce que parce que je ne maîtriserai jamais plus que la moitié des éléments. La part de l'autre m'échappera toujours. Cependant ma moitié de responsabilité peut influer sur ce que ressent l'autre et je peux espérer que si je suis le plus respectueux possible cet autre se sentira en confiance et en bonnes dispositions pour faire son bout de chemin.<br /> <br /> Tu dis « est-ce que l'autre à la même notion du respect que moi??? ». Non, pas en tout point, hélas. C'est bien là le principal écueil, que j'ai essayé de mettre en avant.<br /> <br /> Ce que tu relates m'est très évocateur et me rappelle bien des phases de mon propre parcours...<br /> <br /> Oui, il faut une bonne dose de volonté, beaucoup de courage, et pas mal de persévérance. Mais on n'obtient pas le meilleur de soi sans efforts :o)<br /> <br /> Merci pour tes mots, ils me sont importants.
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J
Bjr Pierre, Cela me semble difficile de faire un commentaire court avec ton billet qui semble vouloir aller vers l'idéal de ce que serait le respect dans les relations avec autrui...Je vais d'ailleurs commencer par dire que tout comme pour aimer autrui il faut apprendre à s'aimer soi-même, avant d'apprendre à connaître l'autre, il vaut mieux apprendre à se connaître...pour respecter l'autre il faut commencer par se respecter soi-même...mais ça c'est presque une évidence...je pourrais dire aussi que je respecte autrui quand j'agis avec lui comme avec moi-même, c'est à dire que je lui donne ce que je voudrais qu'on me donne et je ne lui fais pas ce que je ne voudrais pas qu'on me fasse...mais là est-ce que l'autre à la même notion du respect que moi??? Et là, je me dis qu'il faudrait que je connaisse parfaitement l'autre pour savoir si je le respecte ou pas... (ça va dans les deux sens) et c'est là que tout se complique...il faut que la communication soit là, sinon l'incompréhension ou ne pas avoir la même vision du respect peut nous "enfermer" dans une situation de conflit...pour essayer d'exprimer ce que je viens d'écrire, je vais plutôt parler de moi...il n'y a pas bien longtemps, j'allais "assez mal" pour ne pas dire "très mal", justement ça rejoint ce que tu dis dans ta dernière phrase...je me sentais tellement peu respectée que j'en avais perdu ma propre estime....les premières communications ont été assez violentes...je n'en pouvais plus donc la colère est sortie...c'est parti un peu dans tous les sens...et là j'ai eu en face de moi l'homme que pourtant je croyais connaître, qui croyait me connaître et pourtant quand je lui ai dit qu'il ne me respectait pas, il est tombé des nues! Comment? Il m'avait selon lui toujours respecté, c'était moi qui ne le respectait pas...et là quand j'ai vu qu'il était vraiment sincère, mais qu'il ne pouvait pas (encore aujourd'hui) se remettre en question, je me suis en quelque sorte alignée sur sa vision du respect mais cependant en "travaillant" davantage sur moi et en n'acceptant plus ce que moi je considérais comme du non-respect, ce qui au final aurait fini par me détruire alors que j'avais décidé de me reconstruire...je ne savais peut-être pas ce que je voulais vraiment, mais je pouvais dire enfin ce que je ne voulais plus...c'est peut-être à partir de ce moment là que j'ai appris à me respecter tout en le respectant et je pense que si lui n'est pas encore parvenu à se respecter il a appris à me respecter...ce respect mutuel est encore loin d'avoir réglé tous les problèmes, mais cependant il m'a permis de ressentir encore plus fort l'amour que j'éprouve pour lui et cet amour continue malgré tout à m'enrichir, me stimule pour l'aider, non plus à vouloir à tout prix le faire parler ou essayer de le faire agir d'une certaine façon, mais tout simplement en l'accompagnant, en l'écoutant, en essayant de lui montrer ma présence quand il va très mal! Voilà Pierre, je ne pense pas m'être "éloignée" du respect en faisant ce témoignage car pour moi l'amour, la tolérance, la connaissance de soi, de l'autre, la liberté, la paix et tout ce qui va avec me semblent être les pièces d'un même puzzle et j'ai besoin de rassembler toutes ces pièces pour retrouver toute l'entiéreté de mon être, l'intégrité de mon âme...et c'est pas facile tous les jours...mais avec un peu de volonté, beaucoup de courage je vais y arriver...et c'est aussi ici (entre autre) chez toi que je viens en chercher une bonne dose! Allez Pierre je te souhaite un bon dimanche et je suis désolée d'avoir été un peu trop bavarde mais le sujet est tellement vaste! Bisous et à +
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