C'est une maison bleue...
C'est une maison de pierre aux volets bleus, accrochée à sa colline dans les montagnes sèches du sud de la France. Les portes sont ouvertes à ceux qui ont envie de travailler un peu, discuter beaucoup, et de partager des moments de vie dans la bonne humeur. On se retrouve ensemble, famille, amis, inconnus venus du bout du monde venus passer quelques jours ou quelques mois. Ça ressemble un peu à une auberge de jeunesse au confort rustique. Ici on cultive la terre en ayant le souci de la préserver, parmi poules et canards, moutons et abeilles. Il y a aussi un cheval et trois chiens.
C'est là que j'ai passé quatre jours, et je reviens l'esprit et le cœur remplis de bons moments partagés.
En ce lieu sont accueillis des wooffers* qui, en échange du gîte et du couvert, participent aux travaux de la ferme. Pendant les vacances il y a aussi les enfants des paysans et leurs cousins. Quand je suis arrivé, samedi soir, il y avait une demi douzaine de jeunes. Et quatre adultes. Plus quelques invités de passage. Les hôtes accueillent tous ceux qui sont là à l'heure du repas.
Là-bas règne une incroyable vitalité, qui laisse rêveur le solitaire taciturne que je suis. En quatre jours, avec la douzaine de personnes présentes, j'ai participé au ramassage du foin "à l'ancienne" et son rangement sous un hangar, à la construction bigarrée d'un mur de pierres, à des repas autant nourris de rires que de victuailles, à des discussions restreintes ou élargies. J'ai effectué ma première descente de torrent, nageant dans un canyon tellement étroit que j'en touchais les parois. J'ai écouté un jeune américain épanoui et sensible nous parler de son pays et improviser au violon avec talent. J'ai vu arriver un jeune couple de québécois, souriants et heureux, s'intégrer instantanément au groupe, comme s'ils retrouvaient une bande de copains. Je les ai vu ravir l'auditoire en nous apprenant comment « sacrer » (jurer) avec subtilité et vanter la haute gastronomie de la poutine. J'ai écouté les mêmes jouer des airs de guitare et de violon avec l'américain, jusqu'à la nuit noire.
Et moi, étonné de cette simplicité des contacts, de cette spontanéité évidente, je regardais ça avec envie et un brin de nostalgie. Que ma jeunesse a été différente ! Qu'elle a été protégée, calibrée, conformiste, immobile ! Qu'elle a manqué d'ambition !
Il n'est jamais trop tard et ces voyageurs du monde, dont font partie mes enfants, stimulent mes envies d'une existence plus audacieuse. De ces quatre jours chez ma sœur je reviens plus convaincu d'une envie croissante : aller à la rencontre du monde. Mais pas qu'en touriste. Rencontrer ceux qui vivent ailleurs, autrement. Participer et non pas seulement observer. Oserais-je le faire ?