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Alter et ego (Carnet)
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19 août 2010

L'oubli de soi

Il y a quelques jours j'écrivais que, dans mon monde intérieur, aimer était teinté de l'idée d'abnégation et que, sur cette base, j'avais certainement été abusivement « gentil ». Découverte tardive qui me pousse à revisiter tout mon système relationnel et, surtout, à changer le regard que je porte sur moi. Le hasard faisant bien les choses, mes yeux se sont posés récemment sur un ouvrage que j'avais laissé de côté depuis plusieurs mois : « La liberté dans les relations affectives », signé par Colette Portelance. J'ignore à peu près tout des compétences de cette psychothérapeute québecoise mais j'ai trouvé à travers ses mots une expression proche de ce que je ressens sans savoir le décrire, faute de recul suffisant. Je vous propose donc quelques extraits d'un chapitre intitulé  « L'oubli de soi », dont je pressens qu'il sera évocateur pour beaucoup :

« L'oubli de soi est une des plus importantes conséquences du manque d'écoute de ses peurs et de ses besoins, du manque d'attention à ce qui se passe en soi. Il entraine une incapacité à être en relation authentique et crée des relations plutôt superficielles où chacun dépense son énergie à s'occuper de l'autre pour ne pas souffrir, ce qui cause, à la longue, des souffrances beaucoup plus grandes. En effet, celui qui s'oublie ne donne pas d'importance à ses désirs, à ses besoins et à ses émotions; par conséquent la personne qu'il aime ne lui accordera pas la reconnaissance dont il a besoin puisqu'il ne se la donne pas lui-même. Se sentant négligé, il aura peur d'être abandonné. Malheureusement, sa peur n'est pas sans fondement puisque, très souvent, les personnes qui s'oublient elles-mêmes sont aussi abandonnées par les autres. De plus, elles sont d'autant plus démunies qu'elles se trouvent constamment dans des relations où elles finissent par être délaissées sans vraiment savoir pourquoi. Elles ont pourtant tout donné, tout concédé, tout sacrifié; elles ont abdiqué, lâché, renoncé pour sauver la paix et pour ne pas perdre.

(...) Comme l'altruisme, le don de soi et l'abnégation ont été largement valorisés par la culture judéo-chrétienne, les notions d'amour de soi et d'écoute de soi y étant souvent synonymes d'égoïsme. En conséquence, plusieurs personnes sont incapables d'accueillir attention et reconnaissance et de s'occuper de leurs besoins parce qu'elles se sentent coupables, incorrectes, voire fautives.

(...) Il n'y a pas de véritable amour de l'autre sans amour de soi. Celui qui donne sans penser à lui-même est généralement mené de l'intérieur par des émotions désagréables, souvent subtiles, qu'il n'a pas identifiées telles, la peur, la culpabilité, l'insécurité. Son élan vers l'autre, son don de soi n'est pas de l'amour réel mais plutôt un moyen de dissiper ses propres malaises. Alors, ce qui semble être de l'altruisme est, en fait, de l'égoïsme.

Notre éducation a favorisé les introjections à propos de l'altruisme et de l'égoïsme qui nous empêchent d'être nous-mêmes et qui déforment le véritable sens de l'amour. Si nous nous occupons des besoins de l'autre parce que nous avons peur de le perdre ou parce que nous nous sentons coupables ou tout simplement parce que nous ne voulons pas paraître égoïstes, notre action devient un moyen défensif de nous occuper de nous, un moyen de ne plus sentir la peur et la culpabilité, une sorte de pansement qui ne guérit rien parce que ce qu'il tente de cacher n'est pas le véritable problème. En attirant l'attention sur l'extérieur pour dissiper une souffrance intérieure inconsciente, nous n'agissons en aucune façon sur cette souffrance. Au contraire nous l'abandonnons pour nous centrer sur l'autre. Nous manquons ainsi d'amour pour nous-mêmes et notre élan pour l'autre nait de la peur plutôt que d'un sentiment d'amour véritable.

(...) En identifiant la peur, la culpabilité ou l'insécurité nous pouvons l'exprimer ou la gérer plutôt que de prendre inconsciemment des moyens détournés pour ne plus la sentir et ainsi fausser la relation. C'est cette conscience de notre vécu et de nos besoins qui nous donne la liberté de régir nos réactions et qui nous permet de développer l'amour de nous-mêmes sans lequel nous ne pouvons éprouver d'amour réel pour les autres.

Nous aimer nous-même, c'est ne pas nous oublier, ce qui demande beaucoup de vigilance par rapport à notre vécu, notre éducation nous ayant fourni de nombreux pièges qui nous mènent à nous oublier pour éviter de souffrir. L'un de ces pièges est le non-dit. Par peur de blesser, de déranger, de déplaire, de perdre, d'être jugé, ridiculisé, critiqué, par peur du conflit, combien de personnes s'empêchent de dire leurs besoins, de dire leurs émotions, de dire la vérité ? Savent-elles que le non-dit crée une distance et une insécurité et que, par conséquent, il finit par briser les liens qui les unissent à ceux qu'elles aiment ? D'autres personnes, menées par l'anxiété, la pitié et la culpabilité inconscientes, s'oublient en prenant en charge les souffrances, les problèmes et les comportements des autres ou en contrôlant leurs émotions et leurs actions en essayant de les changer. Et que dire de celles qui, pour avoir la paix à tout prix, nient complètement leurs valeurs, leurs rêves, leurs désirs et de celles qui disent toujours « oui » à l"autre pour ne pas qu'il se sente rejeté ? Sont-elles conscientes qu'elles se rejettent elles-mêmes et qu'elles risquent un jour d'être rejetées parce qu'elles ne se donnent pas assez d'importance pour attirer le respect et l'amour ? (...)

Dirigées par des peurs, des culpabilités et des insécurités inconscientes, les personnes qui s'oublient elles-mêmes en ne se donnant pas de place à leur vécu émotif, se condamnent à la perfection et ne se permettent pas l'erreur. Il est plus important pour elles d'être correctes que d'être authentiques, de dépasser leurs limites physiques et psychiques que de se respecter, ce qui fait qu'il n'y a pas de place dans leur vie pour le plaisir, le jeu, la joie, la créativité, la liberté. Elles sont emprisonnées par l'inconnu qui les habite. Démystifier cet inconnu, c'est se donner du pouvoir sur sa vie.

(...) Ne plus nous oublier, c'est nous donner le droit de dire « non », le droit d'être nous-mêmes, le droit de respecter nos valeurs en de réaliser nos rêves. C'est aussi accepter que nous avons parfois besoin d'aide et que nous avons besoin de temps pour apprendre à nous aimer, à nous respecter et, par conséquent, à offrir aux autres un amour vrai, libéré de cette forme aliénante d'altruisme qui nous empêche d'exister pleinement et d'avoir du pouvoir sur notre vie »

 

Extrait de "La liberté dans les relations affectives", par Colette Portelance
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IMGP2083

Nuages pour un oiseau


Commentaires
P
Françoise, c'est très juste ce que tu dis : le "don" est parfois une demande déguisée (inconsciente). C'est assez troublant d'ailleurs parce que la limite entre le "vrai" don et le "faux" n'est pas perceptible aisément. De plus je pense que souvent les deux formes coexistent, se superposent, ce qui rend d'autant plus difficile leur distinction.<br /> <br /> « Plus l'un donne/quémande, plus l'autre s'éloigne... » et en même temps ce peut aussi être l'inverse : l'éloignement de l'un suscite la demande de l'autre. La communication d'inconscient à inconscient reste bien mystérieuse...
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F
Je pense qu'il n'est pas bon de s'oublier dans une relation (de couple), de ne penser qu'à l'autre, qu'au bonheur de l'autre, car, alors, on devient vite "transparent"... Cette façon de donner en s'oubliant soi-même est en fait une façon de quémander l'amour de l'autre. C'est inconsciemment intéressé. Mais cela agit souvent dans l'autre sens. Celui qui reçoit tellement d'amour ne voit même plus celui qui lui en donne tant. Et cela devient un cercle vicieux. Plus l'un donne (mais en fait quémande), plus l'autre s'éloigne. <br /> <br /> Bonne soirée à toi, Pierre ! :-)
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J
Bjr Pierre, c'est tout à fait ça! Cependant quand on a connu l'enfer provenant de cette dépendance, on apprend petit à petit à devenir moins dépendant de l'autre (comme l'enfant qui grandit), on apprend à marcher seul pour essayer d'arriver à marcher avec les autres et non grâce aux autres, d'où vient le besoin, non plus de l'autre, mais le besoin vital de retrouver son équilibre! Bisous à tous et bonne journée!
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P
« J'ai BESOIN de toi pour vivre » Aïïïïe, la dépendaaaannce !!! Ça fait de jolies paroles, mais ça promet l'enfer ;o)<br /> <br /> Josiane, c'est avec grand plaisir que je lirai tes réponses, si tu peux participer...
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J
"J'ai besoin de toi pour vivre, c'est une question d'équilibre, quand t'es partie ça m'a coupé les ailes...depuis le plancher m'appelle, le plancher m'appelle" (Cabrel) c'est en lisant ces derniers commentaires que je me suis mise spontanément à fredonner cette chanson...voilà tout simplement un petit coucou et bien sûr Pierre j'ai pris note de ton questionnaire et j'espère avoir le temps d'y répondre, ce sera avec un grand plaisir...bonne soirée! et à +
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P
SolAnge, inné ou acquis, peu importe : certaines personnes sont incontestablement davantage tournées vers les autres. Tu as raison de souligner que cela ne signifie pas "oubli de soi" ! Je crois que c'est justement là que tout se joue : les personnes dotées d'une estime de soi suffisante ont moins besoin de penser à elles-mêmes (elles le font "naturellement"). En équilibre sur ce plan-là elles sont plus disponibles aux autres.<br /> <br /> Ce qu'on appelle "égoïsme" n'est-il pas bien souvent la manifestation d'un grand manque de solidité intérieure ? Ou une construction défaillante ? Ce n'est pas une question de nombril mais d'égo, de narcissisme (dans le sens de s'aimer suffisamment). Si on ne s'aime pas suffisamment, comment pourrait-on aimer les autres ?<br /> <br /> Quand tu parles du GRAND TOUT, concept dont je pense à peu près comprendre le sens, j'entends bien que penser à soi et penser aux autres doivent se faire à peu près à égalité. Quelqu'un qui penserait seulement à son bien-être individuel, comme celui qui penserait "d'abord aux autres" seraient en marge de ce Grand tout. C'est une question d'équilibre.<br /> <br /> Comme toi je ne pense pas qu'un égoïste absolu puisse être heureux...
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S
... que Sophophile,j'aurais tendance à penser Pierre, que certaines personnes ont une tendance *naturelle*, quasi innnée, à prêter attention à l'autre, à avoir une attention autant pour leur prochain que pour eux-même (ce qui ne veut pas dire forcément 'oubli de soi') et d'autres personnes se servent d'abord eux, pensent à eux, satisfont leurs besoins,fut-ce au détriment des autres... et advienne que pourra de leurs proches!... <br /> <br /> Je ne pense pas que quand on pense aussi à l'Autre, voire d'abord à l'Autre, on le fasse forcément dans le but d'avoir une bonne image de soi... on peut simplement ne pas avoir envie de se focaliser sur son nombril comme point de départ et de référence absolu!... <br /> <br /> Avoir conscience que l'on est qu'une partie d'un GRAND TOUT et réaliser que le bien-être du GRAND TOUT compte au moins autant pour son harmonie personnelle que le seul bien-être individuel...<br /> <br /> Personnellement, je ne me vois absolument pas pouvoir être heureuse sans contribuer aussi au bonheur de ceux qui me sont proches et chers, ou en empêchant le leur...
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P
Sophophile, je ne me souviens pas avoir dénigré l'altruisme. Quand au "vrai" altruisme, je doute qu'il soit totalement désintéressé, ne serait-ce que par la satisfaction que l'on ressentirait à le pratiquer...
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S
Le vrai altruisme est désintéressé<br /> <br /> Ne le dénigrez pas avec plus ou moins d'habileté en donnant la priorité à un égoïsme feutré. <br /> <br /> Tout dépend de votre conception du vrai bonheur et de notre raison d'être vie après vie en chemin vers la Source Ineffable de tout.<br /> <br /> Je vous souhaite modestement un "coeur de cher" et beaucoup d'intelligence du coeur.
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P
> Il est vrai, Nicole, que THÉORIQUEMENT tout le monde peut changer. Encore faut-il avoir conscience que ce changement est nécéssaire et possible...<br /> <br /> > Yogi, merci de souligner cette distinction. Se faire passer après les autres, se considérer comme "moins important", c'est bien davantage que s'implement "s'oublier".
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