Dites-moi qui je suis
Allez, un peu de cogitations, pour changer...
Je me questionnais sur ce que j'avais envie d'écrire ici [déjà, c'est un peu bizarre comme question...] et hésitais entre plusieurs sujets qui, chacun dans leur genre, me permettraient d'aborder ce qui me plaît. J'aurais pu parler des prémices de l'automne, sur un mode esthético-poétique. Décrire le retour des rosées abondantes, la lumière éclatante de l'été finissant, les colorations des feuillages les plus précoces. Et puis mettre quelques photos qui, apparemment, plaisent à une partie de mon lectorat.
J'aurais pu m'épancher sur mes ressentis de père qui, seul tout l'été, doit réapprendre à partager le temps lorsque ses enfants pleins de dynamisme séjournent quelques jours. Peut-être aurais-je alors éveillé un écho et quelques commentaires.
J'aurais pu évoquer les souvenirs que la présence de mon fils au Québec me rappelle, étant sur les lieux même où je me trouvais il y a un an.
J'aurais pu narrer mes récents déboires professionnels, confronté aux difficultés à mener une équipe quand certains jeunes impulsifs cherchent à dépasser les limites.
J'aurais pu faire part de quelques impressions liées à la réflexion sur le couple que j'effectue dans le cadre de mon mémoire.
J'aurais pu glisser quelques allusions sur les approches féminines qui, loin d'être découragés par ma solitude affichée et affirmée, semblent attirées par cela même...
Oui, j'aurais pu aborder chacun de ces sujets, et bien d'autres encore. Et à chaque fois m'aurait été renvoyé quelque chose par ceux et celles qui passent ici, régulièrement ou par hasard.
Mais fondamentalement, qu'est-ce que j'aurais voulu dire par là ? Qu'est-ce que j'aurais cherché à transmettre de moi, plus ou moins à mon insu, selon le choix que j'aurais développé ? Qu'est-ce que j'aurais voulu "partager" avec vous, lecteurs, et dans quel objectif conscient ou inconscient ?
Alors finalement je me suis laissé aller à la simplicité et j'écris ceci. C'est avec ces mots que, là, maintenant, je me sens le plus en accord avec mon état. Et je laisse ainsi la place au texte qui m'a inspiré, décrivant avec justesse ce que je constate bien souvent dans ma démarche d'écriture publique et qui, selon la formule consacrée, "m'interpelle"...
« La démarche introspective qui consistait à vouloir connaître son identité par le regard intérieur qu'on porte sur soi a laissé la place à une autre exactement opposée : il s'agit de se cerner grâce au regard des autres. Nous pianotons sur nos claviers à la recherche d'interlocuteurs qui nous disent qui nous sommes, et Internet est devenu un vaste marché d'identités en quête de validation.
(...)
Dans un monde où chacun est sommé de se construire une identité personnelle, la question de savoir qui l'on est se trouve évidemment au centre des préoccupations de chacun. Il ne faut donc pas s'étonner qu'elle revienne sans cesse sur internet. Renonce-t-on pour autant à être aimé ? Pas vraiment, parce qu'en réalité les deux questions n'en font qu'une. « Dites-moi comment vous vous intéressez à moi et je saurai qui j'ai envie d'être. »
Mais pour savoir qui on est il faut commencer par « se découvrir ». En français le double sens de ce verbe est épatant : c'est à la fois « se mettre à nu devant les autres » et « accéder à la connaissance de soi ». Ces deux attitudes correspondent à ce que j'ai appelé « désir d'extimité », qui n'est autre que celui de rendre publiques des parties secrètes de soi pour les faire connaître et valider par l'entourage. »
Serge Tisseron dans « Virtuel mon amour »
Au Québec comme dans mon jardin, le Bouleau jaune est toujours le premier à se colorer...