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Alter et ego (Carnet)
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16 novembre 2010

Les Trois Portes de la Sagesse

Un Roi avait pour fils unique un jeune Prince courageux, habile et intelligent. Pour parfaire son apprentissage de la Vie, il l’envoya auprès d’un Vieux Sage.

- Éclaire-moi sur le Chemin de la Vie, demanda le Prince.

- Mes paroles s’évanouiront comme les traces de tes pas dans le sable, répondit le Sage. Cependant je veux bien te donner quelques indications. Sur ta route, tu trouveras trois portes. Lis les préceptes inscrits sur chacune d’elles. Un besoin irrésistible te poussera à les suivre. Ne cherche pas à t’en détourner, car tu serais condamné à revivre sans cesse ce que tu aurais fui. Je ne puis t’en dire plus. Tu dois éprouver tout cela dans ton coeur et dans ta chair. Va, maintenant. Suis cette route, droit devant toi.

 


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Le Vieux Sage disparut et le Prince s’engagea sur le Chemin de la Vie. Il se trouva bientôt face à une grande porte sur laquelle on pouvait lire:

“Change le Monde.”

C’était bien là mon intention, pensa le Prince, car si certaines choses me plaisent dans ce monde, d’autres ne me conviennent pas.

Et il entama son premier combat. Son idéal, sa fougue et sa vigueur le poussèrent à se confronter au monde, à  entreprendre, à conquérir, à modeler la réalité selon son désir. Il y trouva le plaisir et l’ivresse du conquérant, mais pas l’apaisement du coeur. Il réussit à changer certaines choses, mais beaucoup d’autres lui résistèrent.

 

Bien des années passèrent. Un jour, il rencontra le Vieux Sage qui lui demanda:

- Qu’as-tu appris sur le chemin ?

- J’ai appris, répondit le Prince, à discerner ce qui est en mon pouvoir et ce qui m’échappe, ce qui dépend de moi et ce qui n’en dépend pas.

- C’est bien, dit le Vieil Homme. Utilise tes forces pour agir sur ce qui est en ton pouvoir. Oublie ce qui échappe à ton emprise. Et il disparut.


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Peu après, le Prince se trouva face à une seconde porte. On pouvait y lire:

“Change les Autres.”

- C’était bien là mon intention, pensa-t-il . Les autres sont source de plaisir, de joie et de satisfaction mais aussi de douleur, d’amertume et de frustration. Et il s’insurgea contre tout ce qui pouvait le déranger ou lui déplaire chez ses semblables. Il chercha à infléchir leur caractère et à extirper leurs défauts. Ce fut là son deuxième combat.

 

Bien des années passèrent.

Un jour, alors qu’il méditait sur l’inutilité de ses tentatives de vouloir changer les autres, il croisa le Vieux Sage qui lui demanda:

- Qu’as-tu appris sur le chemin ?

- J’ai appris, répondit le Prince, que les autres ne sont pas la cause ou la source de mes joies et de mes peines, de mes satisfactions et de mes déboires. Ils n’en sont que le révélateur ou l’occasion. C’est en moi que prennent racine toutes ces choses.

- Tu as raison, dit le Sage. Par ce qu'ils réveillent en toi, les autres te révèlent à toi-même. Sois reconnaissant envers ceux qui font vibrer en toi joie et plaisir. Mais sois-le aussi envers ceux qui font naître en toi souffrance ou frustration, car à travers eux la Vie t'enseigne ce qui te reste à apprendre et le chemin que tu dois encore parcourir.



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Et le Vieil Homme disparut. Peu après, le Prince arriva devant une porte où figuraient ces mots:

”Change-toi toi-même.”

Si je suis moi-même la cause de mes problèmes, c’est bien ce qui me reste à faire, se dit-il. Et il entama son troisième combat. Il chercha à infléchir son caractère, à combattre ses imperfections, à supprimer ses défauts, à changer tout ce qui ne lui plaisait pas en lui, tout ce qui ne correspondait pas à son idéal.

 

Après bien des années de ce combat où il connut quelque succès mais aussi des échecs et des résistances, le Prince rencontra le Sage qui lui demanda:

- Qu’as-tu appris sur le chemin ?

- J’ai appris, répondit le Prince, qu’il y a en nous des choses qu’on peut améliorer, d’autres qui nous résistent et qu’on n’arrive pas à briser.

- C’est bien, dit le Sage.

- Oui, poursuivit le Prince, mais je commence à être las de me battre contre tout, contre tous, contre moi-même. Cela ne finira-t-il jamais ? Quand trouverai-je le repos ? J’ai envie de cesser le combat, de renoncer, de tout abandonner, de lâcher prise.

- C’est justement ton prochain apprentissage, dit le Vieux Sage. Mais avant d’aller plus loin, retourne-toi et contemple le chemin parcouru. Et il disparut.

Regardant en arrière, le Prince vit dans le lointain la troisième porte et s’aperçut qu’elle portait sur sa face arrière une inscription qui disait:

"Accepte-toi toi-même"

Le Prince s’étonna de ne point avoir vu cette inscription lorsqu'il avait franchi la porte la première fois, dans l’autre sens.

- Quand on combat, on devient aveugle se dit-il. Il vit aussi, gisant sur le sol, éparpillé autour de lui, tout ce qu’il avait rejeté et combattu en lui: ses défauts, ses ombres, ses peurs, ses limites, tous ses vieux démons. Il apprit alors à les reconnaître, à les accepter, à les aimer. Il apprit à s’aimer lui-même sans plus se comparer, se juger, se blâmer.

 

Il rencontra le Vieux Sage qui lui demanda:

- Qu’as-tu appris sur le chemin ?

- J’ai appris, répondit le Prince, que détester ou refuser une partie de moi, c’est me condamner à ne jamais être en accord avec moi-même. J’ai appris à m’accepter moi-même, totalement, inconditionnellement.

- C’est bien, dit le Vieil Homme, c’est la première Sagesse. Maintenant tu peux repasser la troisième porte.

À peine arrivé de l’autre côté, le Prince aperçut au loin la face arrière de la seconde porte et y lut:

" Accepte les autres"

Tout autour de lui il reconnut les personnes qu’il avait côtoyées dans sa vie. Celles qu’il avait aimées et celles qu’il avait détestées. Celles qu’il avait soutenues et celles qu’il avait combattues. Mais à sa grande surprise, il était maintenant incapable de voir leurs imperfections, leurs défauts, ce qui autrefois l’avait tellement gêné et contre quoi il s’était battu.

 

Il rencontra à nouveau le Vieux Sage.

- Qu’as-tu appris sur le chemin ? demanda ce dernier.

- J’ai appris, répondit le Prince, qu’en étant en accord avec moi-même, je n’avais plus rien à reprocher aux autres, plus rien à craindre d’eux. J’ai appris à accepter et à aimer les autres totalement, inconditionnellement.

- C’est bien, dit le Vieux Sage. C’est la seconde Sagesse. Tu peux franchir à nouveau la deuxième porte.

Arrivé de l’autre côté, le Prince aperçut la face arrière de la première porte et y lut:

“Accepte le Monde.“

Curieux, se dit-il, que je n’aie pas vu cette inscription la première fois. Il regarda autour de lui et reconnut ce monde qu’il avait cherché à conquérir, à transformer, à changer. Il fut frappé par l’éclat et la beauté de toute chose. Par leur Perfection.

C’était pourtant le même monde qu’autrefois. Était-ce le monde qui avait changé ou son regard ?

 

Il croisa le vieux sage qui lui demanda :

- Qu’as-tu appris sur le chemin ?

- J’ai appris, dit le Prince, que le monde est le miroir de mon âme. Que mon âme ne voit pas le monde, elle se voit dans le monde. Quand elle est enjouée, le monde lui semble gai. Quand elle est accablée, le monde lui semble triste. Le monde, lui, n’est ni triste ni gai. Il est là, il existe, c’est tout. Ce n’était pas le monde qui me troublait, mais l’idée que je m’en faisais. J’ai appris à l’accepter sans le juger, totalement, inconditionnellement.

- C’est la troisième Sagesse, dit le Vieil Homme. Te voilà à présent en accord avec toi-même, avec les autres et avec le Monde.

Un profond sentiment de Paix, de Sérénité, de Plénitude envahit le Prince. Le Silence l’habita.

- Tu es prêt, maintenant, à franchir le Dernier Seuil, dit le Vieux Sage, celui du passage du Silence de la Plénitude à la Plénitude du Silence.

Et le Vieil Homme disparut.

Charles Brulhart Décembre 1995
www.metafora.ch


Photos prises le 13 novembre 2010

Commentaires
P
C'est très juste Tina. Et on notera, en outre, que le sage n'impose rien mais ne fait que répondre à une demande...
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T
Là où le vieux sage est très sage, selon moi, c’est qu’il n’énonce pas d’emblée ses convictions, sa vérité. Il envoie le jeune prince expérimenter par lui-même, sur un parcours ou différents obstacles lui feront choisir sa voie. Essayer de changer le monde pour réaliser la mesure de ce que l’on peut espérer changer, essayer de changer les autres pour apprendre que l’on ne peut pas et qu’il faut renoncer, vouloir oublier, nier ses faiblesses et ses peurs pour finalement les accepter, les aimer. Le vieux sage considère qu’il y a des passages obligés, qu’on ne peut faire l’économie d’erreurs, d’expériences douloureuses, de temps. En cela il est sage, de considérer que son savoir ne peut être transmis comme une vérité, une leçon que l’on apprend, mais qu’on ne peut y aller que par soi-même, par sa propre implication.
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P
C'est avec plaisir que je constate que ce texte vous inspire :o)<br /> <br /> Je suis actuellement un peu "absent" ici, car très occupé dans ma vie réelle, mais je vous ai lu avec intérêt. <br /> <br /> Ce texte est évidemment à voir comme un objectif vers lequel on peut tendre, si on le décide, si on en a envie, et chacun sera plus ou moins tenté par l'effort que cela demande...
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J
Bonjour Pierre et naturellement bonjour à vous tous...car c'est avec beaucoup de plaisir que je lis toujours vos réflexions. Et puis autour de cette histoire que nous fait ou refait lire Pierre, il me semble que nous sommes unanimes pour dire que c'est beau...mais bien sûr, nous avons des doutes...personnellement je sais qu'il y a quelques années quand j'étais en pleine souffrance, j'aurais déchiré un texte comme celui-ci...je disais que tout ça c'était bien beau mais impossible à réaliser, je souffrais trop....paroles, paroles et encore des paroles mais ce n'était pas pour moi, c'était peut-être pour ceux qui y étaient déjà parvenus à faire quelques pas mais pas pour moi...je comprends ton commentaire Yogi! Très difficile à lire pour ceux qui sont dans la souffrance, qui sont aveuglés par leur souffrance...ne serait ce que pour celui qui même s'il n'est pas torturé, est dans la peine, au chômage...enfin dans toute sorte de détresse...cependant je rejoins Lukeria pour "le déclic"...quand il se produit on lit cette histoire en y trouvant beaucoup plus de vérité que d'utopie (enfin, je parle pour moi). Si j'avais rencontré ce sage à 20 ans, je lui aurais ri au nez, à 30 et 40 j'en étais encore à peine à ouvrir les premières portes...et je suis encore loin d'ouvrir la face arrière de la première porte...cependant j'avance, j'avance plus sereinement et ce profond sentiment de paix, je l'ai ressenti et je le ressens de plus en plus souvent associé à un sentiment de joie et pourtant je peux vous dire que ce n'est pas parce que tout va bien pour moi, que je suis riche, que je vis une relation amoureuse harmonieuse...non rien de tout cela et cependant je vis beaucoup mieux ce que j'ai à vivre...en quelque sorte je m'enflamme moins quand je vis des moment heureux et je me désespère moins quand je vis des moments malheureux...il y a quelque chose qui s'est apaisé en moi...je ne sais pas quoi...je ne sais pas en parler...il y a des fois où je me dis que c'est parce que je suis en bonne santé que tout va bien et pourtant il m'est arrivé de côtoyer des personnes malades ou de lire des récits de personnes malades et je suis dans ces cas là comme admirative devant leur sérénité...ils me donnent des leçons...<br /> Une fois de plus je me rends compte que j'ai été bien bavarde! Merci Pierre pour le partage de ce texte qui m'amène à méditer encore et encore sur le sens de la vie, sur le chemin de ma propre vie, sur la traversée des moments heureux et des épreuves, sur la vie quoi!!!<br /> Bonne journée!
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N
Sur le même site j'ai trouvé beaucoup à méditer sur :<br /> http://www.metafora.ch/ContenuPDF/00044.pdf
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L
Il est vrai, comme le dit Charlotte, que savoir ne suffit pas. Mais un jour, il y a un déclic, souvent après avoir traversé beaucoup de souffrances, qui nous réveille et nous mène sur ce chemin de sagesse qui devient de plus en plus lumineux au fur et à mesure que l'on avance. A condition de s'ouvrir et de ne pas s'enfermer dans ses souffrances.
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Y
Accepter les autres, et les aimer totalement, inconditionnellement. Accepter le Monde, voir l’éclat et la beauté de toute chose, et sa Perfection. De bien nobles principes, quoique peut-être un peu difficiles à expliquer aux victimes d'exploitation, de torture et de barbarie ?
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C
C'est très beau... J'aimerais bien en arriver là.Le problème est quand même que savoir cela ne suffit pas...
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P
Merci Pierre.<br /> J'aime beaucoup. C'est tellement vrai,<br /> "que les autres ne sont pas la cause ou la source de mes joies et de mes peines, de mes satisfactions et de mes déboires. Ils n’en sont que le révélateur ou l’occasion. "<br /> Qu'il faut que tu "Sois reconnaissant envers ceux qui font vibrer en toi joie et plaisir. Mais sois-le aussi envers ceux qui font naître en toi souffrance ou frustration, car à travers eux la Vie t'enseigne "<br /> Que "Le monde, lui, n’est ni triste ni gai. Il est là, il existe, c’est tout."<br /> <br /> Et pour finir, "Il regarda autour de lui et reconnut ce monde qu’il avait cherché à conquérir, à transformer, à changer. Il fut frappé par l’éclat et la beauté de toute chose."
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J
euh ...m'a fait
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