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Alter et ego (Carnet)
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11 décembre 2010

Devenir

Bonjour...

J'ai été absent quelques temps et certaines personnes s'en sont un peu inquiétées, manifestant leur souhait de me voir "revenir" sur ce blog. J'ai été sensible à cette attention et me suis rendu compte, une fois de plus, que les mots de chacun étaient importants pour d'autres. Les miens pour "vous", les votres pour moi.

Me savoir exister pour d'autres que mes proches, être perçu comme étant une présence qui compte, avoir une importance... il m'a longtemps été difficile de croire et accepter cela. Aujourd'hui je le peux et je vais vous raconter ce qui l'a permis.

Mais d'abord... pourquoi cette mise en retrait de la scène publique ?

Plusieurs d'entre vous savent que je publie mes pensées sur internet depuis très longtemps, quelques uns se souviennent certainement que, parfois, des évènements importants de ma vie se sont confondus avec ce que j'en écrivais. Quoi qu'il en soit, il y a maintenant plusieurs années que mon écriture publique et mon cheminement de vie s'alimentent mutuellement et respirent en synchronisation. Je ne serais pas celui que je suis si je n'avais pas vécu cette riche expérience du dévoilement en partage.

Mais voila : l'aventure n'a pas toujours été agréable et plusieurs fois j'ai été bousculé par des remarques, des commentaires publics. Je pourrais les qualifier de maladresses si je n'avais pas compris, par là-même, que c'était moi qui donnait un sens à ce qui m'atteignait. J'ai parfois été blessé, profondément déstabilisé, mis en colère, attristé, déçu... tout comme d'autres fois j'ai été réconforté, rassuré, enchanté, réjoui par ce qu'on me disait. C'est un mouvement de balancier sur lequel je ne peux garder tout contrôle.

Qu'en ai-je compris ? Que chacun est responsable du sens qu'il donne aux mots, aux intonations, au phrasé, au registre d'expression. Se dire, et la façon de le dire, c'est s'affirmer existentiellement. Mais si dans toute expression de soi il y a le souhait d'un d'écho, chacun est libre d'y répondre ou pas. Dans le même mode... ou pas. Il m'appartenait donc de saisir, ou de laisser tomber, ce que l'autre émet vers moi. Bien que destinataire, il me revient de refuser ou accepter ce qui m'est envoyé.

C'est ce dont je viens de prendre conscience avec davantage d'acuité durant six jours, au sein d'un groupe visant à favoriser l'expression de soi. Faisant partie intégrante de ma formation à l'écoute, cette semaine s'est révélée être particulièrement riche et dense de découvertes et d'émotions. J'y étais d'autant plus disponible que mon silence ici durant la semaine qui précédait m'avait largement déconnecté de la blogovie. C'était volontaire...

Tenter de décrire ce qui s'est passé là-bas est inutile, nécessitant un trop long développement qui serait, de toutes façons, détaché des ressentis. Or ces derniers étaient la matière première de la session. Par contre, ce que je peux en dire c'est que s'est confirmé ce que j'avais (re)découvert récemment grâce à quelques échanges qui m'avaient affecté : l'expression de soi, si elle vise à l'authenticité, ne peut se faire sans certaines conditions. La première de celle-ci étant le non-jugement.

Je ne me sens libre de me dire que si je suis certain que mes mots ne seront pas jugés. Que si je ne me sens pas critiqué ou dénigré. Seule une attitude bienveillante et respectueuse le permet. L'inverse me mène à la prudence, la méfiance, voire au mutisme. Il est évident que l'exigence d'un respect particulier ne peut s'appliquer à un espace ouvert à tous. En outre, l'expression intime de soi nécessite une certaine confidentialité et l'adhésion de ceux qui y sont conviés à une règle de non-jugement de la parole confiée. Ce n'est donc pas possible sur un blog ouvert à "n'importe qui". Ma soif d'échanges approfondis m'a souvent conduit à faire des erreurs d'appréciations et à m'exprimer publiquement sur un espace inapproprié. Je ne peux m'en prendre qu'à moi-même d'avoir mal estimé les enjeux de cette exposition. Le non-jugement n'est pas inné et nécessite une démarche volontaire.

En revanche, quand la libre parole trouve un cadre favorable, il peut en sortir une très grande richesse humaine. Le ressenti individuel fait résonner l'universel au coeur de chacun. C'est cette fraternité en humanité que j'aime rencontrer. Je l'ai souvent trouvée dans le monde des blogs intimistes. Je l'ai aussi vécu à haute intensité pendant mes six jours de stage, avec des personnes aptes à y participer.

Ce que chaque participant à donné de son intimité profonde, de ses doutes, de ses failles et questionnements, a été pour moi un précieux cadeau. J'en ai reçu énormément, comme j'en ai "offert" à celles qui ont entendu ce que je leur confiais de moi. Des cadeaux qui ne me coûtaient que le prix de la sincérité et de la confiance accordée. C'est peu... et c'est beaucoup !

L'intensité du partage a été telle que la séparation d'avec ces inconnues, devenues si proches en quelques jours, aura nécessité plusieurs étapes. Chaque personne a ainsi pu faire part de son ressenti personnel, de son rapport au groupe, ainsi que de son rapport à chacun. Les remerciements réciproques ont duré longtemps, dans une belle émotion, et tous ont reçu des autres des paroles encourageantes, là encore bienveillantes... Ce n'est pas habituel de constater que des personnes nous apprécient, mettent en avant des éléments de soi que l'on ignore ou minimise. Ce n'est pas si facile de recevoir des appréciations très favorables, quand le poids d'injonctions lointaines nous font nous percevoir comme peu estimables, jamais à la hauteur suffisante.

Beaucoup de larmes de bonheur ont coulé en recevant ces regards favorables.

Moi-même j'en ai reçu un bouquet jaillissant, me montrant que je n'étais pas du tout perçu comme je le craignais. Mais cette fois j'ai accueilli pleinement tout ce qui m'a été dit, parce que la sincérité ne se refuse pas. J'ai aussi constaté que nombre de mes peurs tombaient après que je les ai exprimées publiquement, dépassant la gêne initiale.

Dans ce stage faisant appel aux ressentis pour exercer une profession dans le domaine de l'écoute, de l'affectif, des émotions, il y avait, sans surprise, beaucoup plus de femmes que d'hommes. Deux seulement, pour vingt-trois femmes. J'avais été touché de voir combien la plupart d'entre elles se prenaient dans les bras et me suis finalement ouvert d'une envie de contact sans oser le faire. Je sentais mes bras prêts à s'ouvrir mais... dans l'ambigüité des relations hommes-femmes... je n'osais pas. Cet aveu public m'a finalement délivré, m'autorisant à aller vers plusieurs d'entre-elles et les autorisant à venir vers moi. Fraternité et amitié. De longs moments de "prise dans les bras" et paroles chuchotées à l'oreille ont été mutuellement bienfaisants.

Ce que je raconte ici en quelques images est extrêmement réducteur et n'évoquera peut-être rien pour vous qui me lisez. Entre stagiaires nous nous amusions à imaginer la perception que des personnes extérieures pourraient avoir de ce bain d'émotion et de douceur : « c'est une secte ou quoi !? ». Et bien non : le partage d'émotions profondes, accueillies en confiance, peut déclencher un bonheur aussi simple que fort. C'est tout simplement bon et propre à faire tomber barrières et carapaces habituelles. Pour la plupart nous ne nous connaissions que depuis six jours mais, par certains aspects, bien mieux que ce que nos proches savent de nous.

Six jours hors du monde, pourtant perceptible au delà du domaine où nous séjournions. Six jours dans une vie très authentique... et pourtant déconnectée de la réalité du monde. Six jours sans agressivité. Six jours d'un bain de bienveillance et de respect des personnalités de chacun. Qu'est-ce que ça fait du bien ! Qu'est-ce que c'est bon !

Comprenez donc qu'après cette expérience bienfaisante je ressente que quelque chose à changé en moi. Il est probable que mon rapport aux autres et à la perception qu'ils peuvent avoir de moi en soit modifiée. Et de plus en plus je me dis que ce blog n'est pas vraiment l'espace qui me permettra de trouver ce que j'aime : partager des idées, des ressentis, des émotions... sans éléments bloquants. Sans que personne ne veuille imposer sa vérité. Sans enjeux de rivalité ni de domination.

Au fil des ans, ici et dans le monde sensoriel, j'ai cheminé parmi les autres. Attiré à la fois par ressemblances et différences, je me suis cogné à leur réalité. Maintenant j'apprends, peu à peu, pas à pas, à aller vers les personnes avec qui je ressens le rapprochement bénéfique. Au contraire je reste à distance, ou m'éloigne, de celles pour qui je représente quelque chose qui les rend agressives à mon égard, peut-être sans en prendre conscience. J'ai compris que ce n'était pas moi en tant que personne qui réveillait leur exigence à mon égard, mais ce que je représentais à leurs yeux. Je les laisse alors à leur problématique sans accepter d'y jouer un rôle de martyr.

Ce lent travail de détachement de l'opinion d'autrui, dont j'attendais toujours qu'elle puisse devenir (ou redevenir) favorable, cette patiente recherche d'un mieux-être, c'est en grande partie grâce à l'exposition de mes réflexions, ressentis et émotions que je la traverse. Je le fais en confiance, apprenant à cerner les domaines sensibles. Découvrant progressivement ce qu'il vaut mieux que je ne dévoile pas à tous. Ainsi je peux aller plus loin avec les personnes qui le désirent.

Commentaires
P
Françoise, tu ne manques rien puisque, comme tu peux le constater, je n'écris pas beaucoup en ce moment...<br /> <br /> Bonne semaine !
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F
Bonsoir Pierre,<br /> Je ne laisse pas de commentaires ces jours par manque de temps, mais je te lis toujours avec beaucoup d'intérêt :-)<br /> Belle semaine à toi.
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P
> Tina, ça me fait plaisir de "revenir" ici et de retrouver vos mots, vos perceptions, vos impressions de lectrices :o)<br /> <br /> Nous avons fait des exercices du genre de ce que tu décris. Chaque soir nous devions représenter notre ressenti par rapport au groupe avec une forme découpée dans du papier. Notre surprise a été grande le dernier jour, en découvrant côté à côté chaque oeuvre collective : de jour en jour la créativité s'était accrue, finissant dans une apothéose de couleurs et d'inventivité. C'est très révélateur de ce qui peut apparaître dans un groupe... <br /> <br /> Tu as raison : nous avons tous besoin de signes gratifiants et encourageants.<br /> <br /> > Bonjour K.role, pas si inconnue que ça (j'ai vu ce nom sur un des blogs que je fréquente). Merci de vous être manifestée :o)<br /> <br /> Je note que vous parlez d'une « dépendance du regard des autres » et pour finir d'une « délivrance ». Entre les deux il y a tout un parcours, et vous semblez avoir déjà bien entamé. Bonne continuation, donc :o)<br /> <br /> > Calamity, quand ces mots sont sincères, et s'ils sont acceptés (ce n'est pas toujours simple...), ils sont effectivement tout doux à recevoir.
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C
ca me rappelle une distribution de "doudou" entre quasi-inconnus en fin de formation il y a qqs années..."petits mots doux" à prendre comme ça gratuitement, c'est tout bon!
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K
bonjour, permettez à une inconnue de s'aventurer dans votre domaine intime. Je lis et je pourrais me taire et avoir le sentiment d'être passée comme une voleuse ou une voyeuse. Je reçois Ce que vous dites sur la bienveillance, le non-jugement, à travers ce moment "privilégié" ou chacun peut enfin se mettre à nue sans crainte d'être blessé : je l'entends et j'approuve à 100%... je n'ai pas de réaction particulière sinon que je cherche la même chose que vous : me libérer d'une dépendance excessive au regard des autres, vécus souvent dans la négativité. Votre compréhension est une aide précieuse, sachez le, et un bienfait. même si je sais que c'est au fond de moi et dans le concret de ma propre vie que je peux réellement comprendre. les témoignages intimes des autres, ce dévoilement, auquel vous tentez de mettre des formes et des limites est un véritable don de soi, pour ceux qui se sont aventurés (un peu solitairement) vers l' horizon que vous décrivez : bienveillance, écoute, estime de soi et des autres, accueil... j'irais jusqu'à dire : délivrance !
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T
Cela fait plaisir de te « revoir » Pierre, et de savoir que tu as vécu pendant ton absence une expérience enrichissante. <br /> Cela me rappelle un stage auquel j’avais eu la chance de participer il y a longtemps. Le but était de mettre en relation des personnes ne se connaissant pas au début d’un cursus universitaire. On nous encourageait à exprimer ce que l’on ressentait, ce que l’on percevait les uns des autres et au bout de quelques jours à se parler, nous vivions des moments riches de partage dans la confiance et le respect.<br /> Je me souviens que nous avions eu à faire un dessin au début puis un autre à la fin du stage, exprimant notre intériorité du moment. Nous avions comparé ces dessins à la fin. Plusieurs des dessins du début était sombres, exprimant l’insécurité, l’inconnu devant ce qui allait se passer, alors que les dessins de la fin étaient colorés, gais, exprimant la joie d’avoir connu cette expérience ensemble.<br /> Je n’ai pas connu d’autres expériences semblables, et c’est vrai que devenus adultes, nous nous livrons peu entre nous nos impressions positives, si ce n’est entre proches, nous en avons besoin pourtant de ce réconfort là.
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P
Ah ouiii, Fille bavarde, j'ai lu ça chez toi :o)<br /> <br /> Je ne crois pas qu'on puisse parvenir à cet état d'abandon et de partage sans y être "prêt". Il faut certaines conditions de confiance, laisser tomber ses défenses. Et là... miam, que du bon !<br /> <br /> Nous avons eu un exercice de contact avec l'enfant que nous avons été. Séquence forte en émotions.<br /> <br /> Ça me fait plaisir de pouvoir partager un peu ces sensations avec toi. Bonne soirée à toi aussi.
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F
Je vois que nous nous frottons aux mêmes styles de stages...je connais ces moments "chauds"...qui d'un seul coup permettent de se laisser aller dans les bras de l'autre qu'il soit du même sexe ou du sexe opposé...Instant intense...a la fois plein de douceur...de force...d'énergie...du bonheur d'être serré...en contact...<br /> Mais comme tu le sites...bien souvent cela surprend ceux qui ne connaissent pas...;)<br /> Je suis heureuse de te sentir ainsi "plein de bonnes choses"...<br /> Le w-e passé j'effectuais un stage sur "l'enfant intérieur"...de très bonnes prises de consciences et des relations profondes comme tu as du les vivre aussi...<br /> Bonne soirée à toi...
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P
Josiane, je reçois ce que tu m'exprimes :o)<br /> <br /> Tu me verras sans doute rarement démonstratif ici, à la fois parce que c'est devant un public "invisible" et parce que sans présence physique. J'ai beau utiliser abondamment le média internet pour exprimer des ressentis, il me manquera toujours la sensorialité et les émotions qu'elle permet. Mais que chacun se sente libre de s'exprimer à sa guise ;o)<br /> <br /> Lukéria, j'ai lu la page que tu proposes et, en effet, elle correspond largement à ce que j'ai sommairement développé. Je ne connais pas cette forme de thérapie de couple (applicable à toute relation, par ailleurs) mais j'en vois immédiatement les conditions : que les deux partenaires aient la même volonté de se livrer à un long travail de reconditionnement (déconditionnement), celle de faire durer leur couple, de se remettre profondément en question... et de vraiment s'aimer.<br /> <br /> La thérapie n'est qu'un outil :o)
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L
Bonjour Pierre. Ce matin, j'ai pensé à toi, qui travailles sur la relation de couple, car quelqu'un m'a parlé de la thérapie Imago, je ne sais pas si tu connais. Ca me semble particulièrement intéressant !<br /> http://www.imago-therapie.com/ressources/articles/la_communication_couple.htm<br /> Et ce n'est pas si éloigné de ton billet d'aujourd'hui !
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