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Alter et ego (Carnet)
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29 décembre 2010

Ouverture

Cette année c'est dans la maison bleue que j'ai passé noël, en famille élargie. Ma famille restreinte, de toutes façons amputée depuis le divorce, était particulièrement réduite puisque seul mon dernier fils avait fait le déplacement. Fils aîné et sa compagne, qui viennent tous les deux de déménager après avoir décroché un emploi, avaient dû choisir entre différents lieux de festivité et optèrent pour la proximité. Quant à ma fille, qui poursuit son périple du Népal à l'Inde, elle m'a rejoint le temps d'un coup de fil...

Parfois je ressens une impression bizarre face à cette dispersion croissante de la cellule familiale. Je ne m'y suis pas vraiment habitué. Un peu comme si je comptais, en toute irrationnalité, sur un retour à l'état antérieur !

Or donc, dans cette maison bleue des hautes collines du sud, tandis que bavards et exubérants prenaient leurs aises autour du repas, je suis resté à ma place habituelle : présent et attentif, mais discret. J'ai peu pris la parole et ça me convenait bien. J'aime être là pour l'ambiance et la convivialité des retrouvailles, parmi les rires et discussions animées, mais je ne cherche pas à approfondir les échanges autour des sujets que j'affectionne habituellement. Mon domaine de prédilection c'est l'intimité, les confidences, l'authenticité sans tapage, et ça n'a pas lieu d'être en groupe. Je ne cherche plus à prendre une place que, de toutes façons, je ne saurais investir.

Accepter progressivement cet état de fait me libère d'une pression que je me mettais depuis... très longtemps ! Sans doute depuis que j'ai quitté l'enfance. Je crois que je voulais "exister" à une place qui, finalement, ne me convient guère. Pas seulement en famille, mais aussi au travail, entre amis et dans les groupes les plus divers... Plus le nombre de présents augmente et plus je deviens discret. Et ce n'est pas tant le nombre qui me dérange, que les enjeux de place au sein du groupe. J'ai l'impression qu'il s'exerce fréquemment de subtiles formes de rivalité, parfois d'infimes mais réelles violences au service d'enjeux de pouvoir et de séduction qui altérent la sincérité des rapports. Mais je n'ai aucune envie de participer à des situations de violence, aussi infimes soient-elle. Je crois que la violence contient le germe d'une régression en humanité.

C'est grâce au monde désincarné d'internet que j'ai pris conscience que cet aspect des rapports relationnels en groupe me posait un réel problème. Par une répétition de situations désagréables j'ai pu constater combien je pouvais me trouver emporté loin de la sérénité à laquelle j'aspire. Certaines attitudes d'autrui, lorsqu'elles touchent mes sensibilités, déclenchent chez moi un mécanisme de défense qui peut me rendre agressif, voire violent. Or si je suis convaincu de l'utilité d'une agressivité "constructive" utilisée à bon escient, je refuse le principe même de l'usage de la violence. L'aveu d'impuissance qu'elle exprime déclenche trop souvent des enjeux de pouvoir et de domination/soumission. Ceux-là sont très destructeurs de confiance relationnelle. Je préfère donc éviter ce genre de situation, quitte à opter pour la fermeture protectrice, l'immobilisme, ou la fuite. Cela peut m'amener à me taire et entrer en introspection, plus ou moins durablement.

Autrefois je me fermais pour apaiser mes blessures. Aujourd'hui j'essaie aussi de comprendre pourquoi je suis touché et comment devenir moins vulnérable. Je crois plus fécond de m'attacher à comprendre de l'intérieur ce qui me met mal à l'aise, ou en colère, plutôt que de renvoyer cela brutalement vers l'extérieur avec un fort risque de conflit. Mon objectif est cependant de m'exprimer au plus près de mes ressentis et de ma réalité intérieure... sans refuser celle de l'extérieur. En fait j'essaie simplement d'être en phase avec ce que je ressens.

Dans ce contexte, la raréfaction de mes écrits sur internet est très probablement une des conséquences d'un changement dans mon rapport aux autres. Face au "groupe" [imaginaire] que vous constituez en tant que lecteurs j'ai sans doute besoin de trouver un nouvel équilibre entre l'expression et la retenue. Besoin aussi de choisir la substantialité que j'ai envie de partager sans craindre d'éventuelles réactions inopportunes. J'ai maintenant l'impression de beaucoup mieux cerner ce qui bloque ou, au contraire, favorise la fertilité des échanges. D'une manière générale je crois percevoir ce qui peut restreindre l'espace de partage entre les êtres ou l'agrandir. Ce qui ferme et ce qui ouvre à l'autre. Il me revient donc d'établir les limites au sein desquelles je me sentirai libre. De leur fermeté dépend mon ouverture.

* * *

Avant de rentrer j'ai fait un détour par les routes sinueuses, à l'écart des grands axes. Les paysages y sont rudes et magnifiques. Les villages aux maisons serrées sont comme accrochés aux rochers. Des hauteurs enneigées je suis descendu jusqu'à la Méditérranée, trouvant la douceur de l'air où se plaisent les oliviers et mimosas. Et puis les palmiers, les galets, les vagues...

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Petit matin glacé, depuis la maison bleue

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Escarpements, collines et montagnes

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Hameaux et villages accrochés aux versants

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Commentaires
P
Qu'il en soit de même pour toi, Tina :o)
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T
Très bonne année Pierre, bonne année à toutes et tous.
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P
Irène, Julie, simplement merci :o)
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J
je prends toujours autant de plaisir à m'arrêter sur tes photos . Que la nature est belle , c'est ce qui me vient à l'esprit , Pierre et je me surprends à rêver de grands espaces à chaque fois . Oui, je t'associe à la nature et l'espace . J'aime ton sens du cadre et de l'équilibre aussi . Fallait que je te le dise ! <br /> Je te souhaite une année 2011 toute en équilibre et en ouverture ...comme le suggère le titre de ton blog . Cordialement .
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I
"Je crois que la violence contient le germe d'une régression en humanité." J'aime beaucoup cette phrase...<br /> je te souhaite une douce fin d'année, Pierre, et une année 2011 toute légère et tendre. Amicalement.
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P
Josiane, je "sais", par des commentaires tels que le tien ou d'autres qui me sont parfois fait en privé que mes écrits apportent quelque chose à plusieurs d'entre vous. J'en suis vraiment heureux et cela me donne toujours envie de continuer.<br /> <br /> En même temps il y a des moments de ma vie durant lesquels se réajustent certains éléments. Durant ces périodes je me sais moins porté au partage. Probablement parce que je suis concentré sur ce qui s'élabore silencieusement en moi, sans que je n'en aie vraiment conscience.<br /> <br /> En fait j'aimerais beaucoup "partager", mais cela touche généralement à des domaines particulièrement sensibles, que je ne veux pas exposer devant "n'importe qui". Le blog ouvert à tous n'est donc pas le support qui convient :o)<br /> <br /> À ces moments-là je privilégie, dans la mesure du possible (c'est à dire assez peu...), le face à face, l'expression en présence d'autrui et EN CONFIANCE (bienveillance). J'aime ce que la spontanéité laisse échapper, que je peux reprendre ensuite pour le "travailler" intérieurement.<br /> <br /> Idéalement, j'aimerais assez l'idée d'un blog largement ouvert aux inconnus (vous l'étiez tous avant d'arriver ici), mais dont je pourrais filtrer les accés en l'interdisant à seulement quelques personnes identifiées...<br /> <br /> Pour en revenir à ton commentaire après cette longue digression, tu as raison, une certaine réserve passe parfois pour de la froideur et de l'indifférence. Méfions-nous des apparences !<br /> <br /> Je suis bien sûr d'accord avec ce que tu dis de l'ouverture à soi qui ouvre aux autres : c'est ce chemin qui a fini par s'imposer à moi. En fait l'ouverture se fait dans les deux sens et concomitamment.<br /> <br /> Pour ce qui est des retrouvailles familiales amputées d'une part de ses membres, je dirais que je ne peux que l'accepter pleinement. Mais il y a dans l'acceptation une part "raisonnée" et une part plus profonde. J'accepte bien sûr ce qui est... et en même temps quelque chose du coeur reste vivant, vibrant, touchant aux émotions. Un mélange de joie et de tristesse, de bonheur et de chagrin, parfois de colère et de sérénité. Des émotions chamarrées que j'accueille et apprécie dans tous leurs reflets : c'est la vie et c'est bon de ressentir tout cela :o)<br /> <br /> Je n'ai pas envie d'un retour en arrière, mais je garde une petite nostalgie envers ce qui n'est plus.<br /> <br /> Merci Josiane.
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J
Bonjour Pierre. C'est avec un immense plaisir que ce matin je te retrouve à travers le récit de ton voyage dans le sud agrémenté de ces magnifiques photos. J'ai voulu dans un premier temps en extraire quelques phrases mais j'ai renoncé car au final elles me semblaient toutes aussi importantes les unes que les autres. Alors je me contente de te dire que je comprends (je crois même parfaitement)ce que tu écris. Je ne sais pas écrire mais tout ce que tu dis, il me semble que je l'ai vécu. Je pense même que tous ceux qui ont "pratiqué" l'introspection peuvent s'y retrouver. On reste discret, à l'écart...on reste présent, très attentif à ce qu'on ressent...peut-être trop au regard des autres qui nous trouvent distants, parfois même indifférents à ce qui se passe autour de nous...parfois ils pensent que nous sommes tristes (ce qui parfois est vrai) mais tu le sais, je le sais, nous le savons ce n'est pas tout à fait ça...nous nous écoutons beaucoup c'est vrai mais ce n'est pas du nombrilisme...c'est tout le contraire...dans un premier temps nous nous ouvrons à nous-mêmes mais petit à petit nous nous ouvrons aux autres; et puisque nous arrivons à mieux nous comprendre, nous comprenons mieux les autres...c'est difficile à expliquer et pourtant c'est comme ça...nous arrivons à accepter ce que nous ne pouvions pas imaginer accepter il y a quelques années, quelques mois, quelques jours...et quand on y arrive on se sent libre, dégagé d'un gros fardeau...Personnellement j'ai passé le soir de Noël seule car mes enfants pour la première fois depuis 1989 ont été chez leur père...bien sûr je savais que le lendemain nous serions ensemble, mais je n'ai pas eu l'impression d'être seule, je n'ai plus la nostalgie des Noël de mon enfance ou de ceux où nous étions encore tous ensemble quand le divorce et les décès n'avaient pas encore eu lieu...il en a fallu du temps...et pourtant aujourd'hui je ne ressens plus le chagrin que j'avais quand j'avais envie que tout soit comme avant...je ne sais pas si me fais bien comprendre...<br /> "Je ne m'y suis pas vraiment habitué. Un peu comme si je comptais, en toute irrationnalité, sur un retour à l'état antérieur !" <br /> Personnellement je ne me suis pas habituée à ces situations, mais je les accepte tout simplement comme elles sont...il n'y a que ça de vrai, le moment présent, ce que je vis au jour le jour...<br /> Très sincèrement Merci Pierre d'être revenu vers nous avec ce billet "d'ouverture"...
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