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Alter et ego (Carnet)
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4 mai 2011

Détachable

Jeudi soir, au téléphone. Conversation tendue avec toi. Je te sais en situation de mal-être, ce qui te rend agressive. Nous discutons depuis un bon moment autour de notre prise de bec du matin. L'échange trouve sa place, malgré notre désaccord. Tu es sur la défensive quand, sans même finir une phrase, tu dis « j'ai plus envie de parler », coupant net la communication ! Comme ça, sans aucun avertissement ni signe précurseur, tu me plantes là !

Silence au bout du fil.

Alors ça... j'en reviens pas !

Ce n'est pas la première fois que tu interromps sèchement un échange qui te déplaît, mais jamais tu ne l'avais fait aussi brutalement, sans me laisser la moindre possibilité d'agir. Je me sens totalement nié. Réduit à rien dans ton mode de fonctionnement. Jamais je n'avais subi une exclusion aussi radicale. C'est violent. Mais le choc a du bon puisqu'il me permet de réaliser que cette fois ça va trop loin. Je n'accepte pas. Je suis révolté d'être traité avec une telle désinvolture dans une relation de confiance. Avec qui te permettrais-tu ce comportement ? Ce que tu ne sais pas c'est que je ne veux plus vivre de relations où s'exerce une quelconque forme de maltraitance, même à dose infime. Plus jamais. J'hésite à t'écrire sur le champ que c'était la première et la dernière fois que j'acceptais ça... mais je décide de ne rien faire. J'ai besoin de voir ce qui viendra de toi. Dans cette relation tout peut s'arrêter là. Je ne suis pas sous emprise, ni en situation de dépendance affective. Je n'ai rien d'essentiel à perdre. Ce n'est pas à moi de tenter de rétablir le lien que tu as subitement rompu. Si tu ne fais rien je suis déterminé à ne pas bouger !

Je sens monter en moi un mélange détonnant de colère, d'injustice, de révolte. De tristesse aussi. Un mal-être m'envahit, des questionnements viennent me tourmenter. Je n'avais plus ressenti cela depuis longtemps. En moi se ravive une conjonction d'affects douloureux. Quelque chose que j'ai bien connu autrefois. Ce retour me surprend : je pensais avoir fait un travail suffisant pour ne plus y être exposé. Je croyais m'être tenu suffisamment à distance pour ne plus être massivement affecté par les éclats émotionnels d'autrui. Erreur : je reste vulnérable. Heureusement, d'ailleurs...

Vulnérable mais solide. Capable de penser et d'agir. En quelques minutes je relativise la situation : je te savais prise dans des tourments croisés qui exacerbent tes réactions à mon égard. Je peux comprendre tes débordements mais je veux aussi m'en préserver. Il est hors de question que je me laisse malmener ainsi, sous quelque prétexte que ce soit. Je ne me laisserai pas embarquer dans tes difficultés existentielles, ni me soumettrai à la sourde menace de silences imposés au moindre désaccord. Ce n'est pas ainsi que j'ai envie de vivre des relations.

J'ai probablement la capacité d'accepter de brusques besoins d'isolement ; je peux comprendre ce besoin de sauvegarde personnelle qui, peut-être, préserve aussi la relation d'une escalade vers une violence verbale encore plus grande. Mais à condition d'en parler à froid et d'anticiper ces situations d'urgence. De prévoir les modalités de rétablissement du lien. Bref : d'agir en adultes.

 

Tu es revenue vers moi un peu plus tard, en urgence. Quelques mots par sms (!). Comme les autres fois tu t'es dite « désolée » de ta réaction, te sentant nulle, demandant pardon, craignant d'avoir tout cassé, effrayée à l'idée de m'avoir peut-être "perdu". Mais ce n'est pas moi que tu perd à chaque fois que tu agis ainsi : c'est ta capacité d'influence sur moi. Tu renforces mon indépendance tout en usant de ma latitude d'acceptation. Bien sûr je suis patient et compréhensif, mais je ne veux pas me mettre en difficulté à répétition en acceptant indéfiniment des attitudes agressives. Peut-être t'es-tu rendue compte de l'impact de ton impulsivité sur mon état intérieur puisque mon silence persistant t'as affolée et a déclenché une avalanche de sms inquiets. Mais moi j'avais besoin de calme et de silence. J'avais besoin de reprendre contact avec mes assises. Quand j'ai fini par t'annoncer que je t'écrirai en fin de journée tu m'a répondu que tu n'aurais pas le courage de lire, « trop lâche de voir la peine que je peux causer ». Finalement tu m'as demandé qu'on se voie, ou que je te téléphone. C'est ce que j'ai fait pour ne pas faire durer le calvaire que tu t'infligeais. Je n'aime pas trop voir quelqu'un se mettre dans des états pareils et dépendre à ce point de mes réactions.

Ensuite tu es redevenue exagérément proche - à distance - comme s'il ne s'était rien passé. Moi j'ai retrouvé une certaine paix intérieure dans mon isolement, tout en restant meurtri. Ma capacité à me remettre d'entorses à la confiance et au respect de ce que je suis n'est pas illimitée. En m'ouvrant les yeux tu m'as rendu plus vigilant. Sans doute plus *détachable*, aussi. Tu l'as probablement pressenti puisque tu m'as inondé de sms. Cette fois j'ai davantage réalisé que sur un coup de tête tu pouvais tout remettre en question. Tout arrêter. Tu me l'as d'ailleurs souvent dit et j'ai construit le lien en conséquence...

Cette fois encore j'ai accepté ton repentir, mais je sais désormais que tu agis selon le processus clairement identifié de la violence affective : après les actes agressifs viennent les excuses et les douceurs, par peur de perdre l'autre. C'est plus fort que toi. De mon côté je dispose du pouvoir d'interrompre ce mécanisme délétère a tout moment. Tu le crains certainement, te sachant en état de dépendance affective à mon égard. L'accompagnement que j'aime t'apporter dans tes difficultés existentielles ne dépend que de ma capacité à endurer tes manifestations agressives. J'aime cheminer avec toi mais si tu vas trop loin, si tu n'es pas en capacité de tenir compte de mes limites et de mes besoins... tu me perdra pour de bon. Je m'éloignerai de toi aussi loin que nécessaire pour me sentir en paix.

Tu le sais.

 

Commentaires
L
La colère appartient donc au coléreux, elle ne me "concerne" pas... C'est exactement ça ! Mais il faut du temps et du travail sur soi pour prendre conscience que cette colère n'est pas dirigée contre soi, on en est seulement l'élément déclencheur. <br /> <br /> L'autre a besoin de sortir cette colère en lui, comme j'ai besoin de vivre cette peur pour la dépasser. C'est sans doute le sens de la rencontre entre deux êtres, qui va permettre de rejouer des situations difficiles vécues par le passé et de s'en détacher plutôt que de garder cette blessure en soi. <br /> <br /> J'y suis arrivée, nous y sommes arrivés, parce que j'ai travaillé sur ma peur et l'autre l'a fait sur sa colère.
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T
Voilà des témoignages terribles et pourtant ce que je retiens c'est votre courage et votre "désir" de devenir ce que vous êtes... avec toute l'énergie que cela exige...<br /> <br /> Paradoxalement, je crois que l'on dépense bien plus d'énergie "compulsionnelle" à se protéger, à éviter, à se soulager, qu'affronter cette vague de peur... j'ai une fille qui suite à un accident est devenue handicapée... elle traverse ce paradoxe psychologique... la lutte nourrit la résistance au point même où l'on s'identifie à cette lutte et à cette résistance, creusant ainsi la blessure qui peut surgir avec le moindre évènement déclencheur...<br /> <br /> Vos deux témoignages le montrent avec sincérité et émotions. Même cette "froideur" apparente, cet acte d'"effacer" et ce jugement de se déclarer "pas douée" sont pleins d'émotions encore vives...<br /> <br /> La colère qui rassemble et qui affirme (sa liberté d'être) et la colère qui divise et qui nie (son droit d'être)...<br /> <br /> Je ne dis pas que nous sommes "responsables de soi"... je dis que nous sommes "libres" face à soi... derrière le mot "responsable" il y a un arrière goût d'objectif moral, psychologique, social... avec une idée de "besoin d'agir"... derrière le mot "libre", il n'y a que le "désir d'agir" par une simple intentionalité...<br /> <br /> jhe n'ai pas besoin de m'en sortir... je le veux... je le souhaite... je ne vais plus me fuir et je vais me laisser être même dans ma peur, ma souffrance gravée comme une empreinte en moi et voir si elle s'efface peu à peu... me rendre plus maléable... moins crispée, moins tendue... pour effacer une empreinte je dois me dé-tendre... me rendre plus disponible à autre chose que mon attitude de défense impulsive...<br /> <br /> la colère, les mots de l'autre me terrifient parce que l'empreinte est profonde... une colère, n'est qu'une colère, un mot n'est qu'un mot, pourtant... nous ne sommes en colère que contre notre impuissance, la colère appartient donc au coléreux, elle ne me "concerne" plus... les mots surgissent de la violence auto-infligée du bourreau, elle ne me concerne plus... ma violence n'est pas obligée d'y répondre... c'est difficile c'est vrai... je reste confiante car je sens ce que je deviens en me détendant... en me rendant plus dispo à moi-même... à cette joie encore si fragile de me libérer peu à peu... même dans mes larmes... mes larmes serait la vraie thérapie de ma colère: pleurer c'est lâcher prise et s'avouer "vaincue" et du coup on se "lâche"... première étape...<br /> <br /> Je ne sais pas trop ce que je dis... j'essaye de mettre des mots sur un processus de "non-souffrance"... du vécu... un ressenti intime... face à un deuil, puis face à un handicap...<br /> <br /> Je ne sais pas si ces mots peuvent vous aider...<br /> <br /> sincèrement...
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N
"Nicole, est-ce que ce genre de phrase te façonnerait tout autant maintenant?"<br /> Je ne sais pas ... j'ai attendu 59 ans pour m'en défaire un tout petit peu, je croyais la partie gagnée ; et puis, il y a six semaines , une nouvelle attaque proférée par mon père a tout fait basculer.<br /> <br /> Je sais que je suis responsable de moi. Je sais que la réponse dépend de moi, simplement il faut parfois creuser loin, très loin pour trouver de l'énergie ( et pour creuser, il faut déjà de l'énergie ;-) ).<br /> <br /> Pour prendre une image : je sais lire un livre de recettes et malgré tout, je ne sais pas cuisiner. Pas douée !
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L
J'ai eu un père violent et pas seulement en paroles. Il me frappait, quand j'étais très jeune. Un jour, il m'a frappé tellement fort, qu'il s'est fait mal à la main. La fois suivante, il a pris sa ceinture. Mais je je me souviens que, même très petite, je ne pleurais, pas, j'étais froide, je résistais, je m'étais forgé une carapace. Alors, il s'est lassé, il n'y trouvait plus son compte ! J'ai fui la maison dès que j'ai pu, j'ai effacé cet homme. <br /> <br /> Cette peur, je l'ai ressentie beaucoup plus tard dans une relation amoureuse, face aux colères de mon ami qui me tétanisaient. Je les redoutais et elles m'effrayaient. Je crois qu'un jour ou l'autre, nous devons affronter nos peurs pour avancer, il ne sert à rien de les enfouir, en pensant les éviter, car elles resurgiront un jour ou l'autre.
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T
Nicole, est-ce que ce genre de phrase te façonnerait tout autant maintenant? Ne penses-tu avoir développer, au moins par cette conscience, un mécanisme interne et intime de "désarmorçage"?
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T
Merci Nicole de nous replacer dans le vécu...<br /> <br /> Sache pourtant que cette "argumentation" est surement l'épiphénomène visible de vécus et de ressentis...<br /> <br /> Tu partages une violence terrible dans cette conditionalité: "si tu ne nous obéis pas, tu auras la mort de ton père sur la conscience"...<br /> <br /> Voilà le genre de violence donc je parlais au début... cela est malheureusement un exemple de cette violence ambigüe: une conditionalité qui serait pleine de "bon sens" et de "bonne intention": éduquer sa fille... ainsi la violence nous construit pendant l'enfance... notre impulsion de survie nous encourage à développer un système de défense vers la dépendance (paradoxalement): je veux être une "bonne" fille, quitte à me nier moi-même!<br /> <br /> L'adolescence, souvent, renverse cette violence à soi-même, dans un mécanisme de révolte contre cette négation, pour tomber vers une autre dépendance: celle de l'illusion de l'indépendance... je veux m'affranchir de mes parents, de mon éducation qui me nie, même sans le savoir... pour retomber vers d'autres dépendances avec mes amis, mon groupe, ma mode, ma solitude, mon désespoir, ma révolte... que je continue à externaliser dans le même processus: une posture de victime... à la recherche d'un "sauveur" (mon prince charmant, même punk, mes pillules, ma boulémie, mon annorexie...) qui par mes attentes non répondues deviendra mon "bourreau"... et ainsi de suite...<br /> <br /> L'adulte émergera éventuellement vers un "éveil" que la cause de ma souffrance est en moi... sans que j'en sois la cause... certes, mes parents, mes amis, mes rencontres, mes angoisses, ma solitude, on contribué à ce mécanisme... en en étant les causes?... je ne crois pas... et si la cause est en moi c'est à moi à trouver la façon de la désarmorcer... autre angoisse existentielle: nous sommes toujours seul face à notre souffrance psychologique!<br /> <br /> L'amour des autres n'est pas là pour nous soigner, à peine s'il peut nous soulager un instant... autre illusion de l'amour de l'autre...<br /> <br /> mais heureusement que l'amour est bien plus qu'un soulagement! Une opportunité, surtout si l'on commence par l'amour de soi en cherchant à désarmorcer le mécanisme de violence auto-ionfligée... <br /> <br /> Du ressenti aussi Nicole... bien au delà des mots... du ressenti intime...
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N
j'ai écrit ce que je ressens (ou ce que je crois ressentir) alors que vous vous placez dans le registre de la raison et de l'analyse.<br /> <br /> Voilà pourquoi, il m'est déjà arrivé de dire : "je ne veux plus parler". Juste parce que je me sens en totale infériorité sur le plan de l'argumentation par rapport à la personne qui est en face.<br /> <br /> Sur le fond, je préciserai juste que pour ne pas se nier, il est indispensable d'avoir la possibilité d'imaginer que d'autres solutions existent (je conviens que je ne peux imaginer qu'à partir de modèle, de référent). Pour dire plus crûment : la répétition de "si tu ne nous obéis pas, tu auras la mort de ton père sur la conscience" façonne de manière irrémédiable.
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T
Oui pour une affirmation destructive... Ne serait-ce pas la "pulsion de mort" de Freud?... le suicide est une forte affirmation de son désespoir... comme alternative...<br /> <br /> Une violence d'abord "subie" avant d'être "infligée"?... l'oeuf ou la poule?... je n'en sais rien...<br /> <br /> Tu dis que l'on peut être violent sans le savoir... dans tes exemples je crois que tu confonds l'objet de la souffrance ou de la violence avec la cause ou ce qui l'inflige: le silence de l'autre n'est une violence que si je la perçois comme telle... l'autre ne communique plus, cela est le fait... par mes attentes j'interprête le silence de l'autre comme une violence... le silence en devient l'objet... mais pas la cause! La cause est bien EN MOI... c'est le mécanisme de la jalousie aussi... alors violence infligée ou subie? par qui sur qui? Pas facile de distinguer<br /> <br /> Ce que je retiens serait plutot cette opportunité:<br /> <br /> Si je reconnais que l'objet de ma souffrance n'en est pas la cause et que le cause est en moi, alors je m'ouvre enfin à l'opportunité que la puissance d'en mettre fin serait aussi en moi!<br /> <br /> Plutot une bonne nouvelle, non? Plus besoin de "sauveur" sinon moi-même!... plus de "sauveur", plus de "victime", plus de "bourreau"... juste un autre regard sur soi, sur l'autre et sur les faits...<br /> <br /> Je vais trop loin?
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S
"l'innocence du bourreau et la violence de la victime... on est violent parce qu'on se fait violence sans le reconnaître et qu'on le projète sur autrui..."<br /> <br /> Assez d'accord sur ce point, tiens. Mais le ressenti violent du bourreau, moment où il a été lui-même victime, demeure néanmoins. Disons que la violence n'est pas seulement subie, mais sa perception commence toujours par là.<br /> Puisqu'on peut être violent sans le reconnaître, et même sans s'en rendre compte (en ne répondant pas quand quelqu'un attend notre réponse, en poussant quelqu'un à un truc sans le consulter et en étant persuadé qu'il est d'accord... Bref : inconsciemment).<br /> <br /> Assez d'accord aussi (ouaw ?) sur l'idée qu'on est toujours sur un choix (mon dada de la responsabilité), mais pas (ouf !) sur la perception qu'il est une affirmation... Ou alors, une affirmation peut être destructive et auto-destructive, là on serait sur la même longueur d'onde.
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T
je voulais dire que nous sommes fondamentalement libres MEME de ne pas l'être
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