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Alter et ego (Carnet)
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5 août 2011

Aimer sans demander


« Sur un certain plan, pour tomber amoureux il faut être désespéré. Combien je dois être désespéré pour croire que quelqu’un a le pouvoir de m’amener à la sécurité ! Quelqu’un qui peut se faire écraser demain…

 

Alors, on ne tombe amoureux que si on manque de présence, si on ressent l’impression d’un vide ?

 

C’est une projection. Un chien passe, on échafaude sur le chien. C’est le chien de notre vie, un chien fidèle, un gentil chien, il n’est pas comme les autres chiens, etc. Voir le mécanisme de projection. Deux ans après on a une opinion différente sur le chien. Pourtant il n’a pas changé… Observer ce réflexe automatique que l’on a de projeter sur tous les chiens qui passent. On ne peut pas l’empêcher mais, à un moment donné, on constate ce fonctionnement : on a encore cette attente, cet imaginaire d’espérer trouver la sécurité, le confort, l’affection, l’amour dans les bras de quelqu’un – ce qui est un reniement de notre propre intégrité.

 

Ce n’est pas une critique. À un certain âge un enfant a besoin d’être allaité : il n’a pas le choix. Pendant une période de la vie, cet imaginaire, ce besoin d’être aimé est nécessaire. Puis il y a surgissement, et on ne rentre plus dans cette forme de mièvrerie.

 

Qu’est-ce que cela peut faire que l’on m’aime ou non ? Quand je serai sur mon lit de mort, que quelqu’un me tienne la main en me disant « je t’aime, je t’aime », qu’est-ce que cela peut m’apporter ?...

 

C’est purement imaginaire. La personne m’aime jusqu’au moment où elle voit un autre chien et jette son dévolu sur lui. Rien de plus. Cet amour-là elle peut se le garder. Il n’a aucune consistance.

 

Cela n’empêche pas l’affection, mais on n’est pas obligé d’imaginer, de prétendre aimer, être aimé. Quand on n’attend plus rien d’une relation, un lien profond se crée.

 

Derrière l’espoir se cache le besoin, la peur. La peur provoque le désir et, quand on veut, on ne donne rien. Il faut s’en rendre compte. Dans une relation profonde, on donne sans espoir de retour. Quand on n’a plus d’attente, on est saisi par ce non-besoin.

 

Tant que je demande, je vis ma misère. Quand je donne, je vis ma plénitude. Donner apporte l’équilibre. La moindre attente me ramène à la misère. Comprendre le mécanisme.

 

Être heureux parce que quelqu’un m’aime entraîne une souffrance. Une souffrance constante parce que le doute est toujours présent. On ne peut jamais être à cent pour cent sûr. Je suis convaincu que l’on m’aime et, tout au fond, il y a un petit miroir en moi qui dit : « peut-être que ce n’est pas complètement cela, que demain ce sera moins, qu’un autre chien passera »… On éprouve toujours de l’inquiétude. Lorsque je m’en rends compte, je n’éprouve plus le besoin d’être aimé. C’est la découverte de l’amour.

 

C’est une bonne nouvelle parce que personne ne m’a jamais aimé. Les êtres chers ne peuvent pas aimer, ils ne savent que vouloir. Ils imaginent aimer, mais convoitent quelque chose. Mon amie m’aime beaucoup, mais si je couche avec la voisine, elle m’aime beaucoup moins. C’est cela de l’amour ! Cet amour-là on n’en a pas besoin…

 

Quand je réalise que je n’ai pas besoin d’être aimé, une profonde transformation psychologique s’opère. À ce moment-là je peux aimer quelqu’un sans demande. Je ne crains plus rien. Je n’aime plus quelqu’un pour quelque chose.

 

Quand on aime vraiment quelqu’un, que la personne reste ou parte, on l’aime. C’est un amour sans condition. Mais un amour sous contrat, « je t’aime si tu fais ceci, je ne t’aime pas si tu fais cela », cet amour-là peut rester dans le panier.

 

Plus on prend conscience que l’on n’a pas besoin d’être aimé, plus on découvre cet amour sans restriction. On vit un non-marasme affectif. On  reste présent à ce qui est là. Avec un enfant, on est attentif, quel que soit son état de santé. Qu’un bébé naisse ou meurt, on est présent.  

 

La moindre demande… et je vis mon conflit. Être faux en moi-même est ce qui me gêne. Quand je prétends souffrir, je renonce au pressentiment d’indépendance. Je me mens. L’inconfort vient de là. La non-autonomie est le mensonge. Ce n’est pas de souffrir que je souffre, c’est de me duper. Quand je suis insatisfait, je me leurre. Je justifie mon mal-être en lui inventant une cause, c’est faux.

 

Il faut avoir la maturité de le regarder.

 

Trouver un prétexte à mon chagrin indique un manque d’humilité qui m’est nécessaire pour trouver la joie de vivre. Lorsque j’en prends conscience et cesse de justifier mon malaise, il peut rester une détresse, une très grande douleur, mais je ne la rattache plus à la situation – sauf de manière symbolique.

 

C’est un moment passager très important.

 

Si j’ai la maturation de ne jamais associer ma souffrance à une quelconque considération, de la vivre indépendamment de tout contexte, juste sensoriellement, une sorte de très grande sécheresse, de mort intérieure, va s’éveiller en moi. Je vais mourir à tous mes rapports affectifs, sociaux, amicaux, intellectuels… Cette période est indispensable. Un jour, cette tristesse va se révéler être son exact opposé. Il suffit d’avoir la maturation de la vivre sans objectivation, sans situation.

 

Quand je reviens à mon imaginaire et que je prétends être désespéré « à cause de cela », j’ai perdu mon honnêteté, je n’ai plus aucune issue possible. Aujourd’hui telle cause m’affecte et demain je trouverai une autre raison à ma détresse : c’est sans solution.

Quand la souffrance se libère des prétendues situations, quand j’ai la maturité de sentir une tristesse sans motif, que rien ne peut combler, la tristesse contient ma propre mort. C’est un moment de grande intimité.

 

Mais, le plus souvent, j’essaie de sortir la tête pour respirer et ne pas me noyer dans cette souffrance. Au contraire, il faut s’abandonner : on ne risque que de mourir et, sans cela, on ne peut pas naître… »

 

Eric Baret, De l'abandon

 

Commentaires
T
Super texte...<br /> <br /> Dense et c'est peut-être son seul défaut, mais une belle synthèse (exercice le plus diificile).<br /> <br /> Je n'ai pas lu tous les commentaires encore...<br /> <br /> Pour moi un texte est un "rappel", un "signal", une "révélation" de ce que je ressens (ou pas), de ce que je suis (ou pas)... même si je ne pratique pas ce que je ressens ou ce que je suis...<br /> <br /> Il est difficile de devenir ce que je suis... tres difficile... et les émotions qu'un tel texte me procurent sont des guide: les mots touchent mon intime "moi" et me rappelle ce que je pourrais devenir enfin...<br /> <br /> Je peux toujours me mettre en colère contre les innombrables difficultés et en vouloir à l'auteur ou à Pierre... puéril et inutile... arrêtez de me rappeler mes mensonges, ma petitesse et ma lâcheté !! Je le sais que de trop !!<br /> <br /> Merci de me le rappeler... merci !
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P
Merci pour ces précisions, Nat. Tout cela touche à des domaines auxquels je ne suis absolument pas "initié"...
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N
bonjour,<br /> je réponds à votre question comme je peux<br /> <br /> cette voie utilise l'énergie pour passer au-delà du moi, d'ahamkar<br /> <br /> elle déploie beaucoup de vibrations, énormément de chaleur<br /> <br /> la vibration, la vie, cellulaire, lâche tout ce que le corps a pu emmagasiner comme blocages (psycho affectifs)<br /> <br /> toutes les racines la reçoivent et s'activent le plus souvent en une seule fois, qu'elles soient liées à l'existence (samskaras) ou aux latences (vasanas)<br /> <br /> il faut être construit pour recevoir cette onde, ce qui passe par un travail préparatoire minutieux, lent, que toutes les civilisations pré chrétiennes savaient préparer, en particulier par un apprentissage du souffle<br /> <br /> autant dire qu'ici, lorsqu'un (ou une) impatient se livre à ce type de jeux énergétiques, le résultat peut être brûlant, au sens propre du terme<br /> <br /> un psychiâtre et yogi, marc-alain descamps, a décrit les symptomes liés à une montée non contôlée de Kundalini <br /> son bouquin est aisément trouvable sur le web<br /> <br /> bien à vous
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P
Querelle ? Tout au plus des façons différentes de tendre vers un équilibre propre à soi ;)
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A
héhé !<br /> Cela faisait longtemps que je n'étais pas passé par ici....<br /> Un jour de pluie à la mer me fait "bloglander".<br /> Je vois que la querelle des Capulet et des Montaigu à encore de beaux jours devant elle au pays de notre Pierre National !<br /> <br /> comme on dit : qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse<br /> je dirai : qu'importe l'état de vie pourvu qu'on y trouve le bonheur....<br /> <br /> Le reste est littérature !
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C
il ne marche pas car la parenthèse de la fin n'en est pas séparée... sorry : http://www.nethicalblog.com/2011/04/comment-vivre-dans-une-societe-materialiste/
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P
Pour le lien communiqué par Cantabile, il suffit d'enlever la parentèse finale et ça fonctionne
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P
> Cantabile, tu formules la question suivante : « si je perds quelque chose, à quoi bon rediriger toute mon énergie vers une chose d'aussi éphémère que la première ».<br /> <br /> Mais que perd t-on d'autre que ce que l'on aurait voulu garder ? Si on est dans le ressenti de l'instant ("en ce moment je vis cela"), sans se projeter vers le futur ("est-ce que mon ressenti va durer ?"), la question de l'éphémère n'a plus de sens. La vie entière est une succession d'instants éphémères... et c'est là tout son sens !<br /> <br /> > Charlotte, c'est exactement ça !<br /> <br /> > Lukéria, tu t'es sentie « désespérée » au moment de devoir accepter l'impermanence des choses. Mais la désespérance est bien la voie à suivre : ne plus espérer. Espérer c'est attendre un avenir meilleur, ou souhaité. Ce n'est donc pas être dans le présent. C'est aussi vouloir croire que, par la pensée, le désir, on puisse influer sur le cours des choses, donc se donner l'illusion de pouvoir agir sur le "destin"...<br /> <br /> L'espoir aide à vivre... mais dans l'inquiétude. Il n'évite pas, tôt ou tard, d'être confronté au réel. Par contre l'espoir d'un changement en soi est certainement un moteur indispensable pour agir.<br /> <br /> Car c'est par un changement de regard que l'on peut agir sur notre perception du monde. C'est, il me semble, le sens du texte que tu nous proposes. Merci :)<br /> <br /> > Cantabile, « vouloir nous sentir bien » me semble faire preuve d'une ambition nécessaire, mais pas suffisante. Agir sur nous même pour s'ouvrir plus consciemment aux ressentis de l'instant c'est, il me semble, un moyen d'accéder à cette sensation de "bien" (bien-être). Non pas en tant qu'état permanent (ah ben non, justement !) de bien-être mais en tant que sensation d'être en accord, en phase, avec le réel et mes propres ressentis. Cet état harmonique étant alors "la meilleur façon de vivre l'instant", fut-il triste ou douloureux.<br /> <br /> Pour ce qui est de « comprendre ce qui est permanent », ne s'agirait-il pas plutôt de comprendre des *mécanismes* permanents (tels que les lois de la physique), tout en acceptant l'idée que leurs effets combinés conduisent à des conséquences variables, susceptibles de changer l'équilibre à tout instant ? [je ne sais pas si ce que j'écris est très clair...]<br /> <br /> En lisant le commentaire suivant, de Lukéria, qui parle de de sa perception à travers l'amour par rapport à une approche scientifique, je pense à quelque chose : est-ce que la démarche scientifique n'est pas cette recherche de la "permanence" des choses, des lois, des effets ? Or il me semble que la recherche scientifique ne cesse d'être poussée plus loin, comme mise en échec par l'impossibilité d'établir des résultats parfaitement homogènes, stables, "permanents"...<br /> <br /> Mais bon, j'élucubre ça sans bien réfléchir ;)<br /> <br /> > Lukéria, je me rends compte, pas vraiment surpris, que ce sont les mêmes éléments que toi qui offrent un sens à ma vie :)<br /> <br /> Merci à chacun de vous pour ces apports. Ça me fait plaisir de lire ces échanges qui nous permettent, à chacun, de cheminer un peu...
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L
Dommage, Cantabile, ton lien ne marche pas et je le regrette, car j'ai beaucoup lu Christophe André et je l'apprécie énormément, il m'a beaucoup apporté à travers des ouvrages tels que "Imparfaits, libres et heureux : pratique de l'estime de soi" et aussi "Les états d'âme : un apprentissage de la sérénité". Il est vrai que je ne suis pas scientifique et que je ne me pose pas les mêmes interrogations que toi, je ne suis pas à ce niveau-là. Et le sens de ma vie, c'est l'amour au sens large. En ayant accès à la joie et à l'amour, je trouve un sens à ma vie.<br /> <br /> Un jour, au cours d'une méditation de groupe, où nous chantions une superbe chanson améridienne sur la liberté, j'ai ressenti très fort en moi la joie et l'amour sans objet. J'étais la joie et l'amour. Ce fut un tournant décisif dans mon évolution. Car je pressentais que c'était cela, pour moi, le sens de ma vie, mais je n'y avais pas accès. J'attendais la joie et l'amour de l'extérieur, je ne savais pas que j'avais tout en moi. Cela a également changé mon rapport aux autres, m'a permis une plus grande ouverture. Mais je suis plus dans une démarche plus spirituelle que scientifique.
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C
OK, mais sans vouloir offenser le lama, je le trouve très matérialiste : d'accord, la vie matérielle est impermanente, rien de nouveau depuis le livre de Job finalement...<br /> Mais le but que l'on se fixe, le sens de notre vie, il a une permanence, non? Sinon "à quoi bon"?<br /> Personnellement je suis scientifique, et mon approche de la vie en est très influencée. Et en vertu de cette approche, chaque corps évolue dans un environnement selon des lois permanentes, sinon c'est le chaos... <br /> Or si notre monde est instable et impermanent, ce n'est pour moi qu'un point de vue. Le point de vue de la molécule qui n'observe que le mouvement brownien des autres molécules autour d'elle, de la cellule qui une fois est stimulée, une fois inhibée, mais sans connaître pour la première les lois de la physique quantique, pour la seconde le métabolisme du corps... Si elles le connaissaient, elles trouveraient un sens à tout ça...<br /> Pareil pour nous, si nous nous bornons à vouloir nous sentir bien, nous continuons à souffrir ou à dépenser notre énergie pour découvrir des moyens de ne pas souffrir. Par contre, si nous nous interrogeons sur les lois qui doivent régir ce monde, on acquiert un certain recul? En pratique pour moi, et peut-être parce que je suis scientifique (et probablement vice versa) ce qui a de l'intérêt, ce que je veux chercher à comprendre, est ce qui est permanent... (voir à ce sujet un extrait de Christophe André : http://www.nethicalblog.com/2011/04/comment-vivre-dans-une-societe-materialiste/)
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