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Alter et ego (Carnet)
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26 décembre 2011

Témoin impuissant

Ce matin là, comme tous les autres en semaine, le radio-réveil m'a sorti des songes. J'étais, comme à mon habitude, dans un demi-sommeil et j'entendais par bribes les nouvelles du jour. « D'une femme l'autre » énonce Audrey Pulvar. Je tends l'oreille distraitement. Quelques mots d'hommage à Césaria Evora, décédée la veille, sont suivis de l'évocation d'une autre femme, inconnue. Des mots m'accrochent « soutien gorge bleu ». Pas le temps de laisser mon imaginaire fantasmer, la suite me happe : «... images lointaines, muettes, et nous avec. Leur violence laisse sans voix. ». La journaliste poursuit son récit, d'une voix dont le calme contraste avec la scène décrite. Je suis bousculé, malgré la sobriété de l'évocation.

Quelques jours passent. Je repense plusieurs fois à cette histoire de femme au soutien-gorge bleu, dont je n'ai pas entendu parler ailleurs. J'hésite à en savoir davantage. Je me méfie de l'effet dévastateur de certaines images...

Mais la curiosité l'emporte et je pars à la chasse aux infos sur le net, la veille de noël. Une vidéo existe et je la regarde. Effaré, je ne comprends pas. Je regarde à nouveau, plusieurs fois, fasciné et horrifié. Je ne comprends pas comment des individus peuvent s'acharner contre des personnes qui sont dans l'incapacité de se défendre. Je m'interroge : comment la pensée de ces bourreaux ordinaires est-elle construite ? Un homme retient mon attention, s'acharnant sans raison apparente sur le corps inanimé de la femme. Bizarrement il ne porte pas les mêmes chaussures que ses collègues militaires...

La violence que je vois m'horrifie. S'y ajoute un supplément d'ignominie : les coups pleuvent sur un corps à demi dévêtu. Un corps de femme. Inerte. La fragilité d'une peau nue. Et puis il y a ce soutien-gorge turquoise, intimité dévoilée qui n'arrête pas les coups. Le contraste entre le raffinement d'un outil de séduction et la violence d'un coup de pied plaqué entre les seins m'assomme. Qu'y a t-il dans la tête de cet homme ?

Je sais la violence dont sont capables certaines personnes quand le sentiment d'impunité leur ôte toute limite, particulièrement en groupe, mais à chaque fois qu'un nouvel événement médiatisé me rappelle cette donnée je reçois un choc. 

Est-ce utile ?

Souvent je me demande si le suivi des informations violentes a une quelconque utilité pour ceux qui, comme moi, n'ont pas le pouvoir d'agir. A part ressentir un pénible sentiment d'impuissance et une vaine révolte, que penser des traces que cela laisse dans la pensée ? Et que dire de la jouissance malsaine, plus ou moins occultée, d'un inévitable voyeurisme ? Cela a t-il un intérêt de voir ce qu'il est déjà douloureux de savoir ? Quel est l'impact sur les consciences, tant individuellement que collectivement, du matraquage permanent de scènes violentes...

 

Commentaires
C
Je n'irai certainement pas voir cette vidéo.. Cela ne peut faire que du mal en plus .
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P
Coumarine, je me demande si c'est "important" de se tenir au courant de l'actualité immédiate. Sans aucun recul beaucoup d'événements semblant "importants" un jour se révéleront sans aucun effet à long terme quelques mois plus tard. <br /> <br /> <br /> <br /> Errance, je crois que je vais changer mes habitudes ;o)
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E
Pour vouloir rester dans les habitudes d'écouter les infos, et ceci dès que le réveil se met en marche, faut vraiment aimer(?) se faire polluer l'esprit :( <br /> <br /> Un nouveau réveil sans infos dès demain matin? :)
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C
Je me contente de lire les titres principaux de deux ou trois journaux en ligne...<br /> juste pour être au courant de l'actualité, c'est quand même important!<br /> mais je regarde jamais les videos,surtout celles qui veulent "accrocher"<br /> (en plus c'est une perte de temps;-(
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P
Coumarine, je me préserve souvent de l'info, comme toi, pour éviter d'être confronté à la violence. Je me réjouis d'avoir ainsi échappé à nombre de scènes archi-médiatisées. Mais il arrive que je me fasse happer malgré tout et que *quelque chose* éveille une curiosité malsaine. Je ne sais pas comment éviter cela. Je suis tenté de me couper totalement de l'info mais avec l'impression d'aller vers une mise en marge volontaire de la société. Peut-être est-ce une solution ?<br /> <br /> Il y a tout le reste, bien sûr, et c'est dans ce reste que je retrouve mon équilibre :o)
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C
"En évoquant cela ici je me fais complice du système que je dénonce..."<br /> Je me suis dit ça hier en te lisant...<br /> Il est quasi sûr que ceux qui te lisent feront comme toi: chercher l'info..<br /> J'ai résisté, car je REFUSE de regarder ou lire des info violentes, cela me fait du tort<br /> Il y a cette actualité-là, mais il y a TOUT LE RESTE dont les journaux ne se font pas l'écho...<br /> Bonne journée, Pierre
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P
Errance... me voila pris en flagrant délit d'incohérence : d'un côté je parle de matraquage d'informations, de l'autre j'importe ici-même une information violente...<br /> <br /> Alors je me rends compte que la violence ressentie pousse sans doute à s'en "décharger". Comme pour évacuer quelque chose de douloureux, de pesant, de destructeur. Peut-être est-ce ce qui pousse les témoins directs d'un événement à en parler ? Et ce qui pousse les journalistes à le "partager" ? Je crois que tout acte de violence nous blesse, même à distance, même par la simple connaissance de son existence.<br /> <br /> En évoquant cela ici je me fais complice du système que je dénonce...<br /> <br /> Ce matin au réveil, en écoutant encore les infos, je me disais que c'était probablement la première source de pollution de mon esprit. A quoi ça me sert d'apprendre que le chômage bat des records ou qu'en Syrie il y a eu je ne sais comblen de morts ? Dehors la nature s'éclaire de l'aube, toute recouverte de givre. C'est magnifique. Et c'est là que je vis. Pas dans les difficultés ponctuelles d'un monde bien plus vaste que ce qu'on m'en raconte.<br /> <br /> Je me pose vraiment des questions quant à mon/notre rapport à l'info. L'abstinence volontaire est sans doute le meilleur remède.<br /> <br /> Merci pour ce commentaire qui force ma prise de conscience.
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E
Je me demande si parler de cet évènement ici n'est pas une façon plus ou moins inconsciente d'inciter le lecteur à aller chercher cette information?<br /> C'est un peu ce que j'ai fait (alors que je n'étais pas du tout au courant de cet évènement ni de tant d'autres d'ailleurs puisque je ne suis presque jamais les informations sur les violences) et je n'ai pas voulu regarder la vidéo. A quoi cela me servirait-il? Le bref commentaire que j'ai lu n'a eu aucun impact sur ma conscience et c'est tant mieux!
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