Encore un texte resté en attente de je ne sais quoi, rattrapé de justesse avant qu'il ne s'enfonce dans l'oubli. Je me souvenais vaguement avoir écrit quelque chose mais j'ai été surpris de retrouver un contenu aussi développé. Je l'exhume aujourd'hui, un peu poussiéreux de ses deux mois de sédimentation, et le fractionne en trois épisodes. Ils compléteront le thème "Être en relation autrement" en donnant quelques explications sur mon itinéraire. Ces textes pourraient judicieusement clore le chapitre de mes réflexions affectivo-relationnelles, que je suis un peu las -et gêné- de raviver trop souvent, mais il serait hasardeux que je m'engage à ne pas y revenir...

Il y a quelque chose qui me tarabuste un peu, sans que je sache pourquoi : qu'est-ce qui fait que je ne sois pas tenté par la perspective, assurément très répandue, de me lancer dans une histoire sentimentale ? Bon, vous me direz que si ça ne me pose pas de problème il n'y a pas de question à se poser. Exact... mais bizarrement ça m'interpelle quand même. Et ça c'est louche !

Ce n'est pas un scoop : je vis en solo tout seul avec moi-même depuis pas mal d'années. Je sais que c'est une pratique de plus en plus courante dans notre société avide de libertés individuelles mais, pour ma part, elle ne m'avait jamais tenté avant d'y être contraint. Le célibat n'était absolument pas prévu dans mon programme de vie ! Cela dit, après un temps d'accoutumance, je m'en suis accommodé. Plutôt bien, d'ailleurs, puisque j'y ai pris goût... En outre, explorer le rapport aux autres en solitaire plutôt qu'à deux m'est utile. Sans assistance c'est plus engagé, plus authentique, me semble t-il.

La situation dans laquelle je me trouve me plaît, donc, et j'en apprécie les avantages. Alors, qu'est-ce qui me préoccupe ? Cherchons encore...

Le principal avantage de ma vie en solo est un sentiment de liberté : personne n'interfère dans mes choix quotidiens. Sans le savoir j'avais grand besoin de cette autonomie et il était important que j'y sois confronté. Un autre avantage, et pas des moindres, est la possibilité de rencontres multiples. J'en profite fort peu, quoique je tienne farouchement à garder cette liberté. Je crois que la conquérir était un des fondements de ma longue marche vers l'autonomie.

Aujourd'hui d'autres besoins ont trouvé place d'exister, contribuant ainsi à mon équilibre. Je pense en particulier à mon rapport à la nature, à la paix de l'esprit, tandis que mes rêves d'illusoire complétude avec une femme ont pris un sérieux coup dans l'aile. Du coup mon peu d'appétence en ce domaine n'a permis jusque-là que des rencontres occasionnelles, au destin similaire : après une phase de découverte affinitaire (souvent par le biais des mots), sympathique mais sobre dans ses effusions, et éventuellement quelques moments d'intimité partagée, il est rapidement apparu que mon implication affective était considérée comme insuffisante. Ça a déçu. Peut-être même blessé.... Il est vrai que le plaisir que je ressens dans l'échange, aussi agréable soit-il, n'est plus prioritaire dans mon existence. En tout cas pas au point de délaisser le reste de ce qui contribue à ma qualité de vie. Mon désir de temps communs reste donc relativement modéré et le peu d'empressement que j'ai à le manifester a généralement eu raison des relations naissantes. Au bout de quelques semaines, quelques mois tout au plus, l'éloignement de mes -rares- amantes successives a été manifeste et le soufflé retombé aussi vite qu'il avait pu commencer à monter. Les contacts se sont espacés et les relation se sont éteintes sans bruit. Très peu ont fait exception à ce déroulement, qui me laisse dans une certaine perplexité : comment le néant peut-il succéder aussi aisément au partage ? Je ne fais toutefois rien pour aller à contre-courant, considérant que c'est le cours naturel des choses. Je suis devenu assez fataliste sur ce point...

Ce processus de séduction-éloignement, que je connais bien maintenant, est devenu assez peu motivant. Je ressens une certaine lassitude à voir disparaître à répétition ce qui commençait à se dessiner de l'intériorité de l'autre. Recommencer à zéro à chaque fois en sachant que ce sera probablement un investissement sans lendemain tend à émousser mon intérêt. Ce qui ne m'empêche pas d'apprécier les temps d'échange, quand l'occasion s'y prête, mais sans l'objectif de pérenniser une relation. Se vit ce qui se peut... et parfois ça dure.

Il y a là un important changement, auquel je ne suis pas encore vraiment habitué bien que je le préconise : vivre des situations sans prévoir de les pérenniser. Vivre l'instant. C'est comme si ma pensée savait, mais qu'intérieurement je me référais encore aux anciens repères. C'est un peu inconfortable, quoique sans réelle pesanteur.

Tout cela fait que ma vie sentimentale est calme, émotionnellement assez tiède. Bien loin de ce que j'ai connu autrefois et qui m'avait ouvert les ailes. A la longue j'avoue être quelque peu interpellé par ce peu d'entrain : est-ce réellement une conséquence de déconvenues marquantes, ou simplement une question de concordance affinitaire insuffisante ? Inadéquation dans les rencontres ? Ce qui est certain c'est que je suis pas en demande... 

J'accueille ce qui vient mais ne cherche pas. Du moins je ne cherche pas à vivre de relation qui tendrait vers l'exclusivité.

Ah, voilà une précision importante !

Car d'un autre côté je me sais être en recherche active : celle de mon identité. Avec un questionnement important : qu'ai-je envie de vivre ? Ce recentrage, parce que les circonstances le permettent, s'effectue principalement en solitaire... mais au contact des autres. D'une pluralité d'autres. Du moins potentiellement... Et c'est là que ça se complique un peu parce que la pluralité, en matière de sentiments, ben c'est pas simple ! Or j'ai envie d'explorer aussi (surtout ?) cette dimension particulière des relations : l'intime. J'ai envie, tout simplement, de vivre des moments de partage et de découverte dans ce registre-là. Célibataire, certes, mais pas abstinent.

La vie en solo peut permettre cela. C'est en tout cas la condition première. Je crois qu'il y a donc une part de chance à se trouver projeté dans une telle situation. C'est une opportunité. Par contre la durée de ce statut privilégié résulte largement d'une décision : on peut vouloir en sortir ou au contraire y rester. On ne maîtrise pas tout, mais quand même un peu. Evidemment je ne suis pas à l'abri d'une rencontre fortuite qui mettrait fin à ma vie de solitaire, mais cela exigerait un surcroît de circonstances favorables [et une forte attirance de ma part] qui a peu de chances de se produire spontanément. Je ne crois pas qu'on devienne amoureux par hasard... 

Si j'avais vraiment été en manque de ce côté-là je serais tombé amoureux de mes amantes de passage. Que cela ne me soit pas arrivé m'a été utile : j'ai pu mieux comprendre ce qui était en jeu dans des relations ou affinités et sexualité se conjuguaient. J'ai pu discerner en moi désir et sentiments à force d'être interrogé sur "l'amour" que je ne ressentais pas... tout en étant manifestement "aimant". Mais allez faire comprendre ça...

Quoi qu'il en soit je fais avec la situation du moment et c'est très bien comme ça ! Ainsi je peux approfondir mon exploration psychique sans aucune précipitation, au gré des sollicitations et de la durabilité des relations. C'est tout bénèf' pour mon lectorat avide de décortications introspectives [mais peut-être chiant pour les autres...].

 

(à suivre)

Ecrit le 13/12/2011