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Alter et ego (Carnet)
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16 février 2012

Solo (3)

Dépendre du regard d'autrui... c'est l'invisible carcan dans lequel je suis longtemps resté enfermé. J'ignorais à quel point ses effets étaient liberticides. Il aura fallu que mon parcours d'émancipation croise celui d'une femme en quête d'autonomie, que s'y noue une relation magnétique, pour que je prenne conscience de ma névrose : un besoin d'être rassuré sur l'importance que j'ai pour l'autre. Un besoin de me sentir "intéressant".

Cette fois-là ma dépendance, imperceptible au départ, s'est développée en proportion des défenses vives érigées pour s'en protéger. Une quête d'autonomie peut s'accorder mal avec un besoin qui pourrait la restreindre. Refusé, mon besoin en devenait inexprimable. La peur engendra une peur en retour, jusqu'au hiatus : la synergie des peurs opposées vint à bout de l'aventure. Cette aventure qui, pourtant, m'avait parue tellement libératrice qu'elle justifiait la remise en question du parcours conjugal...

Dénouement absurde et quelque peu surréaliste ! Mais il y a des secousses salutaires...

Il est flagrant [ceux qui me suivent depuis longtemps le savent bien], que tout ce qui a été remis en question grâce à l'éloignements simultané des deux personnes auxquelles j'étais le plus attaché a ouvert a un des bouleversements les plus déterminants de mon existence. Des années après, mon rapport à l'autre dans le domaine affectif continue de m'interroger et de nourrir mes réflexions. Avec d'importantes répercussions sur mon approche. Par effet de balancier on ne s'étonnera pas de me voir être devenu particulièrement attentif à toute forme de dépendance. Pas la mienne [je suis probablement immunisé, désormais], mais celle d'autrui. Une vigilance qui peut compliquer un peu les choses puisque une certaine interdépendance est nécessaire dans une relation... J'admets, bien sûr, une relative dépendance de l'autre à l'égard de ce que l'on partage et le dialogue reste toujours ouvert à ce sujet. Il touche aux fragilités de l'être, à son histoire, à son intimité profonde. Le plus délicat. Grâce au travail que j'ai fait autour de ma propre névrose, je sais pouvoir accompagner l'autre dans cette exploration sensible. La dépendance d'autrui ne m'effraie pas et je ne la refuse pas. En revanche je veille à ne pas m'y soumettre. Quitte à me voir parfois qualifier d'indifférent...

Il ne s'agit là que d'un système de préservation.

 

En guise d'épilogue au dernier volet du loooong triptyque que j'ai déployé, je m'interroge : aujourd'hui, qu'en est-il de mes dépendances d'autrefois ? En d'autres termes, suis-je guéri ?

Bien que nos rapports soient devenus très espacés, Charlotte garde à mes yeux une place sans équivalent. Et réciproquement, je suppose. J'ai l'impression que, par delà les aléas, demeure une profonde confiance. Non dite, puisque la mise à distance ne permet plus les confidences de ce genre. Dès lors, le regard qu'elle pourrait porter sur moi est sans réelle influence puisque je n'en ai pas connaissance. Je ne suis donc plus soumis à la moindre forme de dépendance. Je reste cependant sensible à cette "distance" qu'elle a installé entre nous et que, depuis longtemps, j'ai renoncé à tenter de réduire. 

Quant à "l'autre femme", l'amie-amoureuse dont la rencontre m'avait encouragé à prendre résolument le chemin de l'émancipation... l'extinction des contacts n'a pas permis de vérifier la réalité de mes avancées vers l'autonomie à son égard. Le grippage progressif du dialogue, jusqu'à son blocage complet, m'a toutefois aidé à préciser la nature de ma dépendance : il s'agissait moins d'une dépendance affective que d'un attachement à un dialogue de qualité exceptionnelle. Avec elle j'avais trouvé une partenaire d'exploration, de découverte, de dialogue qui dépassait tout ce que j'avais connu et même imaginé. C'est ce que je ne voulais pas perdre. Là se situait ma dépendance... et de là allait venir ma perte.

Avec elle je me suis d'abord trouvé, puis perdu. Et c'est finalement en la perdant que je me suis retrouvé !

Aujourd'hui je reste très profondément marqué par l'évolution de cette histoire étonnante, qui tient à la fois de l'échec et du dépassement. Je fais cependant le pari que l'émancipation est effective. Ne serait-ce que parce que j'ai dû me débrouiller seul pour faire face à un manque brutal, tant d'une grande amie que l'accompagnement qu'elle m'offrait vers... mon émancipation du lien conjugal !

En fait, sans m'en rendre compte, j'avais anesthésié le sevrage du couple en investissant un lien de substitution. Emancipation partielle.

Mais on n'échappe pas à son destin et finalement je me suis bel et bien retrouvé tout seul ! Obligé de grandir ! Et ce fut réellement une chance pour ma quête d'autonomie.

 

Ecrit le 13/12/2011, partiellement modifié le 16/02/2012

 

Commentaires
L
Je me retrouve assez dans ces expériences de vie, dans cette quête incontrolable du regard positif de l'autre sur soi...<br /> <br /> La fin de mon amitié amoureuse est toute récente. L'amitié a dévié de mon côté et je l'avoue assez rapidement. Pour autant, ne voulant rien gâcher, j'ai gardé en moi bcp de choses. Mais au bout d'un certain temps, je ne me reconnaissais plus, je somatisais je dormais peu et n'avait pas d'appétit quand j'étais avec elle.<br /> <br /> Terrible. Je tenais environ qq heures en étant moi, puis je sentais que petit à petit je dégringolais du haut de mon perchoir d'estime de moi, pour tomber je le crains en idealidation totale de ma compagne amicalo-amoureuse.<br /> <br /> Des étreintes, des mains qui s'enlacent, de simples baisers sur les joues...mais bcp d'intensité.<br /> <br /> Précision : nous avons vécu ensemble un amour disons passionnel de qq mois, avant de tomber ds cette amitié amoureuse.<br /> <br /> Bcp de choses nous éloignent, culture, religion, et désormais distance.<br /> <br /> Et j'ai le facheux défaut de croire que l'amour peut tout balayer, détruire toutes les barrières. Et c'est simplement ainsi que cela me fait vibrer.<br /> <br /> Après notre relation passionnelle terminée sans raison valable, j'ai eddayé de rebondir avec d'autres. Mais même dans les moments les plus intimes, je ne ressentais quasiment rien. Ma partenaire pouvait avoir le plus beau corps, les plus belles formes et le meilleur savoir faire, je n'avais pas le sentiment d'être vrai, d'être moi.<br /> <br /> J'ai un besoin d'amour inqualifiable, j'ai une réserve d'amour à donner intarissable. Mais j'ai le sentiment que c'est de l'amour toxique, etouffant. Très souvent j'éprouve le besoin d'être rassuré... Stigmates de l'enfance sans aucun doute. Et pourtant à 33 ans, je m'imaginais un peu plus sûr de moi.<br /> <br /> Mais non le regard d'autrui est important, j'aime plaire.<br /> <br /> Cette amitié amoureuse me plaisait, c'était grisant de tjs être sur le fil...mais j'étais hypocrite au final car je ne voulais qu'une chose, c'est une véritable relation amoureuse, mais basée non plus sur du passionnel, mais sur qq chose de plus constructif. <br /> <br /> Au final tout a éclaté. J'ai joué la victimisation ( un de mes defauts caracteristique ) et elle a culpabilisé puis m'en a voulu puis j'ai explosé. Peut être au final était ce la seule solution. <br /> <br /> Deux "handicapés" de l'amour ( rien de pejoratif pour les handicapés ), ne peuvent peut être pas être heureux ensemble...<br /> <br /> Tjs est il qu'aprés toute déception amoureuse, l'estime de soi en prend encore un coup car elle est mise de côté pour admirer l'autre...<br /> <br /> Merci de votre lecture...<br /> <br /> Lolo
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P
Sophie, si mes textes peuvent vous apporter quelque chose ils auront atteint un de leur objectif :)
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S
Pierre,<br /> <br /> Je suis tombée sur votre blog un peu par hasard, et le hasard fait parfois bien les choses. Merci pour vos mots. Je sens que je peux beaucoup apprendre ici.<br /> <br /> A très vite<br /> <br /> Sophie
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P
Alainx, ce que me dis là me fait très plaisir.<br /> <br /> <br /> <br /> Oui, c'était important que je récapitule tout ça devant mes lecteurs, même si je ne sais pas trop pourquoi (raisons multiples). Je crois en effet que cela marque une étape. Je ressens l'envie de laisser ça "derrière moi" et je pose ce paquet. En même temps je suis d'accord avec ce que tu dis du continuum.<br /> <br /> <br /> <br /> Pour ce qui est de l'interdépendance/complémentarité, il est vrai que cela se joue dans des subtilités de langage qui méritent qu'on s'y attarde. Certaines idées ne trouvent pas vraiment le mot qui leur correspond. J'essaie des mots, sans être tout à fait satisfait, puis j'en change ensuite, à la recherche de celui qui me semblera le plus proche de l'idée que je cherche à transmettre. Complémentarité peut convenir, bien sûr, mais il ne concorde pas tout à fait avec le choix de vivre en solo. En revanche il convient bien dans l'idée de couple, il me semble. En fait il me fait trop penser à une complémentarité à deux, alors que la complémentarité peut se trouver dans plusieurs dimensions et avec plusieurs personnes.<br /> <br /> <br /> <br /> Je note aussi ces quelques mots : "sans craindre que l'autre prenne le pouvoir sur moi". Et immédiatement ma pensée corrige : sans craindre que je donne à l'autre du pouvoir sur moi. Ou autrement dit ; sans que je me soumette à l'autre. Toujours cette idée de *responsabilité* dans ce que je fais de ma vie !<br /> <br /> <br /> <br /> J'entends bien tes souhaits à mon égard, mais vraiment, profondément, sincèrement, je n'ai pas ce désir de dynamique actuellement. Pas avec UNE seule personne "complémentaire". J'ai encore des choses à régler seul. Peut-être plus tard :o)<br /> <br /> <br /> <br /> Pour ta dernière phrase, tu ne peux pas savoir à quel point je la trouve vraie. C'est cette idée-là qui est à l'origine de ma démarche d'introspection publique et de tout ce qui est advenu depuis. La "force" que j'acquiers vient de la connaissance de mes failles.<br /> <br /> <br /> <br /> Et je rends ici hommage à celle qui, sans le savoir, m'a un jour révélé que j'avais cette force en moi...
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A
Lecteur depuis tant d'années, je trouve ta synthèse très pertinente. C'était important que tu la fasses de manière à la fois sobre et complète, important aussi que tu la communiques.<br /> <br /> As-tu le sentiment que ceci marque une étape ?<br /> <br /> Bien entendu, notre existence est une sorte de continuum, mais le regard dans rétroviseur permet quand même d'établir des étapes. Et je trouve que c'est important pour se comprendre.<br /> <br /> <br /> <br /> -------<br /> <br /> Tu dis :<br /> <br /> une certaine interdépendance est nécessaire dans une relation...<br /> <br /> <br /> <br /> c'est juste, dans les relations d'engagement commun, dans l'action, etc. mais pour ce qui est de la vie relationnelle profonde et affective, je préfère parler de complémentarité. Ce n'est pas seulement une question de sémantique, mais la complémentarité comporte une dynamique de vie que l'on ressent en soi-même. J'enrichis l'autre et l'autre m'enrichit, pour le peu que je m'ouvre à lui sans crainte qu'il prenne pouvoir sur moi.<br /> <br /> Mais bien sûr… Chat échaudé craint l'eau froide…<br /> <br /> Reste cependant que je te souhaite d'entrer dans cette dynamique-là, et tu la connais déjà bien évidemment, mais surtout d'y entrer sans crainte, car désormais, ton chemin le prouve, les risques sont minimes que tu laisses l'autre prendre pouvoir sur ta vie.<br /> <br /> <br /> <br /> Et de toute façon, je crois fondamentalement que nos fragilités connues et cernées sont des forces plus puissantes que l'on ne croit parfois.
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P
Cloudy, la relation à l'autre est souvent "questionnante", dès lors qu'on cherche à ce que chacun s'y réalise. Et il faut du temps pour savoir, en son for intérieur, ce qui nous est important, ce qui est vraiment "soi" et ce qui nous vient d'injonctions trop parfaitement intégrées.<br /> <br /> <br /> <br /> « Analyse sans concession », ça me plaît... J'aimerais pourtant être capable d'aller plus loin :)<br /> <br /> <br /> <br /> Merci
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C
Je lis tes posts avec intérêt, tant mon attachement à "l'autre", la forme de notre relation, ne cesse de me questionner.<br /> <br /> Tout m'apparait de manière si floue, entre mes envies, mes besoins, mon éducation et fondamentalement "l'autre".<br /> <br /> J'apprécie ton analyse sans concession et je t'en remercie.
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P
Chantorelle et Nat, je ne sais pas trop ce qui me pousse à évoquer cela. En dehors de l'aspect "témoignage", c'est aussi une façon de m'en éloigner... ou de constater que j'ai pris du recul.<br /> <br /> <br /> <br /> Nat, ouais, je m'étais complètement embrouillé dans les dates. C'est corrigé ;o)
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N
Je ne connais pas ton histoire; merci de la partager de cette façon.<br /> <br /> <br /> <br /> (tu ajustes en juin 2012 un billet préparé 6 mois plus tard que tu publieras en février de la même année... tu es vraiment un homme étonnant! ;))
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C
Moi, je connais assez bien l'histoire et la trajectoire.<br /> <br /> Je suis très touchée par ce billet, Pierre.
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