J'ai longtemps cherché un terme adéquat pour définir le type de relation que j'avais désormais envie de vivre avec une ou des femmes. Aucun ne me convainquait vraiment. Délaissant celui "d'amitié-amoureuse", actuellement inopportun en ce qui me concerne, j'aurais pu essayer "amitié sexuelle". Bof... peu satisfaisant. Et difficilement déclinable : « je te présente Gudule, une amie sexuelle ». Mouais...

Ici, faute de mieux, j'ai souvent utilisé le vocable "partenaire", mais je ne l'emploie pas ailleurs. Bizarrement -ou pas- il n'existe que peu de termes pour décrire certaines relations hors cadre, surtout si je refuse de les faire précéder d'un pronom possessif qui, en répondant implicitement à l'idée d'exclusivité, assimilerait ladite relation à un couple. Dire "une partenaire" ce n'est pas pareil que de dire "ma partenaire". Quoi qu'il en soit, puisque la simple énonciation d'un prénom ne suffit pas à décrire la nature d'une relation, que dire ? J'ai le choix entre "amie" (particulièrement ambigu), "petite amie" (plus précis, mais plutôt à l'usage des jeunes...), "copine" (euh... simple copine ou *petite copine* ?). Dans ces dénominations une idée sous-jacente est pudiquement tue : la sexualité. Si j'exclus "compagne" (trop engagé), reste encore "amie de baise" (un peu trash). Les québecois diraient simplement "ma blonde" (même si elle ne l'est pas), les étasuniens parleraient de "girl friend", voire de "sex-friend" ou du peu appétissant "fuckfriend". En français il existe un terme explicite et très courant : amante. Spontanément s'y associent les idées de sexualité, d'amour, mais aussi d'une relative liberté : on ne vit pas avec son amant(e). Pour ma part j'estimais qu'il rapportait aussi à la notion d'adultère, de tromperie et de mensonge et, pour cette raison, ne parvenais pas à l'adopter. Finalement, c'est celui qui offre la représentation la plus proche de ce que je pourrais signifier.

Reste à savoir si je dis "une amante" ou "mon amante". Pour éviter les regards suspicieux mieux vaudra choisir la seconde option...

Pourquoi chercher à nommer, me direz-vous ? Je n'ai nul besoin de mettre des mots sur ce qui, en moi, est suffisamment clair. Pourtant je me vois régulièrement confronté au manque de qualificatif, ou à une hésitation, quand j'évoque telle ou telle relation, présente ou passée. Cette difficulté à définir me dérange un peu. Je crois qu'elle montre une gêne à évoquer ces relations un peu particulières, qui ne sont ni assimilables au couple, ni aux aventures aussi légères que passagères, encore moins aux "coups d'un soir". Je crois que j'aimerais qu'elles soient perçues pour ce qu'elles sont : importantes, sans pour autant représenter un "tout".

Il faut que je m'y fasse : mes désirs relationnels resteront incompris pour pas mal de gens.

D'un autre côté je reconnais avoir un petit côté "militant" en ce qui concerne l'acceptation de façons de vivre des relations fortes, engagées, non dénuées d'affects, respectueuses de l'autre et néanmoins sexualisées. J'ai donc envie de pouvoir en parler simplement. Tout simplement.

Pour compliquer les choses il n'existe pas de déclinaison du terme amant. On parle d'amour, d'amitié, de compagnonnage, de copinage, de concubinage, mais pas... d'amantage, ni d'amance. J'aime bien le néologisme de Libraimance, mais il tarde à se faire connaître.

 

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Après cette sémantique introductive j'entre dans le vif du sujet : mon amante est venue lire ce blog. Bien qu'elle m'eût promis de ne jamais le faire parce qu'elle respectait ma vie privée, sa curiosité à été la plus forte...

Bon, je sais que les promesses n'engagent que ceux qui les croient, ce qui n'est plus mon cas. Je sais aussi qu'il faut toujours se méfier des "jamais"... Je n'ai donc pas été trop surpris, ni affecté, par la transgression d'Amante. Mais gêné de ce qu'elle avait lu : Désirs latents. Un texte actuel où j'évoque un désir de partage fluide avec une femme : « Quelque chose de bon, de simple, d'évident, sous le signe de l'amitié et du désir ». Elle a surtout lu les brefs mots échangés avec une lectrice, induisant une idée de rencontre.

Amante m'a donc téléphoné à la fois pour m'avouer sa transgression et me faire part de sa tristesse et de son désarroi. Elle ne savait plus que penser de moi, chez qui elle voyait un « double jeu », et a manifesté le désir de cesser là notre relation. Nous avons longuement parlé après que je me sois expliqué au sujet de ce "double jeu". Question finalement fort intéressante que je vais développer ici.

Le premier point à retenir c'est que chercher à connaître la vie privée de l'autre expose à un risque de blessures. Si on s'engage sur cette voie mieux vaut anticiper ce à quoi on pourrait être exposé. J'ai souvent dit à ceux qui me connaissent qu'ils seraient probablement plus gênés que moi s'ils venaient me lire. Cela dit mon blog est accessible et offre ainsi une possibilité d'en savoir plus à qui le veut.

Pour ce qui concerne le "double jeu", dont la mise en évidence à quand même suscité chez moi une petite gêne, je crois qu'il est inhérent à toute relation humaine : je ne suis pas un bloc homogène, immuablement identique devant chaque personne. Ce que je dis dans le cadre d'une relation ne correspond pas exactement à ce que j'en dis dans une autre dont les enjeux sont différents. Dans une relation d'amants je n'exprime pas le même point de vue que dans une "relation" d'écriture en public. Avec Amante je cherche à privilégier ma relation avec elle, tandis qu'en écrivant c'est la relation avec moi même, c'est à dire la connaissance de moi-même, qui est en jeu. Accessoirement il se joue aussi quelque chose avec le lectorat...

Amante sait depuis plusieurs années que je suis un libraimant, même si depuis pas mal de temps elle en a l'exclusive jouissance. D'ailleurs elle le savait avant que notre relation ne prenne cette tournure et c'est en toute connaissance de cause qu'elle a renforcé son implication. Il n'empêche que la question de la pluralité relationnelle revient inlassablement de sa part, avec une forte inquiétude. Amante redoute perpétuellement que je lui annonce que j'ai rencontré une autre femme, imaginant que cette dernière serait alors forcément "mieux" qu'elle. C'est la logique de l'exclusivité : l'un(e) surpasse et détrône forcément l'autre.

De mon côté, bien que je sois encore dans une logique de pluralité, je n'ai eu de cesse de la rassurer : ce n'était pas à l'ordre du jour.

Sauf que, depuis quelques semaines, les choses ont un peu évolué. La stabilisation de notre relation, sa simplification, l'acceptation de certaines limites, ont fait que le dialogue a parfois perdu de son intensité. N'obtenant pas de moi autant qu'elle souhaiterait, et obligée de l'accepter, Amante a marqué la distance. A tel point que la relation elle-même a commencé à avoir hoquets et hésitations. Quelque chose allait devoir évoluer. Se sont donc réveillées en moi des envies d'autres partages. Avec Amante, certes, mais pas que. M'est revenu un désir de nouvelles découvertes. C'est encore très subtil, mais c'est là. Et puis la légère brise de solitude qui souffle de temps en temps a accentué cet effet, sans que je sache si c'est une cause ou une conséquence.

 

Je me suis ouvert de cela ici. Je l'ai fait sur une tonalité légèrement différente de ce que j'exprime avec Amante. Forcément puisque, pour ne pas l'inquiéter, je m'abstiens d'évoquer ce qui pourrait aussi la blesser. Le souci que j'ai de son bien-être me rend, c'est normal, vigilant sur ce point.

Mais ici, sur ce blog, où je me sens plus libre d'être moi-même, dans la réflexion qui s'élabore par percolation à travers l'assemblage des mots, il m'est apparu quelque chose de plus précis. Oui, il y avait clairement cette envie d'autres rencontres et d'autres partages. L'écrit affichait ce qui, jusque-là, n'osait pas vraiment se formuler dans mon esprit. C'est là tout l'intérêt de l'écriture introspective : mettre en lumière ce qui reste dans l'ombre.

Le fait que j'écrive en public a aussi, parfois, une autre fonction bien particulière : faire passer des messages. Il est en effet assez évident, j'en prends conscience maintenant, qu'en déclarant un désir de rencontres, je diffusais un message vers qui voudrait bien s'en saisir...

Entre là en jeu toute la part fantasmée de ce monde virtuel : en lançant ma bouteille à la mer jje cherchais à toucher... je ne sais quel idéal féminin. En effet, quand je parle de simplicité, de fluidité, de désir, de partage, je ne fais que décrire une relation idéale. Le piège serait que je croie pouvoir la trouver...

 

C'est dans l'échange téléphonique avec Amante que j'ai finalement parlé de l'aspect fantasmatique de mon dernier billet. La dialectique qui s'établit entre le dialogue réel et celui, si singulier, que j'ai avec vous, lectorat plus ou moins silencieux, est sur ce plan très intéressante : selon les sphères d'échange ce qui me vient à la conscience est d'un registre différent. Dans la discussion avec mon amante sont apparus encore d'autres éléments qui allaient me conduire plus en avant dans la conscience de mes motivations.

Depuis se sont dessinées plus précisément mes attentes refoulées lorsque j'imagine ce que j'ai envie de vivre dans une rencontre avec une femme. Refoulées parce qu'empreintes de certains aspects qu'il m'est difficile d'assumer. Je pense là à ce sur quoi chacun n'a que peu de pouvoir : l'apparence physique, notamment en caractères de juvénilité...

Ce n'est donc pas tant de partager une intimité avec une (des) femme(s) qui me fait envie, mais avec une (des) femme(s) qui me plai(sen)t. Physiquement. L'intellect et l'émotionnel sont essentiels, mais pas suffisants : j'ai envie que le désir puisse s'exprimer. Quelque chose en moi refuse cet injustice arbitraire et en même temps je ne peux que constater ce qui est...

En fait je crains de blesser l'amour-propre des femmes en ne répondant pas à un éventuel excès d'attentes en amour, attention, présence. Une non-réciprocité. Un décalage. Je préfère éviter les situations qui pourraient y conduire. Pas assez égoïste ? Trop soucieux d'autrui ? Trop empathique ?

 

Amante, dans son moment de désarroi, m'a comparé à Robert Redford. Heu... pas pour mon physique mais par référence au mythique film Out of Africa. L'acteur y joue le rôle d'un aventurier épris de liberté, amant aimant, attentif mais occasionnel, qui ne supporterait pas de se sentir enchaîné. En effet je ne peux nier la comparaison...

M'est revenue à l'esprit une scène qui m'a marqué. Celle où Merril Streep, jouant la femme déterminée, amoureuse passionnée mais inquiète, donc possessive, voulant l'homme tout à elle, cherche à l'enchaîner dans l'exclusivité et la présence permanente. En niant le besoin d'autonomie de l'homme elle le fait ainsi s'éloigner, puis le perd. 

Mais je ne suis pas Robert Redford...

 

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