Infiniment vivant
Il y a quelques semaines, alors que je venais d'entendre je ne sais quelle histoire où apparaissaient les banales et pathétiques dérives du sentiment amoureux, je me suis entendu, étonné, grogner à haute voix « j'aime pas l'amour ! ». J'étais seul chez moi, fort heureusement, ce qui m'a dispensé de devoir donner des explications...
Il y a deux jours, alors que je venais d'apprendre qu'un des fils d'une cousine était atteint d'un cancer, l'idée de la mort s'est évidemment invitée dans mon esprit. Un peu surpris de mon acceptation immédiate de cet état de fait, j'ai songé à ce que m'évoque la fatale perspective de nos destins sans issue. Et alors que je pensais « je n'ai pas peur de mourir », m'est venue cette phrase qui m'a intrigué : « de toutes façons, je suis déjà mort ».
J'accorde une certaine importance à ces péremptoires sentences qui, je le sens, sont liées. Jaillies inopinément dans mon esprit, elles m'indiquent quelque chose de moi dont je n'avais pas pleinement conscience.
En ce qui concerne l'amour... finalement je ne suis pas vraiment surpris : j'en suis revenu. Comme on revient transformé d'un voyage en pays rêvé, éclairé par sa réalité crue. Je pourrais dire que je ne crois plus à mes rêves... après y avoir laissé une naïve espérance. En fait ce n'est pas l'amour que je n'aime pas, mais les illusions amoureuses et les angoisses qu'elles trahissent. Je crois que c'est plutôt sain et je me réjouis chaque jour de cette lucidité.
D'un autre côté le renoncement à une certaine forme d'espérance a tué quelque chose en moi. Et c'est en cela que la seconde sentence découle de la première : je suis déjà mort. C'est comme si quelque chose de profond était mort en moi... tout en ayant permis à une nouvelle conscience de naître. Et ce passage symbolique à travers la mort, véritable renaissance, m'aurait, en quelque sorte, prémuni contre l'angoisse mortifère de la fin de toute chose. Je sais désormais que la fin n'est pas la mort, mais un renouveau. Il me semble que cette lucidité me permet de vivre dans la conscience accrue du présent, sans trop me projeter vers les incertitudes de l'avenir. Je ne m'en sens que plus léger, plus apaisé... et finalement plus vivant.
Infiniment vivant.
Nécropole de Tyr (Liban)