(Qu')ai-je envie d'écrire ?
Ai-je envie d'écrire ? Forcément un peu puisque j'aligne les lettres qui constituent ces mots. Et en même temps je dessine avec cette question l'ombre de la non-envie. C'est un peu comme si j'avais envie d'écrire sur ma non-envie d'écrire. D'où la seconde question, imbriquée : qu'ai-je envie d'écrire ?
Je cherche l'amorce, le fil que je pourrais tirer pour dérouler la pelote des idées. Mais ai-je envie de la dérouler ?
En fait ce n'est pas la question de l'écriture qui se pose : c'est celle de l'exposition des idées, des pensées, des ressentis.
(Qu')ai-je envie de décrire ?
(Qu')ai-je envie de raconter ?
(Qu')ai-je envie d'exposer ?
Ai-je encore envie de m'exposer ? A quoi ça sert, cet étalage ? A qui ça sert ? Me vient l'image de ces grands marchés où chaque commerçant cherche à vendre la même banale marchandise que son voisin en donnant à son étal un aspect appetissant. Les apparences, la faconde, la théatralité du camelot retiendront l'attention, génereront de l'affluence et des attroupements, feront la différence.
Et puis une autre image me vient : celle de l'artiste. Et aussi l'artisan, le producteur, l'inventeur. Celui ou celle qui crée. A travers ses produits, ses idées ou son art, c'est lui qu'il expose. Son objectif, sa force, sa vitalité, son originalité, c'est la création. La vendre n'est que le moyen de continuer à pouvoir aller plus loin dans sa recherche expressive. Du moins tant qu'il ne laisse pas pervertir son imagination par le succès...
Entre le créateur et le commerçant le frontière est parfois ténue.
Chercher à plaire, répondre à la demande, c'est renoncer à une part de soi. C'est oublier de devenir en voulant être. Mais comment devenir sans être ? Comment subsister sans (se) vendre, d'une façon ou d'une autre ? A sa façon le commerçant est un artiste.
En cherchant à écrire de façon plaisante, agréable, nouvelle, savoureuse, nourricière, je suis à la fois artiste et commerçant. Je voudrais que mon expression ne soit animée d'aucune motivation mercantile... et en même temps j'ai besoin de me nourrir. C'est dans la satisfaction qui m'est rendue que je trouve la force de continuer.
J'ai besoin de savoir que ce qui émane de moi en nourrit d'autres.
Tes lectrices (au moins 95% de ton lectorat !) te l'on souvent dit qu'elles trouvaient nourriture chez toi ?
As-tu besoin qu'on te le redise ?
Là-dessus.. je retourne ma contemplation des flots....
:-)