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Alter et ego (Carnet)
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25 août 2012

La traversée du labyrinthe

Dans un autre temps de ma vie, avant que je ne m'ouvre à de nouveaux horizons relationnels, j'avais une vision restreinte et confuse de la réalité du monde. Je croyais que mon expérience de vie en couple, menée consciencieusement et en suivant les préceptes qu'on m'avait transmis, m'apportait une connaissance croissante. Avec le temps et l'application je m'améliorerais forcément, tendant ainsi vers l'idéal du couple harmonieux, lui-même censé représenter un summum dans les rapports interpersonnels.

Tout comme les prisonniers dans l'Allégorie de la caverne, je ne me rendais pas compte de l'étroitesse de mon champ de vision, et donc de l'étendue de mon ignorance. La représentation que j'avais du couple n'était qu'une des possibilités. Non seulement il y en avait d'autres, moins traditionnelles, mais il y avait surtout d'autres façons de trouver une harmonie. Sans être en couple ni "en amour". Ces autres possibilités m'intriguaient autant qu'elles me dérangeaient.

La curiosité m'a attiré au dehors et poussé à explorer les alentours de ma caverne. Mes premiers pas hors des repères connus avaient quelque chose d'inquiétant et de fascinant à la fois. Je découvrais une autre réalité, déstabilisante mais par cela intéressante. Il semblait exister des façons d'être équilibré et heureux autrement, c'est à dire en laissant tomber mes idées préconçues. C'est ainsi que je me suis trouvé confronté à différents mythes fondateurs, dont le plus difficile à démanteler aura été celui de l'exclusivité affective et, plus encore, sexuelle. Cette croyance insensée que l'autre nous appartiendrait ou nous devrait quelque chose, ce désir de possession, sont des illusions d'autant plus tenaces qu'elles sont largement répandues.

Une telle croyance conduit a la plus grande des craintes : celle d'être renvoyé à notre solitude intrinsèque. Crainte perpétuelle qui ne tombera qu'avec son accomplissement : tôt ou tard l'autre nous échappera. Ne serait-ce que par la mort.

Il m'a donc fallu sonder ce gouffre : je ne maîtrise pas le temps. Je ne peux l'arrêter, ni le ralentir, ni l'accélérer. Imperturbable le temps avance et m'emporte avec lui. Autrement dit : je suis embarqué avec le temps. Je fais corps avec lui. Il est en moi. Si j'accepte cette réalité je ne peux que me situer dans un présent en mouvement perpétuel. Et le temps fait évoluer les choses, constamment. Rien n'est immuable. Rien n'est définitivement figé.

Puisque je ne maîtrise ni l'autre ni l'écoulement du temps, il ne reste que moi et mon présent comme moyens d'action. Indépendamment des autres et de leur présent qui, naviguant dans leur monde en parallèle du mien, évoluent à leur rythme. Ces différents mondes se croisent, interfèrent, se heurtent, s'allient, s'opposent, s'interpénètrent... sans jamais se confondre. Ils sont perpétuellement autonomes, et seulement temporairement interdépendants.

Le mythe du couple durable, auquel je croyais naïvement autrefois, s'est effondré face à cette prise de conscience. Dès lors n'existent plus que des alliances temporaires, sans aucune certitude de durabilité. Toute l'importance du temps présent réside dans cette conscience : rien n'est acquis. Sauf que toute chose a une fin...

Voila ce que j'ai compris en me frottant au réel, hors des illusions trompeuses et faussement rassurantes de la caverne conjugale. 

Fort de ce parcours de lucidité, c'est non seulement l'idée de couple durable qui n'a plus de sens à mes yeux, ni même d'attrait, mais c'est le goût de la découverte et de l'exploration qui m'ont été révélés. D'où mon attrait pour la rencontre. Un présent qui, éventuellement, peut se prolonger.

L'objectif d'une relation durable ne m'attire plus. Si je peux constater qu'une rencontre se prolonge, devient relation qui dure, je m'en réjouis mais ne saurais l'envisager comme un objectif en soi. Tout au plus un désir. Un souhait...

Il m'a fallu une bonne douzaine d'années de remise en question, avec pas mal de tâtonnements, d'hésitations, d'erreurs, de déconvenues, d'impasses, mais aussi de joies et d'émerveillements, pour m'affranchir des entraves mentales les plus pénalisantes. A cet instant je pense avec gratitude à chacune des rencontres, parfois brèves relations mais dont certaines durent encore, qui m'ont permis d'avancer sur ce chemin labyrinthique, sortir de ma caverne et m'ouvrir au monde.

Je peux désormais vivre pleinement une rencontre sans lui envisager d'avenir. Librement. En libraimant...

 

Commentaires
P
Lukéria, le regard que je porte sur le couple est effectivement peu enthousiaste :/<br /> <br /> <br /> <br /> Mettons ça sur le compte de quelques profondes désillusions, pas encore complètement dépassées. Mon intention n'est pas de dénigrer l'alliance merveilleuse entre deux être, temporaire ou de longue durée, dont je sais à quel point elle peut apporter du bonheur et de l'épanouissement. C'est seulement l'expression de mon ressenti du moment...<br /> <br /> <br /> <br /> Fondamentalement je suis entièrement d'accord avec ce que tu dis... mais je n'avais pas saisi, auparavant, qu'il ne fallait surtout pas *croire* que ça durerait forcément. C'est là que se situait mon erreur. Et depuis, pour ne plus y croire, je chemine à travers les vestiges de mes représentations erronées, les déconstruisant pour les reconstruire autrement. Mon refus actuel du couple n'a d'égal que l'adhésion qui était mienne autrefois :)<br /> <br /> <br /> <br /> Un jour, peut-être, je serai prêt à m'y rouvrir sans crainte.
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L
... mais la vie de couple , bien loin d'être une caverne, est faite aussi d'une succession de parenthèses enchantées, qui lui donne beaucoup de lumière. Mais il est vrai que ça dépend du regard que l'on porte sur l'autre, de la façon d'aimer et de vivre l'amour. Si je me sens en plénitude avec l'autre, si je rayonne, pourquoi regretter tout ce que j'aurais pu vivre avec un autre ? Pour moi, c'est d'autant plus vrai que j'ai eu un certain nombre de rencontres et d'amants. Je dirais aujourd'hui que j'ai passé des moments agréables avec eux, mais sans commune mesure avec ce que je peux connaître aujourd'hui.<br /> <br /> <br /> <br /> C'est à nous d'enchanter la relation ! Et de savoir vivre des moments hors du temps, quand on touche à l'infini dans des moments privilégiés à deux, loin, bien loin des illusions, et je dirais que c'est encore plus évident pour moi dans une relation de longue durée, et que l'on ressent en soi l'amour et la joie, avec ce désir de les partager avec l'autre. <br /> <br /> <br /> <br /> Alors, je trouve ta vision du couple un peu pessimiste. Je ne le ressens pas comme un enfermement, loin de là, mais comme une merveilleuse source de découverte et d'épanouissement à deux.
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P
Ah ben oui, quand les questions ne se posent pas, c'est plus simple :)<br /> <br /> <br /> <br /> Comme dirait l'autre : "c'est plus simple quand c'est pas compliqué"...
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K
trop compliqué tout ça... l'essentiel est de trouver la bonne personne :)<br /> <br /> <br /> <br /> - j'aime cette personne parce que je la trouve belle <br /> <br /> - non, je la trouve belle parce que je l'aime ...<br /> <br /> <br /> <br /> autre question intéressante :)
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P
> K., la question de l'engagement associé à l'amour est intéressante, oui. Pour amorcer un début de réponse on peut constater que l'idée de l'engagement déclencheur d'amour correspond à un modèle "historique" (traditionnel), alors que l'idée inverse est beaucoup plus récente (avènement de l'individualisme). Reste à savoir si cette évolution représente plutôt une avancée, un recul... ou une transition.<br /> <br /> <br /> <br /> > Errance, l'idée du renouvellement constant me plaît :) Une sorte d'engagement, non pas à durer pour durer, mais à continuer l'aventure commune.<br /> <br /> <br /> <br /> > Nat... j'aime bien ton histoire :)<br /> <br /> Pour ma part je me suis "engagé" d'abord seul avec celle que j'aimais. C'était une évidence pour moi... moins pour elle, qui avait peur d'un tel engagement. Peut-être s'est-elle sentie un peu "forcée" ? Elle aurait préféré quelque chose de moins formalisé que le mariage, je crois...<br /> <br /> <br /> <br /> Bien plus tard, dans une autre histoire forte, je me suis de nouveau "engagé" abusivement. Une erreur lourde de conséquences dont j'ai tiré des enseignements et remis en question toute mon approche affective.<br /> <br /> <br /> <br /> Tu as raison, le lien qui s'est tissé dans une relation aimante ne disparaît pas. Et effectivement c'est au delà de l'engagement moral. Disons que pour moi les deux se sont ajoutés :)<br /> <br /> <br /> <br /> Et comme je ne veux plus m'engager trop loin sur ce plan moral... j'en suis arrivé à cette forme de relation "sans engagement" (ce qui est faux puisque je m'engage quand-même, mais en précisant mes limites).
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N
J'oubliais de préciser concernant l'éducation.<br /> <br /> J'ai été très peu éduqué par mes parents. Mon père était paumé et ma mère totalement effacée. Ceci explique peut-être cela... Lorsqu'il voulait enjoindre un truc, c'était à coups de pied au cul (du 46, ail!), alors j'ai très vite compris, je crois, la relativité des règles. Cela pourrait faire de moi un bon juriste :)))
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N
Merci de me répondre si longuement et avec autant de nuance.<br /> <br /> <br /> <br /> Nous sommes des êtres qui se réfléchissent les uns dans les autres et qui sont, dans le même mouvement, instinctivement et profondément libres et indépendants. Moi aussi, je me nourris de ce que je lis. J'ai adoré les écrivains de la Nature américaine, Thoreau, Kerouac, etc. J'ai beaucoup aimé lire Eric Baret, dont tu as cité des textes ici, Prajnanpad, le gourou de Desjardins, et puis aujourd'hui des auteurs tantriques du Moyen-Age. La lecture fait évoluer, dévoile ce qui est là.<br /> <br /> <br /> <br /> Nous n'avons pas choisi de rester ensemble. C'était étrange. Nous nous sommes vus à travers un amphithéâtre où six cents étudiants de 1ère année jacassaient. Nous nous sommes aimés immédiatement. Nous nous sommes engagés immédiatement. Il s'agissait d'un engagement en un sens un peu particulier, qui ne fige rien, qui ne lie pas, ou très peu, tout juste ce sentiment délicieux d'appartenir un peu au coeur de l'autre. Ce fil que l'on sent si fort lorsque les choses se déroulent dans l'évidence... C'était sûrement un peu névrotique et immature aussi, mais je m'en fous. C'était bon!! :))<br /> <br /> <br /> <br /> Et entre 19 et 33 ans, il se passe des choses... les existences peuvent se séparer, comme les corps avec la mort, mais pas l'amour. C'est impossible. C'est sûrement proche de ce que tu évoques à propos de ce qui vous relie encore, ton ex et toi. Est-ce vraiment moral? Je ne sais pas :)))
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E
Nous en avions un peu parlé de la durée d'une relation qui se constate dans le temps. Je ne connais pas "l'objectif" de faire durer mais le désir de renouveler la rencontre et si l'autre a ce même désir, c'est super! Et elle peut évoluer en une relation plus "engagée" voire une vie commune si les deux le désirent, sans pour autant qu'elle donne le sentiment de dépendance/appartenance.
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K
"La possibilité de se désengager ôte tout sens à l'idée d'engagement" : effectivement...<br /> <br /> aimer parce qu'on s'engage ou s'engager parce qu'on aime ?..... bonne question ça ? non ?...<br /> <br /> (vu de ma fenêtre elle m'interpelle en tout cas)<br /> <br /> <br /> <br /> :D<br /> <br /> <br /> <br /> bonne journée :)
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P
> Nat, ce que je lis influe nécessairement sur mes pensées, donc sur mes écrits... mais s'il est certain que je me nourris des concepts élaborés par d'autres, je crois que c'est avant tout parce que je trouve dans ces lectures une résonance avec ce qui est déjà en moi. Les mots des autres m'aident alors à trouver les miens :)<br /> <br /> <br /> <br /> C'est ainsi que se propage la pensée...<br /> <br /> <br /> <br /> Tu parles de ton couple "durable et exclusif", tout en disant que « ce n'était pas par éducation ». Et là je me demande : sait-on vraiment d'où nous viennent nos comportements ? Quelle est la part de l'éducation dans ce que nous considérons comme venant de nous-même ?<br /> <br /> <br /> <br /> Je me pose la question sur ce point parce que, contrairement à ce que je décris, tu étais dans une notion de liberté ("libres de partir"). Vous avez cependant choisi de rester ensemble pendant 14 ans. Qu'est-ce qui différencie donc mon approche (engagement par éducation) de la tienne (engagement "libre") ? Je ne saurais le dire en ce qui concerne le fonctionnement, puisque ce que tu décris, à cette différence près, me semble très proche de ce que j'ai vécu avec la femme que j'avais épousée. Par contre la grande différence apparaît, il me semble, dans ma difficulté à dépasser mon "désengagement". Et là c'est assez subtil à décrire puisque je considère être resté engagé... tout en m'étant partiellement désengagé (sur la question de l'exclusivité). C'est donc sur un plan *moral* que je me situe, et là l'imprégnation éducative me semble avoir été extrêmement forte.<br /> <br /> <br /> <br /> J'aime bien ce que tu dis là : « Nos êtres avaient simplement besoin de se déployer vers d'autres horizons : un nouveau couple pour elle, une forme d’ascèse pour moi. »<br /> <br /> <br /> <br /> D'une certaine façon je me situe aussi dans une forme d'ascèse, sans doute différente de la tienne puisque j'ai opté pour la non-appartenance. Ce que j'appelle "liberté relationnelle". Et s'il m'est agréable (réconfortant, rassurant, bienfaisant) de me savoir compter pour d'autres (au pluriel), je ne veux plus me sentir "dépendre" de cet intérêt manifesté à mon égard. C'est pourquoi je refuse toute idée d'appartenance... bien qu'évidemment je comprenne ce que ça peut avoir d'important. Je crois donc percevoir ce que tu évoques : la possession légère interroge le sentiment de solitude et de liberté. Oui, tout cela est assez subtil :)<br /> <br /> <br /> <br /> Que la libraimance n'attire pas, ça aussi je le comprends. Elle me plaît parce que je suis dans un fort besoin de liberté, mais c'est bien sûr lié à la situation personnelle que j'ai décrite.<br /> <br /> <br /> <br /> Merci Nat, de ce dont tu as témoigné<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> > Charlotte, tu as raison de préciser que l'objectif de durer (coûte que coûte ?) n'est pas très exaltant :) Quand j'en parle c'est EVIDEMMENT en partant d'une base amoureuse. Quoique... je lisais (encore chez A. Desjardins) que pour certains l'amour venait à compter de l'engagement. Que c'est parce qu'il y avait engagement exclusif que l'amour pour l'autre venait.<br /> <br /> <br /> <br /> Mais dans mon esprit l'engagement est postérieur à l'amour, qui est sa condition première. Et là tu as raison de souligner que "l'amour" (l'état amoureux) est, au départ, désir...<br /> <br /> <br /> <br /> Là encore, si je parle autant et depuis aussi longtemps de l'amour, de l'engagement, du désir, des relations, c'est bien parce que la vie m'a amené à remettre en question PARTIELLEMENT ces idées-fortes. Si j'avais totalement changé de point de vue je n'aurais pas eu à faire ce méticuleux travail de décorticage.<br /> <br /> <br /> <br /> Fondamentalement je reste un homme d'engagements "irrévocables"... c'est pourquoi j'ai besoin de savoir précisément à quoi je m'engage. Je préfère ne pas m'engager plutôt que d'avoir à me désengager. C'est une question de respect d'autrui. La possibilité de se désengager ôte tout sens à l'idée d'engagement.<br /> <br /> <br /> <br /> Pour la phrase du petit Prince, si j'avais été St Exupéry, j'aurais écrit « le temps que tu as *consacré* à ta rose » (ou *donné*), parce que ce n'est jamais du temps "perdu" que de le donner :)<br /> <br /> <br /> <br /> Pour situer ma notion de l'engagement je citerai cette phrase, qui se situe dans le même chapitre : « Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé ».
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