Encouragé par le zéphyr de rébellion qui souffle sur ce blog actuellement et d'humeur plutôt guillerette, j'en profite pour aborder LE thème qui dérange et intéresse à la fois. Je veux parler bien sûr de la... liberté [beuh ? ça dérange personne ça !]... de vivre [hein ?]... des relations [quoi ?]... affectueuses [ben ça non plus ça dérange personne !]... éventuellement sexualisées [Aaaarg ! Alerte ! Vade retro ! Sortez les crucifix et les gousses d'ail l'eau bénite].
Oui, bon, j'm'amuse... mais sérieusement [ce que je sais le mieux faire, on est bien d'accord], je voudrais vous exposer un cas intéressant concernant les coulisses de ce que j'appelle la Libraimance [ceux que ça n'intéresse pas peuvent revenir pour le prochain billet].
Je ne redéveloppe pas le principe, moult fois abordé (vous pourrez en retrouver des échantillons ici ou là, ou encore là, sans oublier les nombreux commentaires et précisions qui ont suivi), mais je rappelle quand même aux néophytes qu'il ne saurait être réduit à une Librebaisance [ça Coumarine, je l'ai encore en travers de la gorge]. Certes la liberté de "baiser" [rhôôô !] en fait partie [c'est une liberté comme une autre], mais c'est surtout la dimension aimante qui fait l'intérêt de la chose. La sexualité n'étant qu'une conséquence de l'aimance. C'est quoi l'aimance ? Un terme [inventé par une adepte] pour chercher à sortir du carcan imposé par certains mots à fort pouvoir cloisonnant. C'est une contraction de aimer, amant, aimant. Aimer n'étant pas à entendre au sens amoureux (eros), mais au sens d'affection, d'amitié (philia), voire, dans le meilleur des cas, de ce qu'on pourrait définir comme "amour universel", c'est à dire amour d'humanité [mais vous pouvez mettre un autre terme si ça vous convient mieux].
Bref : la libraimance c'est une façon d'abolir les limites qui, pour de complexes raisons qu'il serait trop long de développer ici, ont été fixées entre amour et amitié. Le premier terme autorise le désir [voire le légitime], le second est censé l'exclure. Autant vous dire tout de suite que cette tentative abolitioniste en dérange plus d'un !
Or il se trouve que, suite à un loooong parcours d'émancipation et de conscientisation, j'ai fait mien ce mode relationnel. Jadis marié sous le régime de l'exclusivité - abusivement nommé "fidélité" - j'ai choisi de le quitter après plus de vingt ans de bons [?] et loyaux services. J'ai donc quelque idée de ce qu'est le couple monogame au long cours [je répète ça au cas où il y en a qui prendraient ce blog en cours, donc sans connaître ses origines]. Je précise aussi que je me sentais heureux dans ce couple... jusqu'à ce que l'exclusivité exigée ne mette en évidence les limites de ma liberté de découverte et d'épanouissement.
Depuis euh... [attendez, je compte...] exactement huit ans je vis en solo. Par obligation au début, par choix délibéré ensuite. Sans compter le temps qu'il m'a fallu pour me reconstruire après les avaries d'un double éloignement-abandon, je peux dire que je pratique la Libraimance depuis environ cinq ans. Il y a un peu plus de quatre ans j'ai même vécu simultanément trois *relations* [terme vague, que j'abandonne aujourd'hui pour celui de *rencontre*] durant quelques mois... et j'ai compris que c'était assez compliqué quand il y avait en face des attentes insuffisamment précisées. Cela m'a permis de mieux définir mes besoins et d'apprendre à les exprimer dès les premières étapes d'une rencontre, avant même de savoir si elle entrerait dans le champ du désir sexuel [avec le risque de voir se fermer illico d'éventuelles possibilités de rapprochement].
Une seule des trois relations susmentionnées a continué à se vivre dans une relative proximité géographique et à une fréquence de contact un peu soutenue. Des deux autres l'une s'est éteinte, pour cause d'incompatibilités dans les besoins, et la dernière... s'est récemment ravivée pour mon plus grand plaisir :)
Dans ces années de Libraimance j'ai aussi fait plusieurs *rencontres*, dont certaines ont donné lieu à divers partage intimes, pas forcément tous sexualisés, ou pas systématiquement. Car la Libraimance n'implique pas qu'il y ait sexualité : elle n'est qu'une des dimensions du partage.
La Libraimance, que d'autres appelleraient, à quelques notables subtilités près, polyfidélité ou polyamour, est avant tout pour moi une forme d'amitié confiante. C'est à dire qu'elle laisse l'autre libre de faire des rencontres sans que ça remette tout en question. Ce n'est pas de l'amour au sens amoureux mais quelque chose qui y ressemble... sans avoir cet insupportable "besoin" de l'autre qui engendre dépendance et inquiétude [ouais, je connais, je suis passé par là...]. La Libraimance demande donc une solide structuration affective préalable... ou oblige à l'acquérir [je suis aussi passé par là...]. Elle n'est évidemment pas la panacée et il se peut qu'elle n'attire qu'une faible proportion d'entre nous. Mais bon, cette proportion existe et s'autorise à sortir des schémas classiques, c'est à dire l'exclusivité plus ou moins feinte et plus ou moins durable.
« Choisis un maître, peu importe lequel, et obéis longtemps. Sinon, tu périras et tu perdras toute estime de toi-même ». Cette citation de Friedrich Nietzsche, que j'ai découverte par deux sources distinctes cette semaine, pourrait résumer assez bien mon choix de Libraimance. Mon "maître", éveillé par une aimable muse, a été une aspiration à la liberté tout en restant cohérent avec ce que je suis. C'est à dire respectueux d'autrui [autant que j'en ai conscience] en étant sincère et honnête. Pas question de tromper l'autre en abusant de la confiance qui m'est accordée. Dès lors je ne pouvais qu'agir ouvertement. C'est ce qui m'a conduit à opter pour la liberté... quitte à en payer le prix. En premier lieu j'ai du me résoudre à laisser partir celle que j'avais épousée.
Aujourd'hui, et c'est là où je voulais en venir, je me trouve confronté à une situation similaire, bien que les enjeux soient totalement différents : celle dont je suis l'amant régulier, avec qui une relation forte s'est développée depuis cinq ans, a beaucoup de difficultés à accepter l'idée que je puisse rencontrer d'autres femmes. Jusque-là, malgré sa crainte à l'égard de mes idées, Amante avait été épargnée puisque j'avais préféré rester dans cette seule relation avec elle [le temps de clarifier mes choix]. Mais les années ont passé, une sorte de palier dans le rapprochement à été atteint. Je me suis vu dans un certain immobilisme relationnel et mes envie de rencontres ont commencé à émerger... ici même.
Cet "appel à la rencontre", dont j'avais à peine conscience, a été "entendu" [hé hé] par une lectrice qui partage mes idées. La suite, vous la connaissez si vous avez lu les chapitres précédents...
Contrairement à ce qu'elle m'avait affirmé, Amante (alias Artémis...) ne m'a pas quitté sur le champ [je m'en doutais un peu...]. Bien qu'elle soit très fortement affectée par cette intrusion dans ce qu'elle considérait comme "sa" place dans ma vie, ma maison, mon lit, elle est entrée dans une réflexion approfondie et cela à ouvert un nouveau champ de dialogue. Bizarrement, en nous poussant à aller plus loin dans la compréhension l'un de l'autre, cela nous à "rapprochés" affectivement et mentalement [je suis très sensible aux personnes qui osent se chercher et se dire en vérité].
Inutile de vous dire que lorsque, répondant à sa demande expresse de sincérité-confiance, je l'ai informée du passage d'une autre de mes amies moins d'un mois plus tard, il y a eu des remous...
Actuellement, cherchant à s'affranchir de ses limites, Artémis se trouve confrontée à ses représentations. Elle fait preuve d'un courage que j'admire et prend à bras le corps sa difficulté, tout en essayant de trouver en elle ses propres forces. Elle a été atteinte de plein fouet dans son auto-estime. Je sais à peu près ce qu'il en est quand on ne sait plus si l'autre nous accorde encore une place dans son affectif et dans sa vie. C'est un très difficile travail auquel elle est confrontée, auquel j'apporte autant que possible mon assistance. Car une des deux seules personne sur qui elle puisse compter, à part elle-même, c'est... moi. Il semble que j'ai un pouvoir apaisant, rassurant, grâce à l'écoute que je lui accorde et les réponses que je lui apporte. Me voila donc, de nouveau, dans la délicate position du "bourreau-malgré-lui" et du sauveur [aaah, mon côté sauveur...].
C'est dans ces situations que ma "force tranquille", solidifiée pendant mes années de solitude post-rupture, montre tous ses avantages. Elle me permet de rester présent et attentif... tout en restant relié à mes propres ressentis [c'est indispensable].
Une interprétation hâtive conduira peut-être certains à tenter de juger mon attitude, la qualifiant de perverse [ouais, on m'a déjà dit ça ici...]. Je crois, moi, tout au contraire, qu'elle est "aimante" et responsable. En restant attentif et présent, à l'écoute, je permets à Artémis de s'exprimer longuement et de voir émerger en elle ce qui se bloque. Mon écoute active, notre franchise mutuelle, sa volonté d'agir, lui permettent de se libérer et d'avancer. Et tant pis si au terme de son avancée elle choisit de m'exclure de sa vie : j'aurais fait ce qui me semblait le mieux, j'aurais été cohérent avec ma vision d'une relation de confiance [ouais, je suis vachement fort finalement...].
Il y a quelques jours Artémis m'a demandé de lui laisser du temps et donc de ne pas rencontrer d'autres femmes « pendant quelques temps », parce qu'elle « ne le supporterait pas ». Je me suis derechef trouvé face à un dilemme, qui m'a un peu tracassé : soit je répondais à sa demande, assez légitime en ces circonstances, mais alors je reniais (temporairement) le principe de Libraimance auquel je suis parvenu après une décennie de travail personnel; soit je refusais d'y répondre et la relation pourrait bien ne pas y survivre [sans parler des conséquences sur Artémis, seule avec ses difficultés...]. En d'autres termes, devais-je faire preuve d'altruisme en privilégiant sa demande, ou rester centré sur moi en restant fidèle à mes principes ? Je sais par expérience que le "sacrifice" n'est pas une bonne chose et il n'était pas question que j'aille en ce sens. Mais était-il judicieux que je le fasse quand même temporairement ? D'un autre côté allais-je être "aidant" en reportant à plus tard la confrontation à la réalité de la Libraimance ? N'était-ce pas reculer l'échéance fatale ? En même temps je pouvais bien comprendre le besoin de temps nécessaire à l'acceptation...
J'en étais là de mes interrogations quand, le lendemain, j'ai trouvé dans ma boite mail... pas moins de trois propositions de rencontres de lectrices à plus ou moins brève échéance ! Madre mia ! Je ne vais pas pouvoir tergiverser longtemps...
Je me retrouve donc, huit ans plus tard, à devoir choisir de nouveau entre une relation et un mode de vie... sans aucune envie de faire la moindre marche arrière. Mais être exclusif pendant quelques temps, serait un geste aimant. Un geste d'ami... au détriment d'autres amitiés... [mouais, le genre de choix qui me met forcément en porte-à-faux...].
Bon je n'ai pas besoin de conseils... mais je veux bien des avis, impressions et autres intuitions. Ça pourrait m'aider à me déterminer :)
Merci de votre bienveillance... sans complaisance.
Et s'il devait y avoir des commentaires désobligeants, j'aurais sans doute la désobligeance de n'y point répondre ;)
Ps : j'ai partiellement dérogé à la règle que je me suis fixée de ne pas aborder des affaires privées ici. Je crois que le sujet l'autorisait parce qu'il met en relief une des limites de la liberté relationelle.
Juste une remarque...
Je suis étonnée du fait que tu mettes une MAJUSCULE au mot Libraimance