Depuis les débuts de son expansion la nébuleuse des blogs est en constant renouvellement. Naissances et morts se succèdent à l'infini. Par une implacable logique mathématique, qui n'est pas sans rappeler notre destin de mortels, chaque disparition réduit donc le nombre des vétérans de l'écriture en ligne. Ils sont rares ceux qui existent depuis huit ou dix ans, voire davantage...
Venant moi-même des confins de cette galaxie je garde une fidélité toute particulière envers ceux qui luisent encore, que je lis parfois depuis l'origine et qui me lisent depuis tout autant. Ils sont comme des témoins et des repères, des vigiles du temps qui passe en effaçant les traces. Ils sont comme un ancrage dans le voisinage blogosphérique, au sein d'un univers d'expression sans doute déjà archaïque par rapport à de nouvelles formes de socialisation, plus immédiates encore. Instantanées et éphémères... sans traces.
Mais le temps, le rapport au temps, il en est forcément question quand l'écriture dure. Ne serait-ce que parce que les traces sont là, inscrites en soi; entretenant une mémoire qui, s'écrivant, s'interroge sur l'avenir : jusqu'à quand ?
Deux blogueurs de longue pratique ont fait, coup sur coup, mention d'un passé révolu en s'en souvenant comme d'une période faste. Bernard, après avoir rouvert un blog, semble ainsi regretter de n'avoir pas « retrouvé la complète motivation donc le plaisir d’écrire [qu'il a] pu ressentir aux meilleurs moments de [son] expérience de blogueur ». Quant à Coumarine, elle écrit : « en plongeant dans le blog que je n'ai pas supprimé, j'ai éprouvé une vraie nostalgie, c'était un temps fort d'amitié, de créativité... ».
À les lire, on pourrait se demander si ce n'était pas mieux avant. Pourtant je ne crois pas que ces deux-là soient adeptes de ce genre de formule... Alors quoi ? Qu'est-ce qui peut susciter de telles pensées vers le passé ? J'ai moi-même longtemps traîné une nostalgie similaire, un peu dépité d'avoir vu s'éteindre ce que je considérais comme un "âge d'or" de l'écriture de soi en ligne. Je me souvenais d'enthousiasmes partagés, d'échanges joyeux, de dialogues fructueux, d'écritures collectives, d'une vitalité réjouissante. Mais, outre le fait que ma mémoire est sélective, n'était-ce pas un ressenti éminemment subjectif ? Une simple conjonction d'enthousiasmes simultanés autour de rencontres favorables ? Je suis certain qu'aujourd'hui, dans la vaste blogosphère dans laquelle je butine, se vivent des expériences personnelles proches de celles que je percevais autrefois comme enthousiasmantes...
Autrement dit, rien d'autre n'aurait changé que le regard que je porte sur une situation.
N'est-ce pas le propre de ce qui ne se renouvelle pas suffisamment ? L'habitude... avec le risque d'aller vers une routine monotone...
Alors comment être dans une continuité et en même temps se renouveler ? Se régénérer ? Comment rester enthousiaste ?
Je perçois au moins une réponse, qui a fait ses preuves : partir à la découverte, lorsque l'envie s'en fait sentir. Essayer l'inconnu, le moment venu. Explorer, sans précipitation. À la rencontre de ce que je peux être, ailleurs et autrement, différemment.
Quant aux rencontres que j'ai faites par mon blog, je m'en réjouis car elles ont fait naître des amitiés profondes qui se sont maintenant inscrites dans ma vie réelle. De ce fait, je ne regrette pas tellement que mes ami-e-s de blog aient cessé d'écrire puisque je les vois, leur téléphone, passe mes vacances avec elles...
Evidemment, il y a celles et ceux qui n'écrivent plus et que l'on a perdu de vue, mais cela ne m'attriste pas plus que les gens que l'on perd de vue à la suite de déménagement, ou quand les vacances sont finies...