Bonjour à vous, chers amis de blog.
Hmmm... non...
Bonjour à toi !
Tu as certainement remarqué que j'ai été "absent" depuis presque un mois et je pourrais te dire que c'est parce que je me suis fortement investi dans mon travail. C'est une excellente raison, certes, mais elle est insuffisante à elle seule. En effet, bien que rentrant souvent fort tard chez moi, j'aurais pu écrire... si j'en avais ressenti l'envie ou la nécessité. Or cela ne s'est pas produit.
Oh j'ai bien pensé à toi, qui me fais le plaisir de me lire régulièrement et que j'ai laissé dans le silence, mais je me suis dit que le vaste monde des blogs saurait combler ton appétit. Je n'oublie cependant pas ce que toi, ou d'autres, m'ont occasionnellement signifié : mes mots ont une importance. Tout comme tes mots et ta "présence" ont de l'importance pour moi. Entre nos mots échangés s'est tissé un lien subtil, impalpable mais bien réel. Pourtant, cette fois, je me suis durablement tenu à l'écart. Je me suis déconnecté d'une forme de socialisation immatérielle qui m'est apparue comme... trompeuse. Ça ne provient pas tant de ce qui se passe entre nous deux que du regard que je porte sur mes homologues blogueurs. Car moi aussi je suis lecteur ! Blogueur-lecteur.
Figure-toi que... je m'ennuie de plus en plus à errer de blog en blog, en quête de je-ne-sais-quoi que je trouve de moins en moins. Or une bonne part de ma motivation à écrire était soutenue, depuis fort longtemps, par un sentiment d'appartenance à une sorte de "communauté" d'écrivants intimistes qui, de mutations en recompositions, semblait se régénérer perpétuellement. Aujourd'hui le noyau au sein duquel je m'étais intégré, à force de se désagréger-recomposer sans cesse, n'a pratiquement plus rien d'originel. Au point que je ne m'y reconnais plus. Je me sens presque étranger dans ce qu'est devenu l'expression extime. Et quoique je continue à lire quelques personnes dont les réflexions, émotions, mots, images, me touchent ou me séduisent encore, mon intérêt pour le monde des blogs egocentrés ne cesse de s'amenuiser. Je n'y trouve plus vraiment d'attrait, ni d'originalité. Même les découvertes que je fais, parfois intéressantes, ne réussissent pas à susciter l'envie d'y revenir assidument.
Après tant d'années d'implication serais-je, à mon tour, atteint par la lassitude ?
J'ai l'impression [forcément partiale, je te l'accorde], que tout finit par se ressembler. C'est sans doute injuste mais il me semble que ce qui avait fait la singularité de l'expression intime personnelle s'est totalement dilué dans l'émergence envahissante des "réseaux sociaux", aux contenus aussi instantanés et brefs que superficiels. J'admet que j'en parle sans savoir puisque je n'en connais pas grand chose. Il se peut que mes impressions soient purement fantasmées et que mon désintérêt ait d'autres origines...
Quoi qu'il en soit, force est de constater que depuis plusieurs mois mes interventions s'espacent. Et, je te l'avoue, il ne m'a pas été simple de sortir de mon silence pour "revenir" m'exprimer ici aujourd'hui...
Ici, absence, revenir... drôles de termes alors que, physiquement, matériellement, rien n'a changé : "ici" est le lieu-lien où nous nous retrouvons et il est situé tout autant dans l'abstraction qu'auparavant. C'est seulement ma perception qui change. Il se peut aussi que mon rapport au lien joue quelque rôle dans l'éloignement que je constate : dans ma vie j'évolue vers un détachement croissant. Je ne veux plus attendre quelque chose de quiconque en échange de ce que je propose et, pour cela, ne me sens plus redevable de mots stimulant un éventuel partage. Solitaire et autonome, plus que jamais.
Tu sais que je n'ai pas cessé de me poser des questions sur ce drôle de rapport de convivialité que j'entretiens avec toi. Avec toi et ces autres qui, comme toi, suivent mes interventions et parfois les enrichissent ou les commentent. Longtemps j'ai eu besoin de sentir cette interaction, tout en mesurant combien elle peut entretenir une dépendance. Ces "commentaires" s'ajoutant à la fin de mes billets m'ont souvent mis face à des sentiments ambivalents : bien qu'ils me nourrissent et entretiennent le système de l'échange... ils peuvent aussi m'embarrasser.
C'est un peu compliqué cette affaire...
Un peu délicat à aborder aussi...
Raison de plus pour que je t'en parle ;)
Ce que j'aime bien venant de ta part ce sont tes témoignages, le partage d'expérience, l'offrande grâcieuse de tes ressentis et émotions, l'expression de tes opinions. Fondamentalement j'écris pour échanger ces points de vue avec toi, mais aussi pour contribuer [infinitésimalement] à changer le monde... en commençant par moi. Ta différence m'intéresse donc grandement ! Je publie mes réflexions pour susciter tes réactions. Bien sûr tu es libre de passer me lire dans le plus parfait mutisme... Il faut cependant garder à l'esprit que si personne ne s'exprime je risque de ne pas me sentir "nourri" en retour. Cela dit cet éventuel silence aurait un impact, assurément, mais qui ne serait pas nécessairement à redouter. Va savoir si, me laissant "seul" face à ton silence, donc face à moi-même, il n'y aurait pas des effets libérateurs à attendre. J'ai connu cela autrefois...
Écrire pour soi ou pour échanger ? Entre l'introspection solitaire et le partage en public, je crois qu'il me faut choisir. En un même lieu ils cohabitent mal. En tout cas moi je ne sais pas bien les faire cohabiter. Je supporte mal les jugements sur mes choix de vie et convictions : ça me fait taire. J'apprécie que s'expriment des opinions différentes, mais me vois atteint par les tentatives de disqualification. J'aime la confrontation d'idées, pas les combats d'egos où se blessent des narcissismes vulnérables.
En fait, je vais te faire une confidence : je crois qu'il y a quelque chose que je n'aime pas dans l'expression de l'ego... Je n'aime pas le fait de se servir de ses déboires pour attirer la compassion. Se complaire dans la complainte, je déteste ça.
Sans doute est-ce parce que j'en ai usé et abusé, autrefois. Ça m'a longtemps été nécessaire. Une façon d'exister, de sentir mes contours pour mieux les tracer. Avec le recul, au fil des ans, le portrait esquissé m'a parfois fait honte. J'ai compris qu'il fallait le retoucher. Effacer les traces d'ego, ôter le superflu pour aller vers l'essentiel : cette essence de l'être que certains appellent "Soi". Je ne sais pas quelle en est ta conception mais pour moi l'ego est une survivance puérile, liée à la crainte et la souffrance, tandis que le Soi correspond à un dépassement qui s'ouvre à l'universel. Discernant parfois mal l'un de l'autre dans mon "itinéraire d'une ouverture à soi et vers autrui" je me suis souvent laissé leurrer par les manifestations anxieuses de mon ego. Avide de réactions positives j'ai cherché à les susciter. Aujourd'hui j'estime que c'était pitoyable. Si le principe du blog est de donner la parole aux lecteurs, la contrepartie est d'être vigilant pour rester authentiquement soi...
Je considère qu'il y avait une certaine audace dans le dévoilement intime tel que je le pratiquais à l'origine, sans interaction directe avec les lecteurs d'alors [dont tu fais peut-être partie], mais le passage au mode "blog commentable" en a largement modifié la dynamique. L'affichage des commentaires, qui est tout à fait favorable en tant qu'outil d'échange, peut vite devenir une vitrine de satisfecits et de salutations dont l'intérêt est très relatif. Je ne me suis jamais senti à l'aise là-dedans. Il me semble que rester trop longtemps dans cette voie confortable et rassurante présente un risque : voir s'installer une agaçante complaisance. Mais il y a plus pernicieux : en devenant progressivement un "personnage" se creuse une ornière dont il devient difficile de s'extraire. Traçant inlassablement de soi l'image selon laquelle on voudrait être perçu, on finit par être conforté dans cette représentation par des personnes d'autant plus bienveillantes qu'il leur est rassurant de trouver un "alter ego", fut-il partiel...
J'espère que toi tu sais garder ton libre arbitre et ton indépendance d'esprit !
Si je te décris ce processus c'est parce que je l'ai vu se mettre en place chez quelques uns de mes comparses blogueurs... et que cela m'a renvoyé vers ma propre pratique. Avec un sentiment de malaise croissant. Aujourd'hui, du brouhaha des ego qui s'expriment je perçois paradoxalement une impression de vacuité. Chacun raconte les dérisoires tribulations de son existence, accrochant au passage l'intérêt de quelques compagnons d'enthousiasme ou d'infortune selon la tonalité que donne l'auteur. Quoi d'essentiel dans cette cacophonie égotique à laquelle je participe ? La vie, pourra t-on me répondre...
Cette vie-là ne me fait pas rêver.
Tout d'un coup j'ai pensé au vieillissement des blogueurs et blogueuses, qui conduira fatalement un certain nombre d'entre eux à raconter par le menu l'inéluctable dégradation qui nous attend tous. Exposée aux multiples regards se déversera impudiquement la litanie de la déchéance physique et des pathologies les plus diverses, soutenue par nombre de « ah oui, moi aussi » clamés par des commentateurs cacochymes. La marée des papy-blogueurs va déferler, avec leurs soucis de prostate, d'arthrose, de dentier ou de fuites urinaires. Quelle horreur !
Bon, d'accord, je suis moqueur et c'est pas gentil. Après tout, si ça peut soulager quelqu'un de raconter ses mésaventures et de trouver réconfort auprès de ses lecteurs, qu'il le fasse. En d'autres circonstances moi aussi j'ai fait part de mes déconvenues, plutôt d'ordre sentimental. Mais j'ai progressivement pris conscience que, ce faisant, je me présentais, par faiblesse, sous l'angle de la "victime" plutôt que de prendre acte du réel et agir en conséquence. Depuis, le statut auto-attribué de victime m'est de plus en plus insupportable à observer et davantage encore quand il devient un système de reconnaissance. Du coup j'évite de lire certains comparses.
Hum... tu me trouves peut-être exigeant ? Oui, sans doute...
Je crois que c'est parce que j'ai davantage envie d'enthousiasme que de découragement, d'énergie que de morosité, de joie que de tristesse, d'action que de lamentations. Et pour le moment, pour moi, cela ne passe pas par l'écriture, que je sens nécrosée.
À la prochaine !
PS : au moment de cliquer sur "Publier", je me demande s'il est opportun de le faire...
Tu dis : « Avide de réactions positives j'ai cherché à les susciter. Aujourd'hui j'estime que c'était pitoyable. »
Il me semble que c’était juste ton chemin et que ça n’a rien de pitoyable. Ton auto-jugement avec le recul me parait bien dur.
Je comprends tout ce que tu dis... mais je ne peux m’empêcher de me dire que j’aimais quand même bien te lire... et que je regrette donc un peu ce nouveau silence... mais bon, si c’est pour aller vers « la vie », c’est une « bonne cause »... ;-)