En réflexion sur l'avenir de mon implication diaristique, je forme, depuis quelques temps, le vague projet de relire et commenter mes écrits d'il y a dix ans [avant ce blog, donc], histoire d'observer les écarts, les évolutions, les stagnations. Ce matin je suis allé faire un tour dans ces archives et ce que j'y ai trouvé m'a scotché :
Mardi 3 décembre 2002 Bizarre comme en ce moment je me sens de plus en plus étranger à ce qu'est le diarisme en ligne. Si peu, proportionnellement, dont la démarche me plaît ou m'intéresse... C'est depuis longtemps le cas, mais j'ai l'impression que le phénomène s'accentue. Ou alors c'est ma vision des choses qui change. Tant de journaux qui ne m'intéressent pas, que je trouve sans saveur, sans originalité. Et puis cette tendance à se répondre les uns les autres, mais sur le ton du "private joke", ce petit cinéma qui existe entre copains... Je suis râleur, hein? Non, chacun fait bien comme il l'entend, je n'ai pas à critiquer. Mais bon, ces tendances ne me procurent rien. En fait, ça m'indiffère. Or à mes débuts je m'exaltais. J'aimais lire ces pensées diverses, à la fois si similaires aux miennes, mais tellement inattendues. Je m'enrichissais de la lecture des autres, de leurs réflexions. Et surtout, j'avais envie de partager. J'aime toujours lire... mais il me manque ce coté découverte, si stimulant. Et pourtant, il existe plusieurs journaux que j'apprécie beaucoup. Mais... ... mais je crois qu'il me manque une certaine convivialité. C'est un peu trop du «chacun dans son coin». Je sais qu'il y a des échanges, mais il se font généralement en privé. Je crois que l'idée de "communauté" me manque. J'aimerais... je sais pas... un truc comme écrire un journal à plusieurs. Ou créer un forum sympathique. Ou je ne sais quoi qui ferait que puisse de recréer une idée de groupe informel, réuni autour d'une façon commune de percevoir un certain nombre de choses. La CEV* est devenue trop grande, trop disparate pour moi. Je ne m'y sens plus à l'aise. Il y existe un passif avec certains membres. Une chose m'intéresse: l'intériorité des gens, et leur capacité à douter d'eux-mêmes, à se remettre en question et à s'ouvrir aux autres. La volonté de progresser vers un meilleur de soi-même, mais en relation avec les autres. J'en ai marre des gens qui veulent imposer leurs idées et qui bouffent l'espace des autres. Dans la CEV (et ailleurs sur des forums) je ne me sens plus libre de m'exprimer. Je sais que théoriquement je le suis, mais je sais aussi que le seul fait de lire mon pseudo déclenche un a priori défavorable chez certains. J'ai une étiquette sur le front, et parfois je ne me reconnais pas sous cette étiquette inadaptée mais indécollable. C'est très chiant. (...)
* CEV : Communauté des Ecrits Virtuels |
À peu de choses près, ce sont presque les mêmes idées qu'une bonne part de celles que j'ai développées hier ! Dix ans d'écart et quasiment les mêmes impressions ! Euh... ça relativise beaucoup l'amplitude des changements supposés, ça...
Est-ce que rien ne changerait vraiment dans la perception que j'ai du monde qui m'entoure ? Pourtant je ne suis plus le même, c'est une évidence. Alors, fondamentalement, qu'est-ce qui évolue dans ma pensée ?
En tout cas cela met en évidence l'illusion du « c'était mieux avant » !
On retrouve des mots quasiment les mêmes. Moi aussi j'ai souvent de ces surprises en plongeant dans les profondeurs, parfois de bien avant le blog et je me dis "tout ça pour ça"...
Mais aussi il y a la fin de ton billet de l'époque. Tu avais dit ta déception mais tu dis aussi tes attentes, ce que tu aimerais, qui t'intéresserait, des échanges, des partages, ouvrant la voie à des remises en cause, à des ouvertures vers autrui. Or c'est bien ce qui s'est passé dans les années qui ont suivi, au travers de nos mini intimités de réseau évolutives et à géométrie variable. Cette histoire là a bien eue lieu et c'est finalement une belle histoire.
Même si maintenant elle semble un peu épuisée pour la plupart d'entre nous.
Je venais en effet commenter ton message d'hier quand j'ai vu celui-ci.
Je voulais te dire combien je partageais ton ressenti, se traduisant en gros dans la fatigue et l'éloignement du monde des blogs, le sien comme celui des autres, allant jusqu'au ressenti d'une certaine "nécrose" de l'écriture, je m'en rends compte en tentant de maintenir mon propre blog sans trop savoir pourquoi et sans parvenir à trouver vraiment la ligne éditoriale qui me conviendrait désormais.
Mais autant je partage le symptôme, autant je pense que tu noircis un peu la cause en la centrant sur le brouhaba négatif des egos. Bien sûr il y a de ça chez certains de façon caricaturale, - ah la pêche aux commentaires, l'écriture pensée d'emblée pour se faire approuver ou conforter ou plaindre - mais ça ça se sent et on n'en est pas dupe. Chez chacun les motivations et comportements sont très mêlés et complexes. Quant à toi tu as assurément cherché une certaine assurance et reconnaissance sociale qui te manquait et ça finalement c'est positif mais je pense que tu n'as jamais écrit différent de ta pensée ou ton ressenti profond dans ce but, tu n'a pas vendu ton authenticité pour un plat de lentilles, pardon de commentaires! C'est bien d'une ouverture qu'il s'est agi, d'une construction voire de co-constructions, Bref c'était une belle aventure même si elle est un peu épuisée (bis).