Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Alter et ego (Carnet)
Alter et ego (Carnet)
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
2 mars 2013

Dans le silence des mots

« Je ne veux pas que tu parles de moi sur ton blog ». Cette demande m'a été faite, à plusieurs années d'intervalle, par des femmes avec qui je vivais, ou avais vécu, intimité et confidences. Je me suis efforcé d'y répondre, taisant ce que j'aurais volontiers évoqué pour clarifier ma pensée autour de situations complexes, de grandes interrogations, de doutes. Voire comme exutoire libérateur lors de moments de colère ou tensions temporaires.

Une telle demande est incontestablement légitime. En 2008 j'en étais arrivé à la conclusion que l'intimité d'une relation est une "copropriété" dont l'un ne peut disposer sans l'accord de l'autre. [J'avais déjà mis en évidence le problème en 2006, j'y suis revenu en 2011]

D'un autre côté mes ressentis, mes émotions, mon cheminement de pensée m'appartiennent en propre. Je peux avoir envie, ou besoin, de les évoquer sur un espace de liberté et de partage qui, lui aussi, m'appartient. Mais quand cela interfère avec l'autre... difficile d'en parler sans évoquer la relation.

Pour respecter la demande de ces confidentes j'ai décidé, sauf rares exceptions, de ne plus écrire sur ce qui pouvait me tracasser dans la relation [quitte à nous priver, vous et moi, des richesses du partage...]. J'ai ainsi appris, après avoir découvert l'extraordinaire potentialité de la libre expression, à intérioriser mes pensées. Une volte face qui m'a permis d'aller vers une autre façon de cheminer. Plus calme, plus mesurée, et offrant finalement d'autres champs d'exploration intime. L'esprit y gagne sans doute en profondeur et en acuité. Peut-être en ai-je aussi acquis une certaine franchise : puisqu'il faut bien que ça sorte, je suis devenu plus direct. Moins soucieux de "protéger" l'autre ou la relation...

Il n'empêche que ma retenue en écriture me pèse parfois. Elle restreint fortement mon expression dans des registres qui m'étaient chers. Elle contribue assurément à la raréfaction de mes publications, ce qui me désole un peu. J'aimais bien échanger autour de ce qui se joue dans les relations intimes, partager expériences et témoignages, explorer mes ambivalences. En même temps... ce mutisme m'a obligé a une discipline qui a sans doute des vertus. Aurais-je atteint certains niveaux de conscience si je m'étais épanché sans limites ?

Aujourd'hui je pourrais me demander ce qui est le plus fécondant : laisser couler les mots ou les contenir ? 

Je pressens cependant que la question ne se pose pas ainsi...

Commentaires
C
L'écriture peut être un pont entre nous et l'autre... mais pas forcément un seul autre identifié et "attendu". Quand cet autre unique ne veut pas/plus donner libre cours à des échanges, il reste l'autre au sens large : les autres. L'altérité.<br /> <br /> <br /> <br /> Quand un(e) autre se ferme, quelles que soient ses raisons (et éventuellement une peur d'affronter ce qui le dérange), tenter de l'obliger c'est prendre le risque de le voir se fermer encore davantage. Il faut parfois du temps pour que l'autre veuille bien s'ouvrir... si toutefois il le veut un jour.<br /> <br /> <br /> <br /> Chercher à atteindre un objectif demande auparavant de préciser cet objectif, et qu'il soit compatible avec ceux de l'autre. Nous ne pouvons avoir d'attentes qu'envers nous-même...<br /> <br /> <br /> <br /> Bonne journée
Répondre
K
Rebonjour Pierre<br /> <br /> Comme vous le dites justement l'ecriture est un moyen de faire un pont entre nous et l'autre quand l'autre ne peut pas ou ne veut pas donner libre court aux echanges necessaires pour comprendre ou se faire comprendre. Mais n'est ce pas l'obliger a affronter une realite crue qui derange/ le derange.???.ET apres atteind -t-on son objectif????.<br /> <br /> Belle journee
Répondre
A
« Je ne veux pas que tu parles de moi sur ton blog »<br /> <br /> C'est très instructif sur l'état relationnel qui peut exister entre deux personnes, lorsque l'une d'elle prononce ce genre de phrase... Et que l'autre accepte ce diktat.<br /> <br /> Cela montre le manque de confiance dans l'aptitude de l'autre à parler avec justesse, quand bien même il s'agirait d'aborder des questionnements personnels.
Répondre
K
Bonjour Pierre.<br /> <br /> Voici une citation de Marc Chagall:" Si toute vie va inévitablement vers sa fin, nous devons durant la notre, la colorier avec nos couleurs d''amour et d'espoir". <br /> <br /> Elle résume d'une certaine façon le message que vous adressez à ceux qui vous lisent...<br /> <br /> Belle journée
Répondre
K
Bonjour Pierre.<br /> <br /> L'entre -deux ou "être assis entre deux chaises" est un choix non avoué(?) de liberté: c'est la possibilité peut être consciemment et prudemment de continuer son chemin tout en s'accordant le choix inconsciemment de le rebrousser.Mais n'est ce pas obscurcir sa vision et la vision que l'on a de soi-même?? Car avancer pour se parfaire c'est faire un travail sur soi et apprendre à se connaitre et à s'aimer en toute connaissance de cause et de soi ???..............<br /> <br /> Belle journée.
Répondre
K
Alors peut-être à titre d'exutoire devriez-vous trouver un cadre anonyme tout en conservant celui-ci pour le plaisir de tous?.....Travestir ou se restreindre peut nuire à la santé( sous toutes ses formes) à la longue....
Répondre
K
Bonjour Pierre.<br /> <br /> Prendrais-je l'habitude de vous écrire alors que vous êtes un fervent défenseur du changement? Pourtant, apparemment comme beaucoup d'autres, il est très agréable de lire ces échanges avec un ton et une manière bien particuliers. <br /> <br /> Concernant votre question ou questionnement, j' ai utilisé votre support pour parler ou plutôt écrire sur l'autre sans son accord. Et pourquoi pas si cela m'aide à me dépasser ou le dépasser??? Il est bon de se livrer ainsi comme on jette une bouteille à la mer en sachant très bien qu'il n'y aura pas de retour. Le cadre n'est-il pas là pour garantir cet espace de liberté? En tout cas, j'adhère à cet exercice peut-être périlleux mais salutaire.<br /> <br /> Belle journée
Répondre
C
Errance, tu fais très justement la distinction entre parler (oralement) et "parler" par écrit. Je crois en effet que le fait de laisser une trace, d'une part, et qu'elle soit accessible à des inconnus, d'autre part, fait toute la différence. Du moins dans l'imaginaire, puisque dans la réalité des mots entendus peuvent avoir un impact déterminant sur l'image que l'on aura d'une personne.<br /> <br /> <br /> <br /> Je crois que la question primordiale est celle du respect : ne pas nuire à la personne dont on parle. Ne pas toucher à la confiance qu'elle nous a accordé en partageant quelque chose de son intimité. Il y a quelque chose de "sacré" dans l'intime, qu'il ne faut pas briser.<br /> <br /> <br /> <br /> Le parallèle que tu fais avec un forum et l'épanchement "sans limites" est intéressant : offrir en partage ce que l'on ressent peut être vraiment aidant pour les personnes qui lisent de telles confidences, par analogies et résonance personnelles. Et finalement... si personne ne connaît personne, rien ne peut nuire. Il en va autrement sur un blog, puisqu'au fil du temps on finit par se "connaître", ou du moins s'identifier. On n'y est plus un inconnu. Et ça change tout...<br /> <br /> <br /> <br /> Le risque est donc, comme tu les mets en évidence et confirmant mon constat, d'aller vers un mutisme croissant. Donc de perdre ce qui faisait l'intérêt de la libre expression. C'est face à cet enjeu que je me trouve depuis plusieurs années :)<br /> <br /> <br /> <br /> Il faudrait certainement scinder les concepts "espace d'expression personnelle" et "liberté d'expression anonyme". Et donc ne pas durer sous une même identité, ou sur un même lieu...
Répondre
E
Si la personne a précisé qu'elle ne veut pas que tu parles d'elle "sur ton blog", cela ne veut pas dire qu'elle ne veut pas que tu en parles ailleurs, si? <br /> <br /> Parler de l'autre sur ton blog, sachant qu'un blog est ouvert aux lecteurs connus et inconnus et que les écrits restent visibles pour qui les découvrent à partir d'un mot clé est une chose...parler de l'autre à une autre personne ou à un petit groupe de deux-trois en face à face ou par écrit privé si toutefois il devient difficile de se contenir durablement en est une autre...<br /> <br /> J'ai connu quelqu'un qui s'épenchait sans limite sur un forum. Quelques uns appréciaient le lire sans forcément avoir quelque chose à partager en retour. D'autres ne le supportaient pas et bien souvent ceux-là, même s'ils n'étaient pas impliqués dans l'histoire, passaient à l'attaque avec des propos acerbes, Depuis l'auteur s'est réduit au mutisme en public, ne faisant des apparitions que rarement et avec une écriture restreinte.
Répondre
C
C'est drôle, cela fait deux fois ce matin qu'en faisant ma tournée des blogs, je tombe sur le thème sacro saint de l'auto-censure...<br /> <br /> Je me suis déjà beaucoup exprimée sur le sujet, notamment chez Coumarine, dont c'est une des préoccupations. Pour ma part, la question se pose en plusieurs termes:<br /> <br /> Un, pourquoi écrit-on un blog " intime/extime" <br /> <br /> Deux, n'est-on pas, de par son pseudo, quelqu'un d'autre qui n'a donc aucun comptes a rendre a personne de notre " vraie vie" ?<br /> <br /> Trois, peut-on TOUT dire néanmoins de son intériorité? <br /> <br /> Quatre, et c'est le plus important, qu'est-ce qu'on risque?<br /> <br /> J'essaie de me positionner par rapport a ces interrogations, je pense avoir trouve un équilibre et je comprends que ce ne soit pas facile pour quelqu'un dont les problèmes sont liés a sa relation avec son partenaire. Mais un blog n'est ni un cabinet conseil d'avocat, ni un divan. <br /> <br /> On ne peut donc qu'effleurer, évoquer par de subtiles métaphores. Et sûrement pas déballer ses griefs ou ses difficultés de couple. Ce n'est que mon avis, bien sur.<br /> <br /> Maintenant, si le problème est si grave qu'il occupe tout ton disque dur intérieur, pourquoi ne pas écrire un blog sans que l'autre le sache? Cela éviterait la phrase: " je ne veux pas que tu parles de moi sur ton blog" .<br /> <br /> Un jardin secret peut être une bonne façon de conserver son intégrité dans la relation. <br /> <br /> Pour terminer avec ta dernière question, qui est subtile, moi l'adepte du juste milieu ( ou de la réponse normande, c'est comme on veut) je te dirai que je laisse couler les mots tout en les retenant. Tout l'art consiste a dire sans se laisser emporter par le flot et provoquer l'inondation. Un barrage n'arrête pas une rivière. Il contrôle son cours.<br /> <br /> Et notre cerveau trie naturellement le dicible de l'indicible.
Répondre