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Alter et ego (Carnet)
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24 mai 2013

Le risque du désamour

Il est midi, le ciel est sombre et il fait 5°. Ce matin il faisait 13° dans la maison et j'ai donc rallumé, une fois de plus en ce glacial mois de mai, mon fidèle poële à bois.

Mais laissons-là ces considérations météorologiques de l'éphémère pour évoquer des sujets un peu plus approfondis...

 

Ma fille m'a écrit. Elle a voulu me faire part de son désarroi après notre voyage commun au Liban. C'est un aspect que je n'ai pas soulevé dans mes descriptions d'ambiance mais qui, en coulisses, m'a pas mal perturbé. En clair : j'ai ressenti un certain malaise entre nous. Et elle aussi, donc. De mon côté c'était impalpable au début, intuitivement ressenti mais sans aucun fait objectif pouvant le mettre en évidence. Quelque chose né de rien mais qui, d'à peine perceptible a fini par devenir une entrave. A tel point qu'un petit éclat de voix agacé est venu ternir les dernières heures du voyage de retour. À partir de là nous sommes restés mutiques... jusqu'à maintenant.

Dans le courrier qui romp ce silence ma fille m'a expliqué avoir ressenti une distance de ma part et s'en inquièter. Elle a évoqué ma "carapace", reprenant sans doute des termes que j'ai pu employer en parlant de mon rapport affectif à autrui en général. De mon côté j'avais perçu chez elle des signes infimes d'agacement face à mes hésitations, comme si elle avait envie que les décisions se prennent plus rapidement.

Nous n'en avons rien dit sur le moment, tous ces signes étant trop ténus pour paraître fiables. La rationnalité à fait le reste : « je me fais certainement des idées...».

Il aura donc fallu un mois pour percer l'abcès. Si elle ne l'avait pas fait c'est moi qui lui en aurais parlé, le moment venu.

Qu'est-ce qui s'est passé entre nous, alors que nous avons habituellement une appréciable connivence ? Rien d'autre que des projections, des malentendus... et l'erreur de n'en avoir pas parlé immédiatement.

Résultat : nous sommes revenus tous les deux déçus et tristes alors que nous nous réjouissions de nous retrouver pour ce voyage. Sauf que nous ne nous l'étions pas dit. Peut-être par pudeur, ou parce que ça nous semblait évident. Ou peut-être par crainte que ça ne soit pas tout à fait réciproque ?

L'avantage d'avoir su en parler ensuite, c'est que ce désir partagé a pu être verbalisé.

Avec notre dialogue rénoué nous avons pu mettre en évidence nos craintes et nos envies. Nos projections, déjà anciennes, sont devenues flagrantes : elle avait peur que je ne m'entende plus vraiment avec elle, depuis qu'elle vit avec son compagnon - dont le comportement est parfois aux antipodes du mien. Et moi je redoutais qu'elle ait trouvé avec ce compagnon quelqu'un de plus entreprenant, énergique et audacieux que moi. Tout ça couvait depuis plusieurs mois et je pensais que ce voyage serait l'occasion d'en parler...

C'est donc autour de son compagnon, ou plutôt du lien qui s'est établi entre elle et lui, que nos craintes respectives se sont développées. Elle a eu peur que je la trouve "superficielle", j'ai craint qu'elle me trouve "vieux". C'est la première fois que j'ai eu cette sensation, me voyant moins à l'aise qu'elle et son frère dans un pays un peu moins occidentalisé, un peu moins sécurisant que ce à quoi je suis habitué. Mais ma fille, qui est est partie à l'aventure durant plusieurs mois au Népal et en Inde, a forcément acquis une certaine adaptabilité : la notion de confort de voyage y est toute relative...

En ayant finalement pu parler de tout cela nous avons mis en évidence nos interprétations erronées. L'échange de mail qui a précédé notre rencontre à permis que soient dits des sentiments forts, dont l'évidence gagnait à être soulignée. À savoir qu'on s'aimait beaucoup et qu'on tenait à la relation bien particulière qui nous unit depuis fort longtemps.

En marge nous avons aussi abordé des aspects qui expliquaient le malentendu initial. Ma fille m'a ainsi appris qu'elle avait été surprise en découvrant que "les gens" en général, et son compagnon en particulier, n'avaient pas pour habitude de parler de leurs ressentis. Parler de soi n'a rien d'évident et certains n'ont pas cette culture. Pour mes enfants c'est devenu "naturel"... à tel point qu'ils me surpassent ! Chacun d'eux est venu vers moi, assez récemment, pour me faire part de ce qui le tracassait dans mon attitude apparemment "distante" : ils se demandaient quelle importance je leur accordais encore.

J'ai à chaque fois été touché, ému, et un peu penaud de ne pas leur avoir sufisamment montré combien je les aimais. La concordance de leur demande - qui n'est pas un total hasard puisqu'ils ont une communication d'excellente qualité et se font part de leurs impressions - m'a mis face à mon évolution. En effet il y a un téléscopage entre mon propre travail d'émancipation affective et leur besoin de me sentir proche d'eux. J'ai voulu éviter d'être trop présent afin de les laisser prendre leur envol à leur guise, mais du coup ils l'ont perçu comme un moindre intérêt. Regrettable malentendu ! En outre, tout occupé que j'étais à me "désattacher" de toute relation affective, je ne me suis pas rendu compte des répercussions que cela avait sur eux. Et sur mes proches en général...

J'ai ainsi appris incidemment, par ma fille, que mon ex-femme s'était rendue compte de la distance que j'avais mis entre elle et moi depuis un an. Ben oui, hein, comprenant que mon envie de maintien du lien n'était pas réciproque, j'ai fini par la "laisser aller"...

Tout comme j'ai "laissé aller" celle dont je ne parle plus.

...

En fait je "laisse aller" tout le monde. Je ne m'accroche pas. C'est une variante de l'effet téflon...

À l'évidence mon travail assidu de détachement affectif a été efficace ! Peut-être un peu trop ? À vouloir ne plus rien attendre j'en suis venu à ne plus rien demander. Seulement répondre aux sollicitations. Être présent sur demande, expressif en écho. Ça ne suffit pas : l'expression de mon plaisir et de mes envies relationnelles - de mon amour - est apparemment trop ténue pour être vraiment perçue. Le doute s'insinue. Plusieurs voix me l'ont fait comprendre, de plus en plus issues de proches...

On m'apprécie - on m'aime - et la question de la réciprocité peut se poser à l'autre.

Je crois qu'il va me falloir régler les curseurs de l'attachement et de son expression si je veux maintenir un équilibre relationnel satisfaisant. Réapprendre à aller vers les autres, à m'exposer. Prendre le risque de faire face, de nouveau, au possible désamour...

Après tout, je n'en suis pas mort :)

 

 

 

 

DSC00880

24 mai, dernière couche avant le prochain hiver ?

 

 

Commentaires
Y
Dead Can Dance en tournée en France cette semaine : il reste des places samedi à Nîmes :-)<br /> <br /> http://www.deadcandance.com/main/tour-dates/
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L
Dix ans déjà... Heureuse d'avoir pu raviver de telles sensations rares !
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C
Lukéria, tu me fais redécouvrir ce morceau, dix ans après mon "initiation" à Dead Can Dance. C'était dans un contexte très particulier dont je garde le souvenir dans tout mon être. Il n'en fallait pas plus pour raviver des sensations d'immensité...<br /> <br /> <br /> <br /> Choix judicieux ! Merci...
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L
Tu n'as pas le désir de publier en ce moment, ce n'est pas grave, même si j'aime retrouver tes mots. Tu auras peut-être envie d'écouter ce morceau que j'aime.<br /> <br /> http://www.youtube.com/watch?v=1p2g2WuGXwE
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C
Ouiii, j'ai vu ton retour, Célestine :)<br /> <br /> Aucun souci de mon côté. Je suis seulement frappé du syndrome de non-publication : quand un "silence" s'est installé, je ne trouve pas de raison valable de le rompre. Mais il arrive toujours un moment où l'envie de parler d'un sujet balaye tout ça...<br /> <br /> <br /> <br /> Tu sais quoi ? J'apprécie que tu me fasses signe. Moi-même je ne le fais pas, alors qu'il m'arrive souvent de constater qu'un silence s'installe sur un blog.<br /> <br /> <br /> <br /> Merci :)
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C
Pierre je reviens a pas de loup dans la blogosphère et je vois que tu n'as plus rien publié depuis longtemps. Pas de souci, j'espère? Je t'embrasse.
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A
Excusez-moi Couleur Pierre, c'est moi Télophase, qui suit aussi Avshareli car je tiens deux blogs très différents et c'est celui d'Avshareli qui était ouvert lorsque j'ai rédigé ce commentaire ;) Excellente journée à vous.
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A
Le désamour, vous n'en êtes peut-être pas mort "cliniquement " mais il a causé de fortes séquelles qui ne disparaîtront que lorsque vous aurez régler ces fameux curseurs si importants pour un parfait équilibre.<br /> <br /> Dans une réponse à mon commentaire sur le post "Aimer sans attendre " vous m'avez dit ne pas avoir endosser de carapace...pourtant il me semble que , c'est bien d'une carapace qu'il s'agit , qui vous permet d' apprécier ce qui vous entoure sans être à la merci de douleurs éventuelles.<br /> <br /> Vous êtes un peu comme dans un château fort, sur une tour qui vous permet d'apprécier l'horizon à 360 ° mais le fossé qui entoure votre retraite ne pourra être franchi que si vous donnez l'ordre de baisser le pont levis. C'est sage.<br /> <br /> Mais les enfants, ils faut leur donner le code pour qu'ils puissent nous rejoindre lorsqu'ils en ressentent le besoin, l'amour des enfants est la plus belle chose au monde, c'est à nous de les rassurer en ne les laissant jamais douter de nos sentiments à leur égard
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L
J'ai souri en lisant ton billet, car je suis une femme qui exprime beaucoup ses ressentis, mais je dois dire, il est vrai, que ce n'est pas toujours évident, si l'autre en face n'est pas capable de les entendre et s'il ne peut pas en faire de même en retour. Pour moi, les non-dits sont un poison, parce que chacun peut s'enfermer dans son malaise, et bien souvent à tort, faute d'une réelle compréhension. <br /> <br /> <br /> <br /> C'est d'ailleurs pour cela qu'avec mon compagnon nous avons choisi de nous faire aider, de temps à autre, par un psy. Et je dois dire qu'il nous apporte beaucoup. Ce n'est pas vraiment une thérapie de couple, nous le rencontrons seulement quand le besoin s'en fait sentir . Chacun parle à tour de rôle, sans que l'autre ne puisse l'interrompre. Le psy veille à ce que la pensée soit clairement exprimée, en la reformulant parfois ou en posant des questions pour l'approfondir, et je dois dire que cet homme est assez remarquable. Je crois que nous avons de la difficulté à communiquer, parce que je suis plus dans l'affectif et mon compagnon dans le cérébral. Mais ce qui est étonnant, c'est que je le sens très différemment quand il parle face au psy. Et déjà, au moins, il s'exprime... parfois même avec une certaine émotivité. A la fin, le psy, dit quelques mots essentiels, pour l'un comme pour l'autre.<br /> <br /> <br /> <br /> En ce qui concerne ma fille, nous avons beaucoup parlé de ses blessures de l'enfance, il y a quelques années, alors que j'étais en thérapie et elle aussi, c'était la situation idéale. Et je suis tombée des nues, par exemple, en apprenant qu'elle pensait être responsable de la séparation d'avec son père ! J'ai appris aussi beaucoup de ses souffrances durant son enfance, qu'elle m'avaient cachées pour me protéger, en pensant que j'étais trop fragile. Quand je me suis séparée de son père, il est parti vivre en province, elle le voyait donc surtout durant des vacances qui se passaient très mal, parce que sa nouvelle femme ne l'acceptait pas et était odieuse. Elle pleurait tous les soirs dans son lit, quand elle était chez lui, en pensant que je pouvais disparaître. Je lui ai expliqué aussi ce qui avait fait que, pendant la période de séparation, je n'avais pas toujours réussi à être une mère aimante, car j'avais mes propres blessures dues à une enfance très difficile, qui étaient ravivées par cette séparation. <br /> <br /> <br /> <br /> Je pense que ces discussions ont été très importantes pour nous deux et pour notre relation. Avec sa psy, elle pouvait sortir tout ce mal-être enfoui, mais, moi, j'étais à même de lui donner un éclairage sur ce qu'elle avait vécu et rectifier des images fausses qu'elles s'étaient forgées avec son regard d'enfant. Et l'aider aussi à mieux comprendre certains de mes manquements, qui n'étaient pas manque d'amour de ma part.<br /> <br /> <br /> <br /> C'est ce qui a nous a permis d'avoir une très belle relation de confiance. Elle n'a pas pu faire le même travail de compréhension avec son père, parce que le lien a été brisé à cause de l'éloignement géographique et de l'attitude de sa nouvelle femme, et je trouve que c'est dommage, car elle a gardé en elle un fort sentiment d'abandon, qui s'est beaucoup répercuté sur ses relations amoureuses. C'est d'autant plus dommage que, moi, j'ai pu le faire avec mon ex durant de longues discussions, où nous sommes revenus sur notre relation et sur ce qui avait amené à notre séparation.
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U
Merci de ta réponse, Pierre.<br /> <br /> Oui, c'est quelqu'un qui est à plaindre. J'ai rencontré un extra-terrestre. Il m'aura sacrément abîmée en tous cas. Comme il a abîmé tous ses proches, y compris ses enfants. Je crois être tombé sur un dingue qui n'a aucune capacité de discernement ni de responsabilité de ses actes. Cette rencontre a malheureusement déboussolé ma vie à 360°.
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