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Alter et ego (Carnet)
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26 juillet 2013

Entre mes mains

Un soir du début de semaine, tandis que je me délectais d'une salade fraîchement cueillie au jardin, j'écoutais sur France culture le long monologue d'un homme décrivant ses émotions autour d'une rupture sentimentale. Le texte, de Christine Angot, était déclamé dans le cadre du festival d'Avignon. Bien que ne me sentant pas en résonance avec la situation décrite, je me suis laissé porter par le flux des mots.

La mise en scène ne me semblait pas crédible : à la fois ostensatoire dans le descriptif de la douleur et d'une lucidité trop détachée. Mais peut-être ai-je eu cette impression parce que je me sens aujourd'hui bien loin de tout ça ? En fait j'ai plutôt été frappé par l'universalité, pour ne pas dire la banalité, des propos de l'amoureux délaissé. D'une certaine façon le texte exhumait des sensations que j'ai connu il y a longtemps, mais dont je me suis considérablement éloigné après avoir pris conscience de l'inanité de la situation. Aujourd'hui la souffrance de l'éloignement amoureux ne m'évoque plus grand chose et je la regarderais presque avec condescendance.

C'est pourtant simple : il n'y a qu'à accepter ! Un jour l'espace-temps émotionnel magique et précaire où l'on se rencontrait dans le plaisir exubérant du partage, contre toute attente a pu se dissoudre. La variation des paramètres de cohésion a peut-être été infime, mais déterminante. C'est ainsi. Changement d'état. L'alchimie ne fonctionne plus. On ne se rencontre plus en un même point, on ne converge plus, et le décalage crée une béance. Il ne reste plus qu'à en prendre acte. Constater et accepter.

Mais ne surtout pas s'accrocher à ce qui n'est plus. 

Le principe est d'une simplicité évidente. Encore faut-il l'avoir compris, et surtout... admis. À partir de là il devient éventuellement possible d'inventer autre chose en commun, qui sera forcément différent. Il peut falloir tellement de temps qu'une vie n'y suffira pas...

Pour ma part il m'a fallu des d'années de travail pour comprendre tout ça. Je m'y suis consacré avec une tenace persévérance en m'appuyant sur des réflexions en solo et des partages, des conversations et des explorations, des lectures éclectiques, des fragments d'histoires captés ici et là. Tout pouvait servir pour élaborer ce que j'assimilerais volontiers à une oeuvre. Assembler des éléments épars, leur donner une forme cohérente, est presque un art. Une affaire de discernement sensible qui demande patience et détermination, souplesse et intuition, tout en laissant place à l'inattendu.

Dans une sorte de logique exclusive je sais n'avoir pas tenté de nouveau l'aventure sentimentale. Je n'en voulais plus. Comme si ça pouvait me distraire de mon objectif premier ? Ou alors devais-je d'abord clarifier mes désirs ? Extirper la moindre racine d'attente ?Je ne cerne pas toutes mes motivations mais, quoi qu'il en soit, j'ai très tôt senti que la recherche d'autonomie était préférable. Par chance la vie est bien faite : je n'ai pas eu à brider d'envies puisque, sans nouvelle éclosion d'émoi amoureux, je n'ai pas ressenti le moindre manque. D'ailleurs c'est ce qui m'a le plus surpris : on peut fort bien vivre heureux en solo. 

Ainsi préservé de la distraction sentimentale j'ai pu me consacrer à l'oeuvre maîtresse de ma vie : l'épanouissement éclairé. Un peu comme si, après avoir aidé mes enfants à devenir eux-mêmes, je m'étais occupé de parachever mon propre accomplissement...

Finalement la déconvenue amoureuse, en mettant en évidence mes failles, aura permis l'émergence d'une conscience accrue : je sais mieux ce qui me porte et m'importe. En outre, et je crois que c'était un cadeau caché, je pressens que je suis encore loin d'avoir découvert tout ce que j'aurais gagné après avoir cru tant perdre...

Bizarrement, je ne sais pas le raconter ici. Je ne sais pas mettre en mots ce dont chaque jour je me réjouis. Ça m'apparaît par surprise, au cours des conversations, mais je ne saurais pas par quel bout commencer lorsque je suis seul devant mon clavier. C'est comme si j'avais besoin de l'échange pour voir émerger ma lucidité.

Ce que je peux en dire c'est qu'il y a dans cette conscience accrue un rapport serein au temps qui passe, à l'instant présent, au bonheur, au libre arbitre, à la responsabilité. En simplifiant je pourrais dire que j'adhère désormais à un principe fort : il me revient de faire de ma vie ce que j'ai envie qu'elle soit. Avec pour corollaire, pour que mes objectifs restent atteignables, de ne point désirer l'inatteignable. Ou alors de me donner les moyens de l'atteindre...

Tout est entre mes mains.

 

 

IMGP5391

Vallée de la Clarée - Hautes Alpes

 

 

 

Commentaires
E
Je crois qu'il est impératif de savoir vivre seul, sans "toi et moi" pour ne pas avoir peur de la solitude et du rejet. Quitter quelqu'un n'est pas une punition (je ne parle pas des comportements immatures et égocentriques, je parle de relations où on a vraiment voulu investir et s'unir), et n'est pas humiliant. C'est dur et difficile mais si on a su vivre seul/e, être son/sa propre ami/e, on a un petit coin pour pleurer et se remettre en forme avec le temps...
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J
Je t'imagine très bien mangeant ta salade en analysant le discours de France culture : c'est savoureux. ça c'est pour la forme ;) concernant le fond : j'ai juste envie de dire qu'il me reste du chemin à faire particulièrement pour "le rapport serein au temps"<br /> <br /> Amitiés. :)
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L
Eh bien, moi, je trouve que tu le mets très bien en mots qui me touchent d'autant plus que j'y retrouve mon propre cheminement, même si la finalité n'a pas été la même, puisque je vis en couple... Mais, comme pour toi, ma dernière séparation aura permis aussi l'émergence d'une conscience accrue, qui transforme vraiment l'être, sa vision de lui-même, des autres et du monde. C'est sans doute cela que nous avons à apprendre de nos séparations, deuils et souffrances, si nous parvenons à ne pas nous y perdre... mais enfin à nous trouver !
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C
Françoise, je sais que tu parles d'expérience et que toi et tes proches ont été fortement touchés... C'est évidemment plus difficile d'accepter le totalement inattendu, mais tu montres, notamment à travers tes écrits, un bel exemple.<br /> <br /> <br /> <br /> Je te sens vraiment attentive à cette vision de la vie dont tu parles.<br /> <br /> <br /> <br /> Bonne semaine, Françoise
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F
Une déception ou désillusion amoureuse, la mort brutale d'un être aimé, le handicap d'un petit enfant suite à un accident... Il ne sert à rien, en effet, de regretter le passé, il faut accepter les nouvelles données, il n'y a pas d'autre alternative comme tu le dis. Vivre l'instant présent comme il est dorénavant. Et puis, suite à ces événements, quels qu'ils soient, il y a questionnement et parfois changement radical de vie, ou, tout au moins, changement d'état d'esprit et de vision de la vie. Tout est leçon de vie. La vie, avant tout...<br /> <br /> Belle fin de dimanche à toi, Pierre. :-)
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A
"Finalement la déconvenue amoureuse, en mettant en évidence mes failles, aura permis l'émergence d'une conscience accrue : je sais mieux ce qui me porte et m'importe. En outre, et je crois que c'était un cadeau caché, je pressens que je suis encore loin d'avoir découvert tout ce que j'aurais gagné après avoir cru tant perdre..."<br /> <br /> <br /> <br /> Bonjour Pierre, tu vois, je viens toujours te lire de temps en temps et ton dernier texte reflète et exprime tellement bien ce que je me sens vivre moi aussi depuis quelques années que je ne résiste pas à te faire le partage de cette réception 5/5 !<br /> <br /> <br /> <br /> Vivre en solo est source de joie réelle, le partage l'est également... En fait, ce qui fait la valeur de tout cela est d'en être libre, non ?!<br /> <br /> <br /> <br /> Bel été à toi...et à tous !
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C
Il faut avoir parcouru un long chemin pour en arriver à ce point de conscience et de détachement.<br /> <br /> J'ai envie de dire : pas facile, plus aisé à dire qu'à réaliser...<br /> <br /> Je tente de cultiver cette philosophie de l'instant dont tu parles si joliment est là encore, je me trouve en situation de ré-apprenante : il faut déprogrammer certains choses pour en apprendre d'autre.<br /> <br /> Il est question ici pour moi tant de sentiments, d'éducation, que de philosophie de vie.<br /> <br /> Et là philosophie que l'on adopte, ce sont les évènements de la vie qui nous y invitent :)
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Z
Oui Pierre, tu as raison, pleinement ! Et j'ai vécu un peu comme toi, 8 années de sérénité à peine troublées d'aventures sans engagement. Mais pourquoi donc me suis-je à nouveau prise les pieds dans la carpette ? C'était la première fois que je retentais la vie de couple, 9 ans après un divorce douloureux.<br /> <br /> Je ré-apprivoise ma vie en solitaire, et ma démarche passe par une recherche d'isolement total, un enfermement avec moi-même. La manœuvre est simplifiée par mon isolement géographique dans une région totalement inconnue de moi, sans attache familiale puisque les morts sont maintenant plus nombreux que les vivants et que les vivants ne souhaitent plus me voir, sans attache amicale, ou presque, là aussi la mort a frappé durement, en masse. <br /> <br /> J'aimerais encore pouvoir partager des instants, conjuguer au pluriel. Le moment n'est pas venu, je n'ai pas encore retrouvé la confiance dans le genre humain, la sérénité passe fugacement, de temps à autre. L'oubli n'aura pas lieu, il n'y aura que l'acceptation accompagnée d'un arrière goût amer, l'arrière goût d'un gâchis, d'une perte de temps à se faire du mal, l'arrière goût d'une confiance mal placée.<br /> <br /> L'issue de la vie est la mort, j'espère qu'elle s'ouvre sur une sérénité absolue et incommensurable.
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C
Moi j'ai commencé directement ma vie sentimentale par une claque du destin. Folle amoureuse d'un garçon, j'avais dix huit ans, j'ai évidemment cru que le ciel me tombait sur la tête quand il m'a repoussée. Avec pourtant une grande gentillesse mais je ne m'en suis rendue compte que bien plus tard. Il résulte de cela que les affres de la rupture n'ont pas duré, parce qu'à dix huit ans on se remet quand même relativement vite d'un chagrin d'amour ( quand on ne se suicide pas, évidemment) ce qui ne tue pas rendant plus fort, je me suis moins " jetée " a la tête des hommes, j'ai vécu des passions, mais moins fortes, un peu comme les répliques d'un séisme. Et d'une manière générale, je garde précieusement a l'esprit qu'on n'a qu'une vie et qu'il faut essayer de se protéger. Et qu'aucun être humain ne mérite qu'on se foute en l'air pour lui. Mais, bon, ma vie n'est pas finie, et je ne dis pas fontaine...:-) <br /> <br /> Merci Pierre pour ce texte qui est du pur " toi" . Mine de rien, il y a une certaine paix en toi qui fait du bien quand on la lit.
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S
(et laiss"ent" entrevoir ....)...
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