Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Alter et ego (Carnet)
Alter et ego (Carnet)
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
16 octobre 2013

Impressions de voyage : les gens

Extrême pointe du Cap de Gaspésie, à l'heure où les ombres s'étirent démesurément. Je marche depuis un moment en forêt lorsque le sentier s'ouvre sur un ciel teinté de rose et me conduit au pied d'un petit phare, aussi modeste dans ses dimensions que pimpant dans ses couleurs. Il éclate de rouge et de blanc, comme s'il venait d'être repeint. En contrebas l'Atlantique étend son miroir vers l'infini, sans la moindre vague. Sur cette fin de terre burinée de silence je suis seul... Du moins le crois-je, jusqu'à ce que j'aperçoive, du côté de la baie et dans un silence contemplatif total, un couple. L'image de cette harmonie parfaitement paisible, immobile, me plaît immédiatement et je la capture...

 

IMGP7741b

 

 

À mon retour mon fils m'a demandé « Ça n'a pas été trop long de rester seul pendant deux semaines ? ». Mais non fiston, pas du tout ! Ce voyage je l'avais prévu seul et j'en avais envie sous cette forme. La solitude faisait entièrement partie du voyage et c'est aussi d'elle dont je venais me repaître goûlument ici. La solitude donne une saveur particulière aux paysages.

Un plaisir qui intrigue toujours un peu, sans que je sache si c'est d'envie ou d'inquiétude

Je n'ai cependant pas recherché l'isolement total : cette fois je souhaitais voir des gens ! D'abord j'avais pensé au couchsurfing, solution intéressante qui consiste à se voir proposer un lit contre rien d'autre qu'une rencontre, mais cela me demandait d'avoir un programme établi à l'avance. Impossible pour moi. J'ai donc dû me contenter d'échanges aléatoires et plus brefs avec les québecois rencontrés au hasard de mes pérégrinations.

Ceux auxquels j'ai eu affaire, à l'exception d'un seul, se sont montrés à la hauteur de leur réputation : courtois, affables, sympathiques, chaleureux, accueillants, souriants. Disponibles. J'ai l'impression que là-bas le rapport au temps est apaisé, qu'on y est moins pressé et stressé qu'en France. Imaginez un peu : aux croisements, sur la route, il y a souvent quatre panneaux "Arrêt" (le "Stop" est un anglicisme...) et chacun attend son tour pour passer, par ordre d'arrivée. Et quand un bus scolaire s'arrête, toutes les voitures font de même : celles qui suivent et celles qui arrivent en face ! Dingue, non ? Personne pour tenter de passer en force ou klaxonner si ça n'avance pas assez vite !

J'ignore si c'est parce qu'il s'en accordent le temps mais, généralement, la discussion s'engage aisément avec les québecois. Il en fut ainsi avec une jolie femme qui rangeait son vélo dans sa voiture, mais aussi avec des gardes de parcs nationaux, les gérants de diverses auberges de jeunesse où j'ai dormi (l'un d'eux m'a tout de suite appelé par mon prénom, avant de m'inviter à me joindre à un anniversaire). Souvent on me posait quelques questions sur mon itinéraire, m'indiquait ce qui pourrait m'intéresser. Pas grand chose, objectivement, mais plutôt sympathique. Je n'ai jamais perçu indifférence ni lassitude mais au contraire ouverture. En randonnée il n'était pas rare qu'un brin de conversation s'entame en croisant quelqu'un sur un chemin. Quelques phrases, d'où l'on vient et où l'on va.

À la caisse du supermarché, la première fois qu'il m'a été demandé « Avez-vous trouvé tout ce que vous cherchiez ? », j'ai crû qu'il y avait erreur sur la personne [Euh... oui]. D'autres fois j'ai été surpris par le « Ça va bien ? » qui m'était adressé [oui oui, très bien merci. Et vous ?]. Et lorsque je remerciais qui m'avait donné un renseignement, plusieurs fois il m'a été répondu « Ça m'fait plaisir » [Et moi donc !]. C'est peut-être une formule plus ou moins habituelle, mais dite avec le sourire et semblant sincère, c'est vraiment agréable ! Là-bas je ne me sens pas "client" indifférencié, mais un individu. Une personne.

En cette saison les rares touristes sont des français. Et comme il m'est arrivé de rester deux nuits au même endroit on a pu discuter un peu, comparer nos visions des lieux parcourus, échanger quelques tuyaux ou convenir de notre ignorance. Il est aussi arrivé qu'on se retrouve, involontairement, sur le même chemin, où à l'auberge suivante. Finalement c'était une façon de "partager" un peu nos impressions et sans doute cela a t-il contribué à ce que je ne ressente pas l'isolement du contemplatif solitaire. Cela dit... j'ai rapidement été agacé par quelques personnages un peu trop vaniteux à mon goût. Et ailleurs une courte soirée "entre voyageurs" en immersion dans la faune d'un pub de Rimouski ne m'a pas laissé un souvenir impérissable. Tant qu'à me sentir seul, faute de réel partage,... autant l'être vraiment. Juste de quoi me donner envie de retrouver ma tranquillité de solitaire.

J'ai passé une nuit avec un couple [euh "avec"... c'est une façon de parler...] qui dormait dans le même gîte que moi. Le seul gîte dans lequel j'ai fait halte d'ailleurs [trop cher pour une personne seule !], un soir où je n'avais pas d'autre solution. Les discussions de circonstance, le soir et au petit-déjeuner, ont été suffisantes pour que je me dise que je préférais voyager seul que mal accompagné...

Mais pour être franc, il se pourrait bien que d'avoir eu la possibilité de me connecter de temps en temps au monde d'internet [ici, donc], et échanger quelques mails avec mes proches, ait permis que le sentiment d'isolement n'apparaisse pas. Et puis je savais que, d'une façon ou d'une autre, je partagerais à mon retour images et impressions de voyage...

 

 

IMGP7672b

La pointe de la Gaspésie, "la où finit la terre"...

 

 

 

IMGP7563b

 

 

 

 

IMGP7526b

... et où viennent les baleines (Rorqual commun effrayant des oiseaux)

 

 

Commentaires
C
Hé hé, ma gaspésique aventure... :)<br /> <br /> <br /> <br /> J'en viendrais presque à me demander si on ne pourrait pas établir une corrélation entre la beauté d'un paysage et le bien-être de ceux qui l'habitent. Je crains, hélas, que ça ne soit pas vrai partout dans le monde. Quoique...<br /> <br /> <br /> <br /> Le couple m'a touché, peut-être parce que je ne m'attendais pas à en voir un ici... mais plus sûrement du fait qu'ils soient âgés et qu'ils n'aient besoin d'aucun mot devant la beauté naturelle.<br /> <br /> <br /> <br /> [Aurai-je encore quelque sensibilité à l'harmonie entre deux êtres ?]
Répondre
C
Heureuse d'être en vacances et de pouvoir enfin me plonger dans ta gaspesique aventure...j'ai beaucoup apprécié la façon dont tu présentes les habitants. Il se dégage une tranquille bienveillance qui va avec ces paysages apaisants. On n'imagine fait pas un peuple hargneux arpenter ces paysages. <br /> <br /> L'image du couple contemplant la mer est merveilleuse.<br /> <br /> Merci.
Répondre
L
Eh bien, moi aussi je préfère la solitude à des échanges banals qui ne m'apportent rien, parler pour parler me semble vraiment superflu. Mais pour ce qui est d'un sourire ou d'un mot gentil, j'y suis très sensible, je trouve que cela éclaire une journée. Et bien souvent à Paris, cela manque. Je le trouve, heureusement, quand je vais dans mon deuxième fief, le Morvan. Au début, j'en étais très étonnée. Là-bas, par exemple, quand on rentre dans un restaurant, les gens vous saluent avec un sourire. Ils sont prêts à vous aider aussi si vous rencontrez un problème, je l'ai constaté maintes fois.<br /> <br /> <br /> <br /> A Paris, c'est assez dingue, un jour, je suis entrée dans une salle d'attente, j'ai dit bonjour avec un sourire - c'est naturel chez moi, je ne m'en rends même pas compte - et une femme m'a demandé : "Comment faites-vous pour sourire ?" J'étais ébahie d'entendre une telle question ! Et tu sais ce qu'elle a ajouté : "Vous devez avoir un ami beaucoup plus jeune que vous !" Elle devait drôlement s'enquiquiner avec son mari, celle-là ! Et je ne pense pas que l'âge seulement y soit pour quelque chose...<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai beaucoup aimé ton récit, j'ai été sensible à ton écriture et à tes ressentis. Et j'adore l'image du couple enlacé, et en communion devant le paysage, que tu as su saisir. Mais j'aime aussi beaucoup les autres photos, là où finit la terre commence l'immensité.
Répondre
C
j'ai aimé lire ton "reportage" admirer tes photos..<br /> <br /> J epense en effet que tu préfères et de loin le silence de la solitude choisie, que le bruit des échanges banals...<br /> <br /> C'est étonnant ce que tu racontes de le "courtoisie" des Canadiens... et de leur rapport au temps...
Répondre
K
Bonjour Pierre, <br /> <br /> <br /> <br /> Vos photos sont belles, belle perspective, belle luminosité, beau cadrage, belles couleurs, elles nous rappellent que la nature est grandiose, et aller s'y recueillir, d'une façon ou d'une autre, est source d'un bienfait salutaire. <br /> <br /> <br /> <br /> Votre introduction ( le choix réfléchi de vos mots m'a permis de suivre vos pas) avec la photo qui l'accompagne est le "symbole" de ce qu'une vie accomplie, remplie, vivante, peut être quand elle est tournée vers la beauté et son respect.<br /> <br /> ...
Répondre
U
Ta photo "Là où finit la terre m'émeut particulièrement"... Mais toutes tes autres photos sont magnifiques ! Un bien joli reportage et quels merveilleux souvenirs pour toi !<br /> <br /> Bravo !
Répondre