Impressions de voyage : rencontres furtives
Mon attrait vers la nature s'allie bien avec le plaisir de la photo. Les paysages m'inspirent. Par contre je ne m'essaie pas souvent à la photo animalière, n'ayant pas la patience requise. Rester des heures à l'affût, immobile et silencieux, c'est pas trop mon truc. Contemplatif je suis, certes, mais mobile. Il n'empêche que dans la vraie nature j'aime la rencontre avec l'animal. Plutôt quand elle est fortuite, d'ailleurs. Rare et par essence inattendue, elle ne me laisse généralement pas le temps de sortir mon attirail photographique. Je me contente donc de saisir ce qui passe devant mon objectif...
Il m'arrive quand même d'errer dans des secteurs favorables à l'observation. Notamment dans les zones protégées et fréquentées par l'homme, où voir des animaux est un peu plus facile. Ils y sont moins farouches. Parfois insuffisamment d'ailleurs, ce qui retire beaucoup au plaisir de l'aperçu furtif. La magie des rencontres provient aussi du fait qu'elles soient brèves, fugitives...
Les quelques clichés que j'ai fait durant mon voyage se sont révélés un peu décevants. Je les trouve de bien médiocre qualité, tout en sachant y avoir consacré peu de temps. Et puis mon matériel n'est pas adapté à cela. Ces images seront à classer dans la rubrique souvenirs plutôt que dans celle des belles photos.
De toutes façons l'émotion de l'instant ce n'est pas une photo qui la rendra. Entendre le souffle des baleines, les voir glisser sous la surface, veiller leur émergence soudaine, ça ne s'immortalise pas. Entendre au loin le choc sourd de leur masse retombant dans l'eau, et (peut-être ?)* percevoir leur chant à des kilomètres... voila ce qui m'a procuré des sensations fortes !
* je n'ai pas pu être certain que l'étrange mélopée, à peine audible, que j'entendais du côté de l'océan, était bien émise par des baleines...
Je dis que je ne reste pas immobile... mais je suis resté longtemps à guetter la surface lisse d'une mer sans vagues. Regard balayant l'étendue qui séparait le sable de la ligne d'horizon, oreille au qui-vive pour capter le premier souffle et tourner prestement les yeux. J'ai vu à de nombreuses reprises le dos d'un cétacé, le temps d'un bref enchantement. Quelques secondes à peine mais peu importe : c'est magique !
En transparence et à longue distance, depuis une proéminence située à 300 m d'altitude
[et avec un bon téléobjectif !]
De la côte on voit rarement davantage que ça [par contre c'est parfois tout près]
Ou encore ça, pour les plus grosses baleines, à grande distance [le jet s'élève à plusieurs mètres].
Moins impressionants mais plus aisément observables, les rassemblements de phoques.
Tels de grosses saucisses, ils se font bronzer sur les rochers ou se livrent à des jeux aquatiques en poussant des grognements.
Et puis il y a les surprises...
Celle que j'ai eu lorsque, photographiant une scène de bord de mer...
... je vois en son centre un animal bizarre sortir des rochers et se diriger vers l'eau.
Un chien ?
Un gros chien noir ?
zoom
Euh...
Ah ben non, c'est pas un chien ! Et il se dirige vers moi !
On fait quoi, déjà, quand ce genre de plantigrade se dirige vers soi ? Tenter de l'effrayer ? Se dresser ? S'accroupir ? Faire le mort ? Partir en hurlant ? Oups... je ne savais plus. Je n'avais pas révisé mes leçons, aventurier de pacotille que je suis...
L'espace était dégagé, l'animal avait toute latitude pour se mouvoir sans se sentir menacé. Je n'ai pas bougé mais j'ai évalué la distance qui me séparait de ma voiture, à proximité, au cas ou il serait venu vraiment trop près de moi. Mais lui, avançant à son rythme sur la roche grise, puis farfouillant dans des buissons, était visiblement peu dérangé par ma présence. Il semblait placide. J'ai pris le temps de le photographier [mal, mais l'analyse simultanée de stratégies de repli perturbait ma concentration, je l'avoue], et même de le filmer. A une cinquantaine de mètres de moi il a bifurqué, remontant vers la route qui surplombait les lieux. Et là il m'a regardé droit dans les yeux, l'air de dire "moi aussi je t'ai à l'oeil" tout en continuant à avancer, pépère.
Voilà, j'ai vu mon ours. J'avais fait une rencontre similaire, il y a une vingtaine d'années, mais la fin de pellicule m'avait empêché d'en garder trace. Cette fois j'ai pu tirer son portrait !
Avec ma série "Impressions de voyage", vous allez finir par croire que
je suis sponsorisé par l'office du tourisme québecois !