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Alter et ego (Carnet)
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23 novembre 2013

Réversible

Ce matin, enfin à la lumière du jour quoique dans le brouillard, je suis allé faire un tour de mon jardin sinistré. Après mon exploration nocturne de jeudi je m'attendais un peu à ce que j'allais découvrir. L'ampleur des dégâts m'a quand même surpris. C'est pire que ce que j'avais aperçu. Je crois que la situation s'est aggravée avec le temps, les branches finissant par céder sous la persistance de la contrainte. Le bois vivant a beau avoir une étonnante souplesse, vient un moment où la limite de rupture est atteinte.

Une première estimation a mis en évidence les ruptures les plus flagrantes : arbres écimés, branches principales brisées. Vilaines blessures. Rien d'irrémédiable dans ce saccage, certes, mais une quinzaine d'arbres d'intérêt esthétique ou botanique majeur sont durablement défigurés, ayant perdu plusieurs mètres de hauteur. D'autres ont leur cime tellement arquée que je doute qu'elle puisse se redresser. Leur silhouette pourrait bien en être fortement altérée, quoique je sache la surprenante capacité de redressement des ligneux. Après tout ce n'est pas la première fois que les éléments naturels malmènent mes arbres, même si je ne l'ai jamais connu dans de telles proportions.

Reste ce qui est encore sous la neige et dont je ne peux me faire qu'une vague idée, au vu de l'aplatissement par la masse blanche qui recouvre l'enchevêtrement de branches. C'est en dessous que je découvrirai, lorsque la neige disparaitra, les végétaux qui auront résisté, ou pas, à la rupture.

J'ai essayé de secouer les branches les plus chargées mais je me suis rapidement rendu compte de mon impuissance. Beaucoup de d'entre elles sont trop hautes, hors d'atteinte de la grande perche que je manipule pour détacher les paquets de neige. Quant aux plus basses, elles sont prises dans la masse blanche, maintenant durcie, qui recouvre le sol. Il n'y a donc rien que je puisse faire...

C'est dans ces circonstances que la capacité à "lâcher prise" est importante. À quoi bon résister quand on ne peut rien faire ? Autrefois j'aurais été profondément atteint par cette destruction, car mon rapport aux arbres est fort, assez viscéral. Celui que j'ai envers ceux que j'ai fait naître et vu grandir, qui constituent mon cadre de vie, l'est plus encore. Il y a une forme indéniable d'attachement. Ces arbres je les connais depuis longtemps et leurs promesses étaient inscrites en moi. Je me réjouissais de les voir grandir, prendre en maturité, s'épanouir. Pour certains d'entre eux il y avait un attachement plus particulier, parce qu'ils étaient les plus beaux, les plus grands, les plus rares. Alors les voir malmenés ainsi, ça m'atteint. Ça me chagrine, ça m'attriste.

Aujourd'hui je me rends compte que la philosophie du détachement qui m'anime m'évite de sombrer dans l'accablement. Certes le spectacle de désolation est triste, mais j'accepte plutôt bien cette fatalité. Et j'en suis presque étonné ! Le travail au long cours que j'ai fait pour accepter les ruptures relationnelles semble avoir été efficace bien au delà de ce registre. J'ai l'impression qu'il s'est étendu à tous les rapports que je peux avoir face à l'adversité. Je le pressentais, mais j'en ai là une confirmation. Il y a cependant une particularité à la perte que j'évoque ici : elle n'est que partielle, et pas totalement irréversible. Je réagirais probablement différemment dans le cas inverse...

Commentaires
F
Rien n'est figé, Pierre, rien n'est définitif. La vie reprend toujours le dessus. <br /> <br /> J'avais lu une histoire, je ne sais plus où, l'histoire d'un arbre que l'on coupait à sa base, il ne restait plus que le tronc qui dépassait légèrement du sol. L'arbre semblait mort. Mais en fait, le temps passant, plein de petites tiges étaient sorties de son tronc. L'arbre que l'on croyait mort donnait vie à une multitude de futurs petits arbres. J'avais beaucoup aimé cette histoire. Et ton billet m'y a fait repenser. :-)
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L
Qu'est ce que la vie ? C'est profiter des bienfaits qu'elle nous donne. C'est surtout Aimer et pour aimer, on s'attache .....et quand il faut se détacher on souffre .... Alors, pour ne pas souffrir, il faut ACCEPTER, surtout les évènements qui sont indépendants de notre volonté. C'est en avançant dans l'âge qu'on peut faire un travail sur soi qui parfois est très long. Je vois que vous y êtes parvenu. Moi aussi. Faire partager votre expérience ne peut être que salutaire. Belle leçon sur le détachement.
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A
Ton billet m'affecte beaucoup et me touche énormément.<br /> <br /> Il y a quelque chose d'injuste à devoir subir l'action de la nature, à cause de l'attachement singulier que l'on entretient avec elle. L'attachement à tes arbres, je crois le comprendre, parce que justement ils étaient « les tiens ». Ils sont partis prenante de ton existence. Et en même temps rien ni personne ne nous appartient vraiment…<br /> <br /> <br /> <br /> « Il n'y a donc rien que je puisse faire… »<br /> <br /> C'est prenant une telle phrase. Enfin, moi, elle me prend… Sans doute parce qu'elle rejoint quelque chose de ma propre condition, de mon physique, de ses limites définitives, avec lesquelles il faut bien « que je fasse » tout en ne pouvant rien faire…<br /> <br /> <br /> <br /> Alors oui, détachement… Mais il n'y a de raison d'être à celui-ci que parce au préalable un attachement s'est effectué, et dont on ne peut pas faire qu'il ne soit pas. L'attachement n'est pas véritablement en notre pouvoir direct. Il s'installe. Presque notre insu parfois. Parfois on n'en prend conscience lorsqu'il disparaît. Que l'autre disparaît. Alors, en effet, comme tu le dis, le détachement peut-être un long parcours, le résultat d'un travail au long cours tel que tu l'exprimes.<br /> <br /> <br /> <br /> À travers ton billet, tu donnes une leçon de vie.
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A
Je ne suis plus très présente sur les blogs... du coup, j'apprends tard ce qui t'arrive. <br /> <br /> Je te fais juste un bisou affectueux... parce que je ne vois rien de plus à faire. Je comprends ta tristesse... et en même temps, la forme d'optimisme que tu montres.<br /> <br /> :-*
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B
Les arbres sont bien plus forts que nous....mais qu il est difficile de se détacher même de ses plantations quand il faut se détacher de tout...bon courage
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C
Tu vois, Lukéria, malgré mon accablement relatif, sur le moment, j'ai immédiatement pensé à ceux qui perdent beaucoup plus. Qui perdent leur maison, ou, comme on l'a vu d'innombrables fois, qui perdent aussi tout leur village, leur paysage. Ça ce doit être vraiment terrible !<br /> <br /> <br /> <br /> En d'autres circonstances j'ai "perdu" beaucoup et me suis effondré pendant quelques temps. Et puis progressivement j'ai découvert tous les bienfaits apparus consécutivement à la perte. Si bien qu'aujourd'hui j'en viendrais presque à me réjouir de l'avoir vécu :)<br /> <br /> <br /> <br /> En fait, comme tu le laisse entendre, c'est un choix : soit on admet que la perte est une opportunité de changement, et alors s'ouvre forcément quelque chose de nouveau; soit on s'accroche à ce qui n'est plus et on reste coincé dans un monde qui n'existe plus :(<br /> <br /> Dans le premier cas la douleur finit par être compensée par la nouveauté; dans l'autre elle prend toute la place, et devient même parfois une identité...
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L
Bien sûr que l'on est affecté par la perte, quelle qu'elle soit. Pour moi, le détachement, c'est ne pas être affecté durablement par cette perte. Je me souviens avoir vu une émission où une femme parlait de sa maison qui avait brûlé, et bien sûr, ce n'était pas que son toit qui avait disparu, mais tant de choses de sa vie. Elle racontait très bien l'écroulement qui avait suivi, son désespoir face à cette situation. Quand, enfin, elle avait réussi à accepter, de nouveaux horizons s'étaient ouverts à elle, elle avait pu changer complètement sa vie, ce qu'elle n'aurait jamais osé faire sans cette catastrophe, bien enfermée dans sa petite vie rassurante et son confort.
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J
Bonjour Pierre et bonjour à vous tous, <br /> <br /> Même si je continue assez régulièrement à venir te lire ainsi que les commentaires, c'est vrai que je ne prends plus le temps de venir écrire quelques mots...et pourtant, je n'oublie pas combien cela m'a fait du bien de venir ici partager un peu de ma vie...mais ce matin suite à tes deux derniers billets j'avais envie de venir t'envoyer un peu de courage (en sachant toutefois que tu en as déjà beaucoup!)...ce que j'apprécie dans ces deux billets c'est la manière dont tu parles des dégâts qu'a fait la nature, les mots que tu emploies, "lacher-prise, réversible, rien n'es figé, détachement...la philosophie du détachement qui m'anime m'évite de sombrer dans l'accablement. Certes le spectacle de désolation est triste, mais j'accepte plutôt bien cette fatalité."<br /> <br /> Finalement tout y dit, comme pour une remise en questions quand les choses ne vont plus très bien dans notre vie...c'est surtout cela que je retiens de ces billets, cette leçon de vie de la nature...Je sais que dans quelques jours, certes avec sûrement beaucoup de peine, tu sauras, non pas remettre ton jardin tel qu'il était, mais lui redonner une autre allure, une autre vie...peut-être même plus belle qu'avant! (sourire)<br /> <br /> <br /> <br /> Bonne continuation Pierre et Merci pour continuer à nous faire partager tes aventures...j'ai profité également de ton voyage...<br /> <br /> <br /> <br /> Bises,<br /> <br /> <br /> <br /> Josiane
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K
Bonjour Pierre,<br /> <br /> <br /> <br /> En vous lisant sur ce sujet, je suis partagée entre l'empathie que je pourrais exprimer et cette pudeur qui me retient.<br /> <br /> <br /> <br /> Belle journée
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C
Je suis désolée d'apprendre ce qui t'est arrivé et de ne pas avoir été plus présente ces derniers temps auprès de toi et de quelques autres de mes amis de blogs...il y a des périodes où mon travail me happe...et ou le temps m'échappe.<br /> <br /> Tu n'as quand même pas de chance. Après l'incendie, la tempête. Mais je constate avec joie que tu ne te laisses pas abattre par la morosité.Quelle force tu as! C'est exceptionnel. Je suis de tout cœur avec toi.Je partage ta tristesse et je te soutiens.
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