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Alter et ego (Carnet)
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8 février 2014

Zone de risque

C'est arrivé subitement, sans que je m'y attende à ce moment-là. Je ne pourrais pas dire que n'aurais jamais cru que ça puisse m'arriver puisque je suis vigilant sur ce point : je sais que ma fonction et mon implication m'y exposent particulièrement. Mais bon, là j'ai senti que je m'approchais de la zone de danger.

J'étais en plein travail surmenage, en train de lire un compte-rendu du conseil d'administration quand soudain une phrase me concernant m'a fait vaciller. Un peu plus bas deux autres phrases m'ont paru être les ballons d'oxygène qui pouvaient me sauver. La juxtaposition des contraires m'a pompé toute mon énergie en quelques secondes. Vidé, je me suis retrouvé là, assis bras ballants, inerte. Je lâchais.

Non, je n'ai pas été victime d'une crise cardiaque. J'ai simplement senti physiquement que j'étais tout près de mes limites. Cet épuisement instantané, alors que j'étais encore sous pression quelques secondes auparavant, était un message de mon corps. Je l'ai immédiatement capté. Oh, rien de grave. Seulement une alerte : burn-out droit devant ! Là j'ai senti qu'il fallait que je fasse quelque chose immédiatement. C'est peut-être le signal dont j'avais besoin pour enfin me décider à agir. J'ai tout de suite cherché à joindre le superviseur de ma directrice ("n+2", en langage technocratique) pour demander un entretien. Il m'a été accordé sous trois jours, ce qui m'a d'abord paru long mais me laissait le temps de préparer ce que j'avais a exposer.

Démarche un peu délicate, parce que mettant directement en cause la légitimité de ma supérieure. Mais là c'était elle ou moi...

Alors j'ai affuté mes arguments, sous forme de constats, de ressentis, de besoins et de propositions. J'avais sous la main tous les éléments, préparés depuis des mois. Il m'a suffit de clarifier un peu mes idées et me laisser porter par mes ressentis du moment. Je me suis préparé un petit topo, histoire d'avoir un support face à "Mr n+2", homme très pragmatique et qui m'impressionne un peu par son assurance et sa capacité de décision. Avec mes documents, face à lui, je n'ai plus eu qu'à suivre mon fil conducteur, le développant au cours de l'entretien. Et là j'ai tout posé sur la table : les enjeux pour "l'entreprise", les risques, y compris celui de mon épuisement, l'entrave que constituait l'inconsistance de ma supérieure, à la fois insaississable et subitement autoritaire. "Mr n+2" m'écoutait attentivement, essayait de comprendre, opinait ou apportait un contrepoint. Quand il m'a demandé ce que j'attendais de lui comme intervention auprès de ma supérieure, je lui ai clairement dit que je préfererais ne plus dépendre d'elle, mais de lui. Que je n'avais pas besoin d'elle pour faire "tourner la boutique", qu'elle était manifestement dépassée, ne répondait que partiellement à son poste et n'avait pas toutes les compétences que sa fonction demandait.

Pas facile de lâcher un tel morceau ! D'autant moins que je ne veux pas nuire à ma supérieure, ni l'accabler. Mais le constat est là : "Mme n+1" n'est pas en capacité d'atteindre ce dont j'ai besoin de sa part...

Humainement je ne me suis pas senti très à l'aise de pointer sur un grave dysfonctionnement en pensant à ce que ça allait peut-être déclencher comme conséquences pour ma supérieure, mais professionnellement il fallait crever l'abcès : mes homologues ressentent la même défaillance et s'épuisent comme moi face à l'incapacité de cette personne à assumer correctement son rôle. Et mes collaborateurs, sentant bien qu'ils ne sont pas écoutés par la hiérarchie, se démotivent. C'est donc aussi leur intérêt que j'ai défendu, en même temps que ceux de notre structure...

Concrètement je n'ai rien obtenu dans l'immédiat, mais je ne le demandais pas. Je sais que le problème que j'ai soulevé va très probablement "remonter" encore plus haut, vers le président du conseil d'administration. En attendant nous avons décidé, avec "Mr n+2" de continuer à jouer le jeu : que je « fasse semblant » pour ne pas tout bousculer. L'ironie de tout ça c'est que LA phrase qui ma décidé à agir, celle qui m'a fait vaciller, énonçait que le conseil d'aministration venait de réaffirmer le positionnement de ma supérieure... après qu'elle ait eu l'impression que son supérieur, alias "Mr n+2", ne lui faisait pas suffisamment confiance. Aujourd'hui, en quelque sorte, j'ai confirmé cette défiance en venant dire qu'elle n'était pas à la hauteur et que je ne voulais plus travailler sous son autorité...

En sortant de l'entretien je me suis senti soulagé : il était important pour moi que ces choses soient dites et entendues. "Mr n+2" m'a remercié de l'avoir informé, je l'ai remercié de m'avoir écouté.

Quelques heures plus tard je me sens vaguement coupable-mais-pas-trop : et si j'avais brossé un portrait exagérément terne de ma supérieure ? Et si, faute de nuances, mon discours était allé plus loin que mes pensées ? Et si, en disant que je ne croyais pas à son évolution, j'avais abusivement fait usage de préjugés ? En même temps je me dis que, depuis le temps que je la vois fonctionner ainsi, l'appréciation que je porte est loin d'être infondée. Il n'empêche que je trouve difficile de plaider une cause au détriment d'une autre personne. Surtout au moment où elle-même est en délicatesse avec son supérieur. J'ai un peu l'impression d'avoir « tiré sur l'ambulance »...

 

Info sur ce thème : 

Commentaires
M
Mon avis c'est que l'enfant peut mener l'adulte par le bout du nez : vu qu'en le construisant, l'adulte a coupé les ponts avec l'enfant qu'il a été et n'a plus de prise sur lui. Par désespoir, on peut reprendre contact, réapprendre à parler l'enfance , le rassurer, le penser en le pansant, à découvrir quelle blessure d'enfant se cache derrière telle réaction d'adulte. Et puis un jour on profite de ses richesses, avec toutes les contradictions dont tu parles, mais oui il ne faut pas qu'il ait que ça; il y a une vie d'adulte à construire, au présent avec des préoccupations et des questionnements d'adultes et quand on connait bien l'enfant qu'on a été, qu'on rediscute avec lui des enjeux dans la situation réelle et des priorités, alors là il y a moins de l'enfant dans nos réponses d'adultes.
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C
Hmmm… intéressant, Mélodie7, ce dernier aspect : « Il y a du petit qui dit que l'autre c'est mal et moi c'est bien, une manière de tenter de récolter un joli regard de la chef-maman. »<br /> <br /> <br /> <br /> Il peut y avoir de ça, en effet. Il ne faudrait pas qu'il n'y ait QUE ça…<br /> <br /> Ne reste t-il pas longtemps des parts d'enfant dans l'adulte en construction ?
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M
J'ai fait de même il y a qques semaines en rencontrant l'inspectrice de circonscription.<br /> <br /> J'ai raconté mots couverts les persécutions que j'ai vécues.<br /> <br /> J'ai raconté à demi mots les souffrances de certains élèves.<br /> <br /> J'ai même dénoncé le capitaine ne tenant pas la barre du navire qui prend l'eau laissant le champs libre à toutes les violences.<br /> <br /> J'ai transmis le dossier, j'ai communiqué à la chef courbant l'échine face à la culpabilité. Celle qui fait germer les élans de doutes.<br /> <br /> J'ai mis quelques semaines à comprendre qu'il y avait un mélange d'adulte et d'enfant en moi quand je parle au chef. Il y a du petit qui dit que l'autre c'est mal et moi c'est bein, une manière de tenter de récolter un joli regard de la chef-maman.
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L
Avec des SI et des doutes on fini par ne plus avancer ou tourner en rond. A un moment donné il faut dire STOP et la décision que tu as prise n'a pas à te culpabiliser puisque c'est pour le bien de tous. Qui est l'ambulance ? Toi qui essaies de tirer l'être humain vers le haut ou ta supérieure qui se fiche pas mal des responsabilités qui lui incombent et qui finit par devenir invisible. C'est plutôt son égo qu'elle privilégie au détriment du collectif et je penserais plutôt que sa place serait mieux dans le privé. Tout en respectant les autres, on ne peut pas rester à regarder ceux qui brassent du vent, parfois il faut provoquer une tempête pour que tout redevienne calme et reparte sur de bonnes bases. Quant à l'organisation du travail, il y aurait effectivement beaucoup à dire .......
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K
"L'incompétent ne se rend pas forcément compte qu'il l'est "... faute de miroir ! <br /> <br /> Le système "supérieur/subalterne" sur lequel sont basées les relations de travail fait que personne ne lui reflète ses erreurs. Ça parle dans son dos mais pas en face !... forcément si on veut garder son emploi.
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K
Oui ce sont les conséquences qui sont difficiles à prendre parce qu'on a beau faire passer l'humain en premier, ce n'est pas nécessairement ce qui est important au yeux de l'autre et ce que cet autre fera de ce qu'on lui a confié ? de cela on en a pas le contrôle.<br /> <br /> J'ai vécu une situation semblable vis-à-vis un prof de chimie. Elle était nulle et tous les étudiants étaient d'accord sur ce sujet. Moi je voulais mon diplôme et après une longue réflexion j'ai décidé d'en parler à la direction. Pas facile du tout ! M'aider et aider tous les étudiants mais en même temps peut-être enlever son gagne-pain à cette personne ! Quel dilemme !
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C
Merci Edmée, pour ton avis rassurant :)<br /> <br /> <br /> <br /> Pour moi la saine colère venait du moi profond mais oui, peu importe, du moment qu'elle pousse à l'action. Et j'assumerai les conséquences.<br /> <br /> <br /> <br /> Hugh !
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E
Je pense comme Célestine que tu as fait ce qu'il fallait, même si certains aspects ne te plaisent pas. On n'aime jamais être le "mauvais", le justicier, et on s'accuse de ne pas avoir sur voir, mesurer, peser, sugar coater etc... Mais au fond tu as agi d'instinct, pas une impulsion du genre "donner un coup de poing" mais plutôt la saine colère de qui? Dieu, ton ange gardien, ton moi profond, l'instinct de survie... peu importe. Une force t'a fait voir et parler clair.<br /> <br /> <br /> <br /> Il y aura des conséquences. Et tu sauras les assumer parce que tu as "bien" agi. <br /> <br /> <br /> <br /> C'est tout... (Hugh!)
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C
Hé hé, Célestine, ton image d'ambulance écraseuse me plaît :)<br /> <br /> <br /> <br /> Je suis tiraillé entre le "sauve-toi" et le "épargne-là". Enfin... tiraillé c'est une façon de parler, parce que là j'ai clairement choisi. Il y a des moments où on ne tergiverse plus.<br /> <br /> <br /> <br /> Tu vois, quand je lis ce que tu racontes de cette réunion où on t'a parlé comme à une gamine (ah oui, toi aussi ?), je me dis qu'il ne faudrait jamais en arriver à perdre de vue l'essentiel. Dans mon billet précédent je parlais de "recadrage", estimant qu'il est parfois nécessaire pour le confort de tous, mais il est évident qu'il y a des situations qui font que le cadre s'efface. Et la situation que tu décris en fait partie. L'essentiel ça reste l'humain ! Et le cadre n'a d'intérêt que s'ils sert le collectif humain, et pas des intérêts hiérarchiques, ou économiques, ou je ne sais quoi.<br /> <br /> <br /> <br /> Cette "trop" grande sensibilité à l'humain fausse la perception, en effet. Je ne parviens tout simplement pas à imaginer que pour certaines personnes ça passe après tout le reste. Pour ce qui est de la configuration astrale du doute, je ne connais pas la mienne mais je suis certain d'en être très proche :)<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai (re)lu ton billet et je me rends compte de la chance que j'ai, sur ce plan-là, d'être dans une structure sur laquelle je peux agir (c'est d'ailleurs pour changer les choses que j'ai accepté mon poste). Faire face à l'institution "Education Nationale", c'est pas tout à fait de la même envergure :/<br /> <br /> <br /> <br /> Merci pour ce que tu partages, ça me fait du bien.
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C
Ta ta ta ...une ambulance qui, si tu n'y prends pas garde, t'enverra à l'hôpital en t'écrasant? Tu as, à mon avis, fait preuve d'une grande qualité que je m'efforce de cultiver, et qui permet de rester poli tout en ne se faisant pas marcher sur la gueule( désolée, il n'y a pas d'autre expression)<br /> <br /> Je veux parler de l'assertivité.<br /> <br /> Je m'identifie tellement à toi, depuis que tu parles de cette supérieure. Ayant quitté récemment une réunion où elle (la mienne) se permettait de me parler comme à une gamine de CM2, le fameux jour où ma mère est rentrée à l'hôpital, je me suis levée 10 minutes avant la fin en disant que ce jour-là, ma priorité était surtout d'empêcher ma mère de mourir, et là elle me répond comme un robot incompétent et autoritariste qu'elle est: " asseyez-vous, vous êtes sur votre temps de travail". Lol. Inutile de te dire que je me suis sauvée aux deux sens du terme. <br /> <br /> Je te comprends aussi dans les doutes que tu exprimes: nous sommes trop sensibles, trop humains pour seulement imaginer que certains ne le soient pas. Tu dois avoir mars en cancer dans ton thème astral toi: une configuration qui nous rend éminemment pleins de doutes et de remises en question. Mais j'apprends, depuis plusieurs années déjà, à convoquer mes forces intimes pour ne pas me laisser bouffer. Je ne peux que t'inviter à (re)lire ce billet:<br /> <br /> http://celestinetroussecotte.blogspot.fr/2012/04/qui-etes-vous-donc.html<br /> <br /> Que j'ai écrit un jour où j'ai senti les picotements du burn-out me titiller.<br /> <br /> Bien à toi
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