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Alter et ego (Carnet)
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25 juin 2014

Conversation bucolique

En 1964 mes parents achetaient pour une bouchée de pain une vieille ferme dans le Vercors. Ils rêvaient de restaurer cette masure sans aucun confort, ce qui se révéla rapidement irréalisable avec quatre enfants en bas âge. La ferme fût alors louée à un original qui refusait la modernité et s'éclairait à la lampe à pétrole. Une vingtaine d'années plus tard, l'original ayant trouvé un lieu plus adapté à sa vie spartiate, mes parents retrouvèrent l'usage de leur ferme. Les enfants devenus grands s'émancipaient les uns après les autres et le cadre champêtre offrait un point de ralliement attractif. Encore enthousiastes mes parents entreprirent des travaux pour aménager leur rêve. L'ampleur de ceux-ci était telle qu'il leur fallut beaucoup de temps, si bien que seule une partie de la ferme est devenue habitable. Le reste garde encore toute l'authentique rusticité d'un mode de vie âpre, disparu de nos régions. C'est d'ailleurs cette rudesse qui fait le charme de la vieille bâtisse, appréciée par les générations suivantes pour des séjours entre forêts et prairies de montagne.

Cinquante ans après leur achat mes parents sont désormais loin de leur insouciante jeunesse et ont perdu pas mal de leurs capacités. Il leur est devenu difficile d'assurer l'entretien. Il a donc été décidé cette année d'organiser des week-end familiaux, laborieux et conviviaux, permettant se se retrouver en nombre pour s'entraider. La semaine dernière nous étions ainsi une quinzaine, étalés sur quatre générations, pour repeindre des volets, ranger du bois, couper les hautes herbes. Et il y a deux jours, de nouveau, une petite partie de la famille s'est retrouvée dans la vieille ferme. Il y avait là ma soeur et son mari, ma fille et son compagnon, mes parents. Et moi, en solo comme d'habitude. Week-end modestement besogneux puisque les temps de repas et de discussion se sont largement étalés. Après tout, l'essentiel reste le moment de convivialité et d'appréciation du cadre bucolique...

 

 

DSC01953

Paysage du Vercors

 

 

À l'heure d'un petit goûter bien mérité, et alors qu'il était question d'une sombre histoire de divorce au sein de la famille, je me suis contenté de suivre les échanges. Je percevais les inquiétudes, écoutais les avis, repérais les idées préconçues, mais sans prendre part à la conversation. Mon mutisme a été remarqué, me poussant à déclarer que pour moi il était vain de tenter de s'immiscer dans la dynamique d'un couple : c'est une histoire intime dont les éléments extérieurs ne peuvent avoir qu'une idée bien trop vague pour prendre parti. Tout ce qu'on peut faire en la matière c'est écouter, si toutefois l'un des protagonistes à envie d'en parler.

Connaissant mes idées sur les relations d'intimité ma soeur fit une digression en rapportant les récents propos d'une de ses amies. Cette dernière, lorsqu'elle était enfant, a été élevée selon un modèle relationnel un peu particulier : sa mère avait ouvertement un amant. Banal, me direz-vous. Ce qui l'est moins c'est que la femme de celui-ci était l'amante du mari de la première. Les deux couples "croisés" étaient donc très proches et partaient régulièrement en vacances ensemble. Pour l'amie de ma soeur ce modèle de partage était sa référence et manifestement cela ne lui avait posé aucun problème. Jusqu'à ce qu'elle-même se mette en couple avec un homme exclusif. Elle a alors a vite compris qu'il ne lui permettrait pas de reproduire le modèle parental, ce qu'elle a d'abord accepté. Cela a duré une vingtaine d'années sous cette forme. Sauf qu'à la longue, n'avoir qu'un seul partenaire, toujours le même, lui a semblé un peu ennuyeux. Certes elle aimait cet homme, mais elle avait envie de davantage de diversité. Si bien qu'elle a fini par demander la séparation. Pas pour un autre homme, mais simplement parce qu'elle avait besoin de se sentir libre de ses rencontres.

Cette histoire m'a plu. Non seulement parce que je la comprends fort bien, mais aussi parce qu'elle contredit un certain nombre de clichés et que ça m'est toujours agréable.

 

 

Commentaires
L
Je voulais tout d'abord remercier On the Reef pour ses mots me concernant qui m'ont infiniment touchée.<br /> <br /> <br /> <br /> Et puis rebondir sur ce que dit Tuniviel sur les commentaires, en parlant de mon vécu chez Pierre. J'ai découvert le blog de Pierre en 2007 (j'ai lu aussi tout son journal intime), lors d'une séparation amoureuse très douloureuse. Ses billets m'ont accompagnée d'une manière très positive dans la compréhension de ce que je vivais avec mon ami et j'ai pu mieux vivre ces mois très difficiles, car quand on comprend, le regard change, on évolue, on ne s'enferme pas en soi avec sa seule vision d'une situation, on trouve une autre signification à ce que l'on vit. Et c'était très important que ce soient les mots d'un homme, le vécu d'un homme à un moment un peu semblable de sa vie. Les commentaires m'ont aussi beaucoup aidée. Quand je suis arrivée sur ce blog, j'ai d'ailleurs été frappée par la qualité des commentaires. <br /> <br /> <br /> <br /> Mais pendant très longtemps, je n'ai pas commenté, j'ai attendu pour le faire de voir clair en moi, mais surtout d'avoir retrouvé mon élan de vie, je n'étais pas là pour m'épancher, ce qui, à mes yeux, ne m'aurait rien apporté, encore moins aux autres. Mais chacun a sa manière de fonctionner, et je pense que d'autres peuvent y trouver un apaisement.<br /> <br /> <br /> <br /> Ensuite, j'ai commenté pendant des années, essentiellement sur mon vécu, espérant apporter aux autres ce que l'on m'avait offert et qui est si précieux. Durant toutes ces années, j'ai reçu aussi beaucoup, grâce aux billets de Pierre, je me souviens, en particulier, des billets sur le deuil, où j'ai pu exprimer et revivre des moments si douloureux de mon enfance et j'y ai trouvé une libération. J'ai aimé aussi tous ces échanges enrichissants de commentaires.<br /> <br /> <br /> <br /> Aujourd'hui, je vis un grand bouleversement dans ma vie, qui devrait être heureux à long terme, mais qui demande, comme bien souvent, aussi des renoncements à des attachements, et ce n'est jamais facile à vivre... C'est pour cela que je ne commente plus, car je me sens déstabilisée. Il me semble que ce n'est pas un état idéal pour commenter. Mais je continue à vous lire tous régulièrement.<br /> <br /> <br /> <br /> Enfin, je tenais à remercier Pierre et vous tous pour ce que vous m'avez apporté et que vous continuez à m'apporter.<br /> <br /> <br /> <br /> Et un jour peut-être, je reviendrai avec bonheur parmi vous...
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T
Auto-censure ? Oui, il y a probablement la volonté d'éviter des polémiques inutiles ou stériles à propos de certains sujets qu'on sait sensibles. <br /> <br /> <br /> <br /> Et il y a aussi, je crois, la sensation que parfois, il est plus profitable et nourricier de se taire que de parler. Que certaines choses sont décidément de l'ordre de l'intime incommunicable. Qu'il est vain de tenter de commenter le chemin des autres ou de parler du nôtre... chacun arpentant sa propre voie, qui n'existe que pour lui/elle seul(e).<br /> <br /> <br /> <br /> Il y a sûrement aussi le fait que, d'un jour à l'autre, nos commentaires seront différents. Selon notre humeur du moment, notre vécu particulier du jour, nos doutes et questions qui s'amusent à jouer les balanciers d'horloge, nous ne ressentirons/dirons/comprendrons pas la même chose ni de la même manière.<br /> <br /> <br /> <br /> Il y a aussi cette question, qui rejoint celle que Pierre soulève souvent à propos de ses billets et de son écriture, d'ailleurs : pour quoi, pour qui commentons-nous ? Pour nous-même ou pour les autres ? Pour nous aider à éclaircir notre pensée ? Pour convaincre l'autre ou nous auto-convaincre ? Pour nous montrer à la galerie et prouver à quel point nous sommes "cool" ? Pour faire un signe discret qui signifie "je te lis, j'aime te lire et ce que tu dis m'intéresse" ? Pour répondre à un élan spontané, soulager quelque chose en soi ? Pour tenter de rentrer en communication avec l'Autre dans un enième espoir que cela fonctionne mieux que d'habitude ? Pour faire un exercice de dialectique egotique ? Tellement de motivations peuvent générer des commentaires.<br /> <br /> <br /> <br /> Alors la CNV, oui, c'est un bon outil. Mais souvent ça ne reste qu'un outil, une technique qu'on emploie. Le plus important étant l'intention que l'on met dans une parole vers l'autre, même si cette parole est parfois maladroite, ou artificiellement adroite, ce qui au fond revient au même. Mais si l'intention est harmonieuse, je pense que la parole finira par l'être, même après quelques hoquets.<br /> <br /> Je pense tout haut là, peut-être n'est-ce pas clair ou cela ne sert-il à rien, mais voilà... pour quelle raison voulais-je commenter encore ? ... :-)
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O
J'ai un petit bouquin sur la pratique de CNV. Ce fût fort intéressant de le lire. J'ai un petit bouquin sur les émotions aussi... Tous deux offert par la même amie... C'est incroyable comme - quand on décide de pratiquer cette communication - tout devient plus simple. Même avec des gens ne la pratiquant pas. <br /> <br /> <br /> <br /> En tout cas, ici, s'il y a bien quelqu'un dont les mots me manquent, c'est Lukéria. As-tu des nouvelles ? <br /> <br /> <br /> <br /> Je lis ce que tu écris, je l'entends un peu une forme d'auto-censure, mais plus par expérience de ce que peuvent devenir des échanges. Je sais que tu tiens ton blog depuis très longtemps. Et figure toi qu'on m'a fait découvrir ton journal en ligne il y a peu... je ne l'avais vu dans la longue colonne de gauche.
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E
Vrai que parfois des gens échappent au schéma. J'ai connu une Italienne, tout à fait inculte, rustre et bonne vivante, qui avait un amant. Tous les week-ends, elle les passait avec lui et laissait mari et fils se débrouiller. Il y avait bien des disputes - surtout venant des fils - mais elle a tenu bon. Le mari est mort et elle a vécu avec l'amant après probablement 40 de "double vie"...
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C
J'aime cette façon de prendre part à l'héritage familial. Le retaper ensemble, en prendre soin pour le bien de tous, quel que soit le rythme et les ponctuations (agréables ou non).<br /> <br /> Je trouve cette forme de solidarité belle et forte.<br /> <br /> 6 ans que je vis en couple avec un homme que je ne vous que certains we et les vacances. Pour certain-es, nous sommes tout sauf un couple.<br /> <br /> Comme toi, je crois que l'intimité ne peut appartenir qu'aux concernés.<br /> <br /> Le Vercors.... on ne s'en lasse jamais ;)
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F
Voici donc pourquoi tu me parlais du Vercors l'autre jour sur l'un de tes commentaires. :-)<br /> <br /> <br /> <br /> Concernant la suite de ton billet, je pense que l'important est avant tout d'être en accord avec soi, quelque que soit la vie que l'on mène. Elle peut très bien correspondre à untel, et pas du tout à un autre. Et personne ne peut juger, personne ne peut dire si c'est bien ou non, car personne ne détient la vérité. Je déteste les gens qui critiquent ceux qui ne vivent pas comme eux, car ils se donnent la toute puissance, et sont bien présomptueux je trouve. Je n'aime pas les clichés moi non plus... :-)
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C
Tu décris bien la difficulté à vivre "hors-normes" : la répétition des remarques et allusions fait bien sentir toute la force de la norme sociale collective. Pour moi, autrefois très intégré dans cette normalité relationnelle, cela a été une surprise de voir les réactions dès que j'en suis sorti. Tout d'un coup les voix se sont élevées pour me faire rentrer dans le rang, arguant que les idées que je découvrais ne pouvaient être qu'utopiques, irréalistes, intenables et amener au chaos, à la perte des valeurs et à la décadence…<br /> <br /> <br /> <br /> Tu fais le parallèle avec l'homosexualité, qui encore trop souvent conduit au rejet. Heureusement les choses changent. Lentement, certes, mais inexorablement. Il en ira probablement de même en ce qui concerne la liberté relationnelle, dans quelques décennies. Car là aussi les choses évoluent inexorablement.<br /> <br /> <br /> <br /> Merci pour la photo ;)
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O
Moi aussi j'aime cette histoire. Cette femme qui va - retourne - vers ce qu'elle est elle, ce avec quoi elle se sent en accord, je trouve ça beau. <br /> <br /> <br /> <br /> De mon côté, j'ai passé 7 ans et des chouïas avec un homme sans vivre avec lui - seulement par intermittence. Parfois quelques jours, parfois quelques semaines. Les gens étaient souvent surpris, surtout après les 2 années. Après les 5 ans, ça été le pourquoi vous n'avez pas d'enfants... <br /> <br /> J'ai parfois l'impression qu'il y a - pour beaucoup - comme des passages obligés dans la vie, une façon commune de vivre sa vie...d'y faire des choix... et j'en ignore la raison.<br /> <br /> Comme hier soir - mais je n'ai vu que la fin - il y avait un reportage sur France 5 sur l'amour entre personnes de même sexe. Je suis tombée sur un jeune homme totalement rejeté par sa famille d'accueil dès l'instant où il leur a dit qu'il aimait les hommes... j'ai trouvé ça d'une tristesse et d'une injustice incroyable. Je pense pourtant que nous somme suffisamment, tous, intelligent et sensible, pour comprendre que l'on a qu'une seule vie et qu'elle est fragile. Et que la vivre telle que l'on s'y sent bien, soi, est ce qui prime. <br /> <br /> <br /> <br /> La photo est très apaisante, je trouve.
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