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Alter et ego (Carnet)
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28 juillet 2014

De l'engagement

Samedi j'étais au mariage d'une de mes nièces. La première de sa génération, dans la lignée familiale, à "s'engager" dans cette voie. C'est avec mon plus jeune fils (célibataire, 25 ans, cousin de la mariée) que je m'y suis rendu. Au cours du trajet qui nous conduisait vers les collines Genevoises celui-ci m'a demandé ce que je ressentais. J'ai supposé, sans lui demander confirmation, qu'il avait à l'esprit ma position depuis que j'ai consenti au divorce. Je lui ai alors fait part de ma perplexité face à un acte dont le sens est devenu très nébuleux à mes yeux : puisque l'on peut s'engager et se désengager à tout moment, et autant de fois que l'on veut, quel est le sens d'un tel engagement ? Pareille instabilité, je l'avoue, fait que je ne lui en vois plus, de sens. À moins que je lui en accorde trop par rapport à ce qu'il est censé être aujourd'hui ? Bref : je ne sais pas qu'en penser.

En assistant à la cérémonie civile j'ai donc écouté attentivement ce à quoi les époux s'engageaient mutuellement. Du point de vue de l'union proprement dite, c'est très court : « article 212 - Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance ». L'article 215, quant à lui, stipule : « Les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie ». Il n'y a là aucune question de durée, ce qui est bien normal puisqu'à tout moment le divorce peut mettre un terme à l'union et libérer entièrement les époux de leur engagement antérieur, hormis en ce qui concerne l'aspect familial, éducatif, financier, objet de trois autres articles de loi.  

En assistant à la cérémonie religieuse catholique, j'ai écouté tout aussi attentivement les paroles prononcées. À peu près les mêmes que civilement, à deux exceptions notables : les notions d'amour et de durée : les époux « se promettent amour mutuel et respect pour toute leur vie ». L'engagement étant sacré car pris « devant Dieu », il n'est pas question de lui mettre un terme pour quelque raison que ce soit. Ce qui est expressément rappelé : « ce que Dieu à uni l'homme ne doit pas le séparer ».

Les deux "engagements" sont donc radicalement différents et c'est de là que vient ma perplexité : l'un est révocable, tandis que l'autre ne l'est pas. Or dans les deux cas il s'agit bien de mariage... Accessoirement je note qu'il n'est pas question d'amour dans le mariage civil, ce qui est finalement assez logique, alors que le mariage catholique fait promettre, non sans quelque ambition, l'amour pour toute la vie !

Dans la soirée, c'est avec ma belle-fille (non mariée) que nous sommes revenus sur ce sujet qui, décidément, interpelle ceux qui sont potentiellement concernés à plus ou moins court terme. Là encore j'ai avoué ma perplexité. Ma belle-fille m'a alors parlé de la notion de présent : selon elle l'engagement est pris  « pour toute la vie... au moment où l'on s'engage ». C'est une intention de durée. On peut donc changer d'avis ensuite sans se sentir en porte-à-faux. Et de me citer en contre-exemple le cas d'un de leurs amis qui, quoique âgé et ne supportant plus sa femme, la détestant pour cela, ne divorcera jamais pour ne pas faillir à son engagement premier. Absurde, évidemment...

En réfléchissant plus loin je me suis rendu compte que le malaise que je ressens encore [ben oui...] par rapport à mon propre divorce n'est nullement lié à l'aspect civil mais bien aux paroles que j'ai prononcées lors du sacrement religieux devant la foule de ceux qui étaient venus assister à notre union. Parce que devant tous, et avec une conviction ferme et déterminée, je m'étais engagé « pour toute la vie » avec celle qui devenait ainsi mon épouse. Dans mon esprit cet engagement était irrévocable. Qu'ensuite je sois devenu athée n'a rien changé à l'affaire : Dieu [y croyais-je vraiment ?] a disparu mais tous les témoins de mes paroles demeurent [même si, trente ans plus tard, ça leur fait une belle jambe]. Or en consentant au divorce je me suis dédit. Je m'en sens bizarrement... fautif. Fautif d'avoir eu, le jour de mon mariage, l'outrecuidance de m'engager sans en mesurer vraiment la portée. Et comment l'aurais-je pu, aussi inexpérimenté de la vie que je l'étais ? Il n'empêche que je me suis engagé « pour toute la vie » ! Évidemment il m'était impossible de savoir ce que je deviendrais plus tard, ni ce que la vie m'offrirait... Pour cette raison j'en veux un peu à tout ce qui entoure cet "engagement" du mariage sur un modèle qui ne correspond plus à nos vies actuelles. J'ai l'impression d'avoir été dupé par mon éducation et un certain conditionnement culturel qui, il me semble, dure encore malgré le fort taux d'échec.

Rationnellement je sais bien que j'ai agi "pour le mieux", ayant bien assez soupesé les enjeux avant de prendre ma décision. Mais au niveau du sens que j'accorde à la notion d'engagement il y a quelque chose qui reste inconfortable. Bancal. Insatisfaisant. Peut-être parce que mon épouse, considérant que je n'avais pas respecté un des engagements qui lui paraissaient fondamentaux, s'est elle-même désengagée ? Ce faisant je ne pouvais qu'accepter sa décision, faisant ainsi un choix par défaut qui ne correspondait pas à ce que je souhaitais. Au final aucun des deux n'a pu être pleinement satisfait, même si chacun est parti vers de nouveaux horizons.

Aujourd'hui je militerais volontiers pour le mariage à durée limitée, reconductible après renégociation du consentement mutuel. Au moins les choses seraient claires. Quoique...

 

Ps : tout cela ne m'a pas empêché de me réjouir de l'engagement des jeunes mariés et de leur souhaiter "tout le bonheur du monde".

Commentaires
C
Oui, voilà la base de tout au fond : tout d'abord définir l'amour et ensuite comment continuer à le faire vivre, jour après jour, contre vents et marées ou simplement la routine ? Vaste sujet.<br /> <br /> j'aime beaucoup ce mot que tu utilises : "cheminement"<br /> <br /> C'est un chemin de chaque instant, sur lequel il faut faire avec nos humeurs, nos envies, nos désirs, nos attentes et ensuite faire avec l'autre et ses propres humeurs, envies, désirs, attentes....quel chemin ! !<br /> <br /> Pour toutes ces raisons, je n'arrive/ j'essaie de ne/ plus à voir l'amour sur du long terme mais sur l'instant présent, sans rien projeter sur l''autre.<br /> <br /> J'ai pour habitude de dire : "je ne veux rien de toi : ni mariage, ni enfant, pas même une vie commune ! par contre je te veux en entier = au moment où nous sommes ensemble, rien d'autre n'existe que l'intensité de ce lien unique."<br /> <br /> Peut-être une autre vision de l'amour....temporaire et en même temps toujours renouvelé...pas forcément plus facile à vivre pour tout le monde...et pour moi non plus....<br /> <br /> C'est étrange : en écrivant ce commentaire, je remets en question mes propres convictions....à réfléchir !<br /> <br /> Merci Pierre de nous permettre de réfléchir, partager et avancer vers soi et vers l'autre !<br /> <br /> Cath
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C
C'est un sujet sensible et je me permets de donner mon opinion. Tout d'abord, ne connaissant aucun d'entre vous, mes propos ne cherchent aucunement à blesser qui que ce soit. Ce ne serait que pure maladresse de ma part et je m'en excuse par avance. <br /> <br /> Au-delà du mariage, le couple est un questionnement permanent pour moi, surement parce que je n'ai jamais su en faire durer un. Je l'avoue.<br /> <br /> Aujourd'hui, lorsque je regarde un couple autour de moi, je me rends compte que les raisons qui unissent les gens sont parfois faussées dès le départ : chacun aime l'autre en toute bonne foi mais pour de mauvaises raisons, hélas. ça peut-être les conventions sociales, une envie de construire une famille, la peur de la solitude et même parfois l'appât d'un gain quelconque...mais qui fonde un couple pour "être" avec l'autre et pas seulement pour soi ?<br /> <br /> <br /> <br /> Quoiqu'il en soit, j'en suis arrivée à la conclusion qu'un engagement dans un couple (avec ou sans mariage civil ou religieux) est rarement basé sur un amour réciproque : le mariage devient un "fourre-tout" où chacun y met ses propres espérances ou désirs sur un avenir rêvé.<br /> <br /> Je crois que le vrai engagement est celui-ci :<br /> <br /> "je m'engage parce j'aime qui tu es, au plus profond de ton être et de ton âme"<br /> <br /> Et c'est ensuite que le chemin côte à côte se construit chaque jour pour évoluer ensemble sans laisser l'autre au bord de la route.<br /> <br /> Si cet amour là existe entre deux êtres, le mariage, sous toutes ses formes, peut alors prendre tout son sens. <br /> <br /> Utopie de ma part ? ? peut-être...<br /> <br /> <br /> <br /> Pas simple tout cela et grands questionnements encore et toujours...j'aurais pu encore faire plus long, tellement ça suscite de réflexions !<br /> <br /> Merci de vos témoignages;<br /> <br /> Cath
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C
Que sait-on quand on se marie à 23ans ? Pas grand chose mais ce que je savais c'est que je voulais étre mariée à cet homme que j'aimais et que je voulais avoir des enfants avec lui... C'est tout ce que je savais de mes désirs à cette époque.<br /> <br /> Par contre je déteste tout ce qui est cérémonie... mais il faut bien passer par là pour se marier civilement comme religieusement . <br /> <br /> Nous sommes mariés depuis 47 ans nous avons eu 5 enfants. Il s'en est passé des choses en 47 ans...beaucoup de chances se sont présentées ,nous les avons saisies chaque fois au vol, notre goût à tous les deux de l'inconnu et de l'aventure nous a fait voyager et habiter ailleurs dans d'autres pays... partir, quitter sa famille,son milieu social ,découvrir d'autres façons de vivre , d'autres amis , c'est une richesse qui cimente un couple .<br /> <br /> N ous sommes complémentaires: je suis imaginative, intuitive et pleine d'idées, et de désirs que j' exprime et c'est mon mari plus rationnel qui prend ensuite les choses en main... <br /> <br /> Le mariage c'est un travail autant qu' une aventure à temps plein de remise en question aussi ,<br /> <br /> Rien n'est jamais acquis pour toujours.Mais si c'était à refaire je referais ce chemin mais en mieux ...
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L
Eh bien, j'ai envie d'intervenir ce soir, car pour moi, il ne s'agit pas de renouveler un contrat (ni même un engagement), quelle horreur que ce mot de contrat, tellement opposé à une belle relation amoureuse vécue librement.<br /> <br /> <br /> <br /> Ce que nous faisons chaque nouvelle année avec mon amoureux, c'est de nous offrir une belle et longue cérémonie d'amour particulière, au cours de laquelle nous nous interrogeons sur l'évolution de notre relation durant l'année écoulée, les difficultés que chacun a pu rencontrer, réfléchir à la manière dont nous pouvons améliorer ce qui peut poser problème entre nous, et surtout continuer à évoluer ensemble. Cela demande d'avoir une écoute bienveillante et de savoir entendre et comprendre l'autre. C'est une tout autre démarche. Il ne s'agit pas de renouveler un engagement, mais d'exprimer un désir profond de poursuivre notre chemin à deux dans le plein épanouissement de chacun.
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C
Alain, je pense que tu mesures amplement la chance que tu as de vivre cette relation emphytéotique. Je ne doute pas que tu aies accompli cela grâce à ton chemin personnel. Je suis la première a t'admirer pour cela depuis que je te lis, et a me réjouir pour toi. Ce que tu ne mesures pas, c'est combien c'est culpabilisant de se dire que malgré toute sa bonne volonté, on n'est pas parvenu à cette osmose, à cette sérénité magnifique, même si trente ans, ça fait quand même un bail, certes ne méritant pas l'adjectif d'emphytéotique. Mais trente ans où j'ai quand même fait tout ce que je pouvais pour maintenir malgré les épreuves, malgré mes faiblesses de femme, mes contradictions, une relation de qualité avec le père de mes enfants. Mais rien n'est jamais acquis, en ce domaine, rien n'est certain, rien n'est simple, tout est remis en question souvent, et je ne sais pas de quoi l'avenir sera fait. Aujourd'hui, en lisant ton commentaire, je me sens un peu...comment dire? Nulle.<br /> <br /> Mais cela n'enlève rien à l'amitié que je te porte.<br /> <br /> :-)
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E
:-O Qui a parlé d'obliger les humains à devoir se renouveler comme un bail commercial? <br /> <br /> Pierre s'est-il levé dans la salle pour brandir cette obligation de mariage à durée déterminée? <br /> <br /> <br /> <br /> L'Amour durable entre deux êtres n'implique pas de devoir signer des papiers devant Monsieur le Maire et Monsieur le Curé ;)
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A
Quelle vision courte de promouvoir un mariage à durée déterminée, renouvelable pas contrats successifs.... !<br /> <br /> Quel manque d'ampleur et de confiance dans la vie et les humains de les obliger à devoir se renouveler officiellement comme un bail commercial !<br /> <br /> Je te croyais en progrès dans la confiance en l'autre....<br /> <br /> <br /> <br /> Ah mon cher Pierre.... que de chemin tu as encore à faire pour retrouver au fond de toi l'Amour durable entre deux êtres .... !<br /> <br /> <br /> <br /> Il est vrai qu'aujourd'hui la pensée socialement et politiquement dominante est celle des semeurs de doutes...<br /> <br /> <br /> <br /> Pauvre de nous !<br /> <br /> <br /> <br /> (Tiens justement on a fêté aujourd'hui nos 42 années de bonheur de vivre ensemble.... C'est un amour emphytéotique que nous avons célébré ! ...)
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C
Je me marie bientôt... Dans 9 mois exactement.<br /> <br /> Je commence à réfléchir à mes vœux car nous avons (enfin j'ai) souhaité une cérémonie laïque.<br /> <br /> Ta réflexion enrichit la mienne qui se construit depuis les premiers jours de mon "engagement" avec mon compagnon. Cela d'autant plus qu'autour de nous des couples se défont dans la douleur.<br /> <br /> Merci ;)
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C
Si je puis me permettre, la "part immuable de l'engagement" , les " limites de l'essentiel" ce sont évidemment les enfants, la famille que l'on a construite. D'accord avec Edmée en tous points. S'engager " pour la vie" avec un inconnu ( au départ) c'est tout simplement une folie. <br /> <br /> Alors que l'on n'a besoin de signer aucun papier, et de ne passer devant aucun maire ni curé, pour être sûr d'aimer ses enfants plus que soi-même et jusqu'à sa mort.
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E
Voilà bien où le bât blesse: on nous fait nous engager "pour toute la vie" alors qu'elle commence et qu'on n'en connaît rien. Nous n'aimerions plus accepter un boulot "pour toute la vie"... ou décider que nous porterons les cheveux courts ou longs "toute la vie". <br /> <br /> <br /> <br /> D'autant que les jeunes mariés amoureux vont être changés eux aussi par la vie: rencontres au travail, résistance ou pas au stress, découverte de son moi, de ses limites, forces et faiblesses. "Toute la vie", je pense, résiderait plutôt dans un serment qui dirait "je ne te chasserai pas de ma vie, quoi que tu fasses, en vertu de ce mariage qui aujourd'hui nous unit". Si on divorce ou se quitte, parce qu'on a eu des enfants, on se doit la fidélité de continuer de respecter l'autre autour de la famille qu'un jour on a commencée.
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