Jusqu'au dernier jour j'en ai profité goulûment mais, inéluctablement, l'automne doux et lumineux s'en est allé. Balayé par une tempête qui a dépouillé les arbres de leurs couleurs et fait chuter les températures. Il ne fait pas froid mais la prolongation estivale est bien terminée. Les forêts lâchent leurs derniers éclats d'or et de roux pour laisser place aux gris et bruns sombres de l'hiver...
Dix jours se sont écoulés sans que je n'écrive ici. Aucune inspiration, ni même aspiration à mettre des mots sur des idées. Une seule phrase m'est venue, que j'ai conservée sans rien en faire : « Mettre des mots sur ses pensées c'est comme mettre un pied devant l'autre : ça permet d'aller plus loin ». En la relisant aujourd'hui l'idée de mouvement me frappe. Elle s'oppose à l'impression d'immobilisme que je ressens actuellement et dont ce blog se fait témoin. Je n'écris presque plus ici, ne ressens plus cette nécessité qui m'a animé durant tant d'années. Le contraste m'étonne un peu, m'interroge : qu'est-ce qui a changé ?
Un récent billet d'Alainx me donne une réponse partielle. Après s'être demandé s'il n'était pas « arrivé au bout de l'écriture intime et personnelle », il établit un lien entre introspection et « faire chiant ». Association d'idée reprise par Célestine qui, habilement contourne l'écueil du "je" en cédant le clavier à son greffier...
Quelques jours plus tôt c'est Lauriza qui, en faisant une mise au point, affirmait son peu d'appétence pour l'écriture personnelle : « Je ne suis malheureusement ou heureusement pas de celles qui étalent leur vécu. C'est peut être une forme de pudeur pour me protéger d'une curiosité et/ou d'une compassion malsaines. ». La notion du "malsain", quoique je la connaisse bien, m'a surpris. Elle a été reprise dans certains commentaires, en particulier dans cette phrase : « ça n'est pas intéressant de livrer sa vie à la vue de tous ». J'ai retrouvé là le reproche, que j'avais un peu oublié, fait aux tout premiers écrivants de l'intime sur le web : parler de soi publiquement est impudique. Une opinion prolongée par cet autre commentaire : « Nos moments d'abandon, de découragement... [...] pourquoi les décortiquer et les mettre en vitrine ! »
Mon positionnement est tout autre puisque je suis friand d'écriture personnelle, intime, introspective, analytique et décorticante. Cette écriture que, semble t-il, pas mal de personnes trouvent "chiante". Mais moi j'aime qu'une personne m'offre l'accès aux profondeurs de son être, à ses questionnements, à ses doutes et turpitudes. J'y trouve cette matière humaine par laquelle je me construis. Malheureusement ce type d'écriture tend à se raréfier dans le monde des blogs. Il est vrai que ceux-ci, parce qu'ils sont exposés aux commentaires les plus divers, ne s'y prètent guère. Ce que l'on gagne en convivialité on le perd en intimité. Pourtant je crois qu'il est important de se sentir lu et compris, voire encouragé, lorsqu'on ose cette démarche de partage. Écrire pour soi et seulement soi n'a pas le même effet, ne produit pas la même énergie. La "présence" d'un cercle de lecteurs est stimulante, et plus encore si elle permet la confrontation d'idées, voire le débat fertile. Reste à savoir demeurer soi sans se disperser dans l'altérité plurielle...
Le changement que je constate dans mon rapport à l'écriture, depuis quelques temps, est peut-être simplement dû à une prise de recul involontaire. J'observe. Mon immobilisme apparent n'est probablement que recherche d'un nouvel équilibre, entre intimité et discrète convivialité. Ou préparation à tout autre chose ? Il y a tant de sujets d'importance majeure qui me titillent les neurones...
Bonne pause :)