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Alter et ego (Carnet)
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6 décembre 2014

Où va le monde ?

Cette semaine j'ai participé à une formation qui a débuté ainsi : vous faites un métier de schizophrènes. La schizophrénie en question consiste à allier approche humaine et système économique. D'un côté, au coeur du métier, il s'agit d'accompagner des personnes en grande difficulté d'emploi. C'est notre objectif premier, notre raison d'exister... et ce pour quoi l'état nous alloue un financement. D'un autre côté nous sommes soumis à une logique économique qui exige que nous financions toute la part non prise en charge par l'état. Nous devons donc aussi être rentables. Humains et productifs.

Tout système économique est basé sur cette double approche : il faut tenir compte à la fois des besoins de l'humain et des besoins de l'économie. Partiellement contradictoires, ces besoins peuvent tout aussi bien se stimuler l'un et l'autre que s'anéantir. Tout se joue dans un subtil équilibre, optimum idéalement décidé avec intelligence, donc écoute réciproque et concertation. Mais des enjeux de pouvoir peuvent vite éroder l'une ou l'autre des composantes et conduire à un profond déséquilibre, potentiellement destructeur du système.

Chaque jour nous sommes témoins de cet affrontement, dans le monde de l'entreprise comme dans celui du service public.

Samedi dernier, par exemple, une manifestation était organisée dans ma commune pour tenter d'empêcher la fermeture du bureau de poste. La poste, service public privatisé, est en effet soumise à la raréfaction du courrier papier... et à des intérêts privés avides de dégager de substantiels revenus. Dans cette logique, tout ce qui n'est pas hautement "rentable" est peu à peu supprimé... et tant pis si les habitants des zones rurales n'ont plus de bureau de poste à proximité. Tant pis si le personnel de la poste est soumis à des conditions de travail de plus en plus instables. L'humain est sacrifié au profit de l'économie. Dérapage préjudiciable qui, à l'échelle d'un territoire, peut avoir des conséquences à long terme sur son attractivité, donc sa survie. Pour l'anecdote, nous n'étions qu'une trentaine à manifester... alors que plusieurs milliers d'habitants des villages alentour subiront l'impact de cette femeture.

A une autre échelle, un gigantesque projet d'aménagement privé sur 150 hectares de domaine public est en train de susciter une contestation croissante dans ma région. Là encore deux logiques s'opposent : créer des emplois dans un bassin de vie en voie de désertification, ou maintenir un environnement de qualité pour les populations. Élus favorables ou défenseurs de l'environnement, chacun est sûr de son bon droit en tentant de définir une des logiques comme plus importante que l'autre. Dialogue de sourds, évidemment...

Dans ma commune les habitants voudraient moins payer d'impôts... tout en demandant davantage de services. Mais on retrouve cette schizophrénie à l'échelle de l'intercommunalité, du département, de la région, de l'état, de l'Europe. Chaque arbitrage donne lieu à contestation, ne satisfaisant jamais vraiment ni durablement aucune des logiques opposées.

Quant à la planète, notre belle « maison en feu » que chacun (?) aimerait voir préservée intacte, elle est inexorablement grignotée par nos appétits insatiables. Schizophrénie là encore, qui veut que nos désirs de croissance et de prospérité soient garantis alors qu'on sait que cela ne peut être qu'au prix exorbitant de la destruction de notre habitat.

Je me demande où va le monde...

 

IMGP0980

Nature en montagne... et voile de pollution dans la vallée

 

 

Commentaires
S
bonjour Pierre ce qui est très beau avec vous c'est que vous échangez véritablement avec vos "commentateurs" c'est cela qui rend "heureux" sur votre blog, merci bonne journée Pierre
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C
Comme ce message me parle !<br /> <br /> Je deviens schizophrène lorsque le taux de chômage dépasse les 9 % mais que la part administrative de mon métier ne cesse de croitre.<br /> <br /> Je deviens schizophrène lorsque je ne cesse de voir la précarité galoper et que la seule réponse des politiques réside dans le fait de proposer des contrats aidés.<br /> <br /> Je deviens schizophrène lorsque ce sont des cadres déconnectés du terrain qui impulsent les politiques de territoire en matière d'emploi : sans nous donner de moyens supplémentaires, sans créer de partenariat avec l’entreprise, sans rien comprendre à notre métier qui est attaqué de toute part.<br /> <br /> Je deviens schizophrène... et n'ai plus envie de me battre.
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S
et tout de m^me un petit coucou à Pierre ....que je ne commente pas tjrs mais que j'ai tjrs plaisir à lire :) hé bé voui .....
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S
cher Pierre vous avez mis le feu aux commentaires n'est ce pas...intéressant<br /> <br /> comment harmoniser des choses aussi contradictoires? chacun sa solution? ou les solutions doivent-elles êtres collectives? un peu des deux? hum..belle journée à vous Pierre
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A
Où va le Monde ?<br /> <br /> Voilà une question que me laisse largement indifférent... Surement vers sa disparition quand le système solaire sera à bout de souffle.... comme c'est pas pour demain matin, je vis ... comme je vis....<br /> <br /> La "maison en feu" ? Ah ! Surement par ma faute.... <br /> <br /> culpabilité judéo-chrétienne, quand tu nous tiens par les "choses" !!<br /> <br /> <br /> <br /> Un nouveau paradigme ?<br /> <br /> Ben on y est ! non ?<br /> <br /> Celui de notre Beau Système Kapitaliste libéral et inégalitaire, que tout le monde désire voir prospérer de plus belle pour notre bonheur consumériste frénétique... (les magasins regorgent des consommateurs dépensiers pour les sacro-saintes-festouilles-de- Noyelle ! - Même les pauvres auront leur petit panier et leur pot de beurre offert pas Saint Danone !)<br /> <br /> Toutes les enquêtes d'opinion en font largement la démonstration quotidienne. Nos politiques de tous les bords réclament la Déesse-Croissace, LA Reine suprême de ce paradigme délicieux !<br /> <br /> Il y a bien quelques irréductibles gaulois-écolo qui tentent de résister à l'envahisseur, mais ils seront nécessairement matés par le Pouvoir-Kapitalist' ! aux mains de la Finance... depuis toujours ... (c'est marrant on fait semblant de croire que ce serait "nouveau" que le fric mène le monde....)<br /> <br /> <br /> <br /> Même les écolos les plus purs ont renoncé au concept de "décroissance" au profit du "développement durable" ! C'est dire si on ne sait pas faire autrement que Croitre et se Développer.<br /> <br /> C'est génétique !!<br /> <br /> La seule Recherche qui compte, est celle du Prédateur Suprème... depuis la nuit des temps, depuis l'apparition du Vivant !....<br /> <br /> <br /> <br /> La science l'a trouvé : c'est le virus !<br /> <br /> Il nous survivra ....<br /> <br /> <br /> <br /> Où va le monde ?<br /> <br /> Vers sa fin ! Forcément !<br /> <br /> Avec ou sans "nous" la race humaine....<br /> <br /> autrement dit nous n'avons aucun pouvoir sur le devenir de ce sur quoi nous n'avons aucune emprise. (pourquoi des milliards d'humains vivant "ailleurs" renonceraient-ils à atteindre le seuil de gabegie qui est le nôtre en Occident, nous qui leur avons volé toutes leurs richesses ! - qu'ils oeuvrent à notre perte est bien légitime... Que les chinois rachètent la France petit à petit [encore qu'il faudrait dire : "grand à grand] c'est dans la logique des évolutions des civilisations qui naissent, vivent et meurent... La nôtre est en soins palliatifs.... )<br /> <br /> <br /> <br /> Ça s'appelle "la condition humaine"....<br /> <br /> <br /> <br /> Alors je me contente de faire mes petites BA (comme on disait dans ma jeunesse....). Je paye joyeusement mes impôts de riche ! Je fais des dons condescendants pour les petits pauvres, et pour la médecine ! Là c'est évidemment intéressé.... J'emmerde pas trop mes voisins, je raconte des conneries sur mon blog, je me "grabatérise" lentement, bientôt je sucrerai les fraises, je sentirai le sapin, et m'en irai ailleurs vers le paradigme des cimetières, écolo, pleins de beaux arbres, et fleuris pas la municipalité laique !<br /> <br /> <br /> <br /> Et basta !!<br /> <br /> <br /> <br /> (je vais encore me faire des amis ici.....)
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K
je crois que cette révolution "idyllique" ("utopique"?) ou changement de paradigme n'est pas une question de statut social. Cela reviendrait à dire que ceux dans la précarité ont d'autres chats à fouetter que leur Vie ! ? Pierre Rabhi touche toutes les classes sociales dans ces conférences, je suis le mouvement Colibris de la Ciotat, je peux vous dire que ce n'est pas réservé à une frange de la population. Dans toutes les classes sociales, la prise de conscience se fait ou pas, même dans la plus pauvre. Beaucoup se tournent vers les jardins solidaires pour se nourrir, car c'est plus gratifiant que de faire l'aumône à une assistante sociale, c'est un projet solidaire et coopératif. Et il y en a pleins dans une ville aussi grande que Marseille. En parlant de révolution, on ne s'adresse pas à la classe de ceux qui peuvent, mais de tous. Chez les plus aisés, certains ne veulent nullement changer de paradigme, d''autres oui. Dans la cité, certains jeunes pétaradent sur des motos, d'autres aident leur mère au fourneau. Je reçois beaucoup de critiques sur ma façon de vivre depuis deux ans. Je pense que cela les renvoie à eux mêmes, aux décisions qu'ils n'arrivent pas encore à prendre (par ex d'abandonner la voiture individuelle au profit du transport en commun ou covoiturage) et ils sont dans "l'excuse". Souvent, on me dit "c'est ton choix, moi, je ne pourrais pas". Pourquoi ce serait plus facile pour moi que pour les autres citadins?. La seule chose qui est facile pour moi est que mon fils adhère à 300 %. Je m'organise, me lève plus tôt et ma vie tourne autour de ce changement de paradigme, je m'efforce de mieux faire chaque jour. J'ai une manière toujours très optimiste et franche de poser les choses, mais rien n'est facile. Ce que j'ai voulu dire est que c'est maintenant que çà commence. D'ailleurs, au moment où j'écris, mon fils vient de se coucher, je le sais car il a éteint sa bougie, je le sens à l'odeur. Quand on peut éviter l'électricité, on le fait. Chaque petite chose oeuvrée éthiquement me rend fière. Il est temps d'agir et comme je ne suis pas superwoman, je le fais à mon niveau en essayant de m'améliorer et de ne pas me donner de fausses excuses. Si j'attends de pouvoir me payer une maison avec jardin avant d'agir, j'attendrais longtemps. Alors, çà peut surprendre, mais oui, je suis une vraie écolo qui vit en cité. Et pour la nourriture saine, cela fait des mois que je cherchais sur internet les meilleures façons de me nourrir, en en parlant sur les réseaux sociaux, jusqu'à apprendre qu'une petite maison pas loin de chez moi proposait des produits de son père fermier. Le bouche à oreille, la solidarité. Par exemple,sur cette même page facebook de ma ville, j'avais demandé s'il connaissait quelqu'un capable de réparer une chaine hifi, et bien un homme me l'a fait gentiment et gracieusement, un pur inconnu ! Si on reste dans notre individualisme, le changement de paradigme semble impossible. Mais ensemble, c'est possible. Même dans les grandes villes. Le seul truc, je vous l'accorde, on est pas encore assez nombreux. Mais j'ai foi en ce changement, cela me donne la pêche :) Bonne nuit à vous
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C
Désolée Pierre, suis un peu énervée ce soir ;)
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C
C'est une façon de voir les choses...seulement tout n'est pas aussi simple, surtout avec des personnes qui sont dans la précarité. Ne généralisons pas s'il vous plaît, une prise de conscience pour une certaine strate de la population, oui c'est bien, hélas, ce n'est pas toujours aussi facile d'aller chercher ses produits à la ferme du coin quand on habite une banlieue et au 15 eme d'une tour quasi désaffectée...quant à rénover ses meubles oui il faut du temps, du goût, l'envie tout simplement. Je joue la provocation là bien sûr, parce que j'ai bien saisi le sens de vos écrits. C'est une évolution un peu "idyllique" si je peux me permettre. <br /> <br /> Je me souviens d'il y a quelques années quand j'étais bénévole dans une asso d'aide alimentaire. J'avais beau proposer de beaux et bons produits, j'expliquais comment les préparer et bien on me réclamait des nuggets ou de la vache qui rit....alors oui...Prendre conscience c'est une bonne chose mais pas donner à tout le monde dans l'immédiat. Et ça c'était en France, que dire des pays en voie de développement...Tout n'est pas à rejeter en bloc il me semble, nous sommes quelques milliards à vouloir tout simplement vivre sur la planète, forcément ça use la dite planète...L'homme s'adapte, la terre aussi j'en suis sûre...même s'il en ira de la survie ou disparition de l'homme.
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K
Dans la même veine, un gigantesque et monstrueux Hyper A.... a ouvert une galerie marchande tout aussi monstrueuse dans ma ville de taille moyenne, ce bâtiment cache désormais les jolies petites montagnes méditerranéennes, bref une abomination. Depuis son ouverture, des catastrophes techniques laissent présager le pire.. notamment une passerelle Escalator qui s'est carrément effondrée, heureusement sans dommages humains. Je suis abonnée à une page Facebook de ma ville, très conviviale, mais hier, un statut a éveillé du dépit en moi. Une femme, vendeuse dans un des magasins a posté ceci : "Le calvaire est fini, la galerie ré-ouvre !" J'ai commenté sur le thème "calvaire" inapproprié à mon sens, et elle m'a répondu que ce boulot faisait vivre sa famille.. Que voulez-vous que je lui dise... J'ai répondu "bon courage alors".. Bref, pour moi, l'emploi est un faux problème. Si l'artisanat, les boutiques coopératives se développaient, des emplois ré-apparaitraient. Il y a 20 ans, bcp d'emplois sociaux n'existaient pas, on les imaginait même pas, c'étaient des "sous-métiers", alors qu'aujourd'hui, ils demandent une qualification certaine avec de nouveaux diplômes créés à cet effet. L'humain s'adaptera toujours car il est bourré de savoir-faire. Mais la planète peut être pas. Alors, on peut lier l'éthique à l'économie, j'en suis persuadée. On a pas besoin du gigantisme mais de la multiplicité. Il vaut mieux 5 exploitants à taille humaine qu'une utilisant des procédés honteux. La nature n'a pas prévu de surhommes pour accomplir ce qui est inhumain. <br /> <br /> Pour ce qui est des affrontements, un collectif pour projets inutiles en ZAD essaie d'utiliser des voies plus légales et directes. Mais la grogne est néanmoins nécessaire, c'est la voix de l'indignation immédiate. En espérant que l'humain soit préservé dans tout ce marasme.
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