Traditions et (re)présentations
Coup de fil de mon fils (30 ans), qui prépare son mariage en septembre prochain : « est-ce que tu aurais envie d'inviter des amis à toi pour l'apéro du mariage ? ». Surpris, je lui avoue que cette idée ne m'avait même pas effleuré l'esprit ! Tout en le remerciant je lui explique que pour moi c'est leur mariage et que, puisque je n'en suis pas l'organisateur, mes amis n'ont aucune raison d'être présents. Ce n'est pas moi qui "marie mon fils". Je ne me sens plus du tout faire partie de cette coutume, en vigueur lors de mon propre mariage, qui voulait que chaque couple parental invitât ses amis. Une façon d'afficher un accomplissement ? Une réussite dans la normalité ? Bon, vu que les parents payaient le mariage, il aurait été malvenu de leur dire que leurs vieux potes ne nous intéressaient pas plus que ça...
Dans notre société, alors que le mariage est censé résulter d'un libre choix, je trouve un peu bizarre que des parents invitent leurs amis au mariage de leur enfant. Sauf si, bien sûr, lesdits amis sont presque assimilés à la famille et connus de tous. De la même façon je trouve surprenant que perdure cette tradition qui veut que le parent du sexe opposé "accompagne" son rejeton jusqu'à la personne qu'il ou elle a choisi. Avec mon épouse nous l'avions refusée... ce qui avait un peu peiné nos parents.
Donc, hormis le fait d'être présent en tant que père du marié, je considère être un invité comme les autres et viendrai seul.
Il en aurait été autrement si j'avais eu une compagne "officielle", évidemment. D'ailleurs mon fils hasarda, un peu hésitant « je pensais que, peut-être, Artémis... ». Sauf qu'Artémis et lui ne se connaissent pas et que, si la question d'une rencontre s'est déjà posée, elle ne s'est jamais concrétisée. Dans mon esprit le fait de partager avec elle, de temps en temps, soirées ou week-end ne nécessite pas qu'elle soit "présentée" au cercle de mes proches. Si cela doit se faire ce sera au hasard des circonstances. Le mariage de mon fils pourrait en être une, bien sûr, mais il y aurait une trop haute portée symbolique dans un évènement familial de cette envergure. Mon ex-femme sera certainement accompagnée de son conjoint de fait, ce qui me semble juste, mais moi je me considère toujours comme vivant "libre" et en solo. C'est mon statut. Il n'est donc pas question que mon entente avec Artémis, éminemment instable et temporaire bien qu'elle dure depuis plusieurs années, puisse être considérée comme une relation "officielle" par la nébuleuse familiale, à qui il aurait fallu "présenter" cette personne à mes côtés... Et la présenter sous quel vocable ? Une/mon amie/amante/copine ? Six possibilités et autant de représentations pour les interlocuteurs [sans qu'aucune des combinaisons de mots ne fasse consensus entre Artémis et moi]. Bref, ce serait trop compliqué ! Mes enfants savent à peu près ce qu'il en est, et c'est très bien ainsi, mais je n'ai pas envie que le cercle élargi se livre à des élucubrations sur mon retour dans la normalité du couple. Naon, je ne suis pas "en couple" ; Non, je n'ai pas "refait ma vie" ! Non, je ne me reconnais plus dans le modèle traditionnel de mon entourage amicalo-familial !
Si tout de suite je me suis interrogé sur les motivations obscures de mon net refus, émis avant même d'en parler avec la potentielle intéressée, il m'a fallu un peu plus de temps pour réaliser que, si la vie avait pris un autre chemin, j'aurais certainement invité sans hésiter une autre amie...
Et là, finalement, je me dis que la décision de présenter l'ami(e) à la famille, ou pas, en dit long quant à l'avenir vers lequel on se projette.