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Alter et ego (Carnet)
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22 mars 2015

Des bénéfices secondaires de la victime

Avec "Aide-toi et le ciel t'aimera...", Edmée [dont j'admire envieusement le talent narratif et la fluidité scripturale] a rédigé un texte qui m'a "interpellé", comme on dit. Il y est question de ces individus qui, refusant d'être victimes des déconvenues que la vie a placée sur leur chemin, « se sont pris par la main ». Le sujet a résoné fort en moi, me poussant à laisser un commentaire :

« J’ai une sorte d’aversion pour ceux qui se voient en victime… parce qu’en eux je reconnais une part de moi, que je n’aime pas sentir se manifester. Oui, il m’arrive de penser, et même de dire, que « par la faute de l’autre » je suis dans une posture qui me déplaît. Or personne n’a le pouvoir de me contraindre à demeurer dans une situation qui ne me plaît pas ! Quand je prends conscience que par facilité j’accuse l’autre, ou m’en plains, je comprends enfin qu’il me revient de faire les efforts nécessaire pour bousculer la situation en place. »

Si je m'auto-cite sans vergogne c'est parce que le texte d'Edmée est à l'unisson de ma réflexion du moment [mais oui, je me suis remis à penser...] : en laissant perdurer une situation professionnelle qui m'est notoirement inconfortableest-ce que je ne me comporterais pas comme une "victime" ? Bah oui : à quoi ça sert de dire ou d'écrire que je suis épuisé par mon travail ? Bon, d'accord, dans l'immédiat ça me fait du bien de m'épancher; ça me soulage [temporairement], ça me permet de me plaindre d'une certaine injustice [posture caractéristique de la victime, réelle ou se considérant comme telle]. Mais après ? Je me méfie de cette propension que j'ai de me délivrer d'un poids sur une autre personne que celle qui devrait l'entendre.

Si j'en reste là ça ne sert pas à grand chose ! 

C'est là qu'une deuxième phase peut avantageusement se mettre en place : en exprimant ma difficulté, en la déposant en mots, je permets à ma conscience d'entendre moi-même ce que je ressens. La verbalisation permet la conscientisation. Un processus qui peut être long, comme j'ai pu le constater en retrouvant des billets qui avaient la même thématique : depuis 2012 j'écris à chaque printemps que je me sens débordé et que ça ne va pas pouvoir continuer ainsi. Sauf qu'ensuite, dès que la tension devient moins forte, je m'accomode de la situation. Ainsi je ne résoud rien. Ou pas suffisamment.

En me plaignant de ma charge de travail trop importante, sans aller jusqu'au bout de la démarche, je me comporte donc un peu comme une "victime" quasi-passive. En fait j'agis bel et bien... mais pas suffisamment pour que ça change vraiment [aurais-je un intérêt caché à ce que la situation perdure ?]. Je me satisfais de victoires partielles en espérant que ça suffira pour que le problème de fond disparaisse sans que j'engage trop de ma personne. Je lâche prise trop rapidement alors que je pourrais persévérer jusqu'à obtenir gain de cause, quitte à insister lourdement. Pourquoi ne le fais-je pas alors que non seulement ma santé est en jeu, mais aussi les valeurs pour lesquelles je me suis engagé dans ce travail ? Certes je n'ai pas le pouvoir immédiat de faire changer les choses et en ce sens je ne peux qu'accepter une relative impuissance. Faire preuve de patience. Mais j'ai aussi pour moi la persévérance et je peux en faire un usage plus massif : revenir inlassablement à la charge jusqu'à être entendu.

Reste donc à savoir pourquoi je ne m'engage pas davantage dans ce qui peut s'assimiler à une lutte. Et c'est là que ça devient intéressant... car si je ne le fais pas c'est que j'y trouve un avantage. Par exemple, celui de me dire débordé, que ce soit objectivement le cas ou pas : je peux toujours arguer que "c'est pas d'ma faute" si je ne peux pas tout faire. Mouais... faudrait voir à ne pas abuser de cet argument fallacieux. Pour reprendre un de mes récents textes, est-ce parce que je ne peux pas ou parce que je ne veux pas ?

Détails sémantiques ? Certainement pas ! Ce qui les sépare c'est la question de la responsabilité personnelle : quelle est ma part de responsabilité dans la situation que je déplore ? En fait il s'agit de préciser en moi, sans concessions, des termes sémantiquement tangents : pouvoir et vouloir, adaptation et soumission, acceptation et renoncement, lâcher-prise et laisser-aller, patience et procrastination. Il suffit parfois de peu de choses pour basculer imperceptiblement de l'un vers l'autre. Dans le cas que j'évoque, est-ce que mes actions/inactions sont dues à l'acceptation de certaines réalités économiques... ou à ma peur d'oser marteler d'autres réalités, plus humaines ?

Qu'est-ce qui est le plus important pour moi ? qu'est-ce qui fera que je me sentirais "à ma place" et "en accord avec moi-même" ? Les questions contiennent déjà les réponses...

Je terminerai en citant la fin de mon commentaire chez Edmée : « Reprendre le pouvoir sur soi, sur les circonstances, c’est une fierté. Et c’est aussi une façon de s’aimer que de prendre soin de notre équilibre. »

Y'a plus qu'à !

 

Commentaires
S
Jdissa,<br /> <br /> Je répondrai à ta question par tes réponses : "Ma place, elle est toute petite, parce que je suis une personne d'humilité. J'essaye de tracer un chemin digne et utile. On me dit que mon écoute et mes paroles sont encourageants. On me dit que les massages que j'offre font du bien. "<br /> <br /> Je ne botte pas en touche, c'est strictement la vérité.<br /> <br /> Pour les autres réponses, relis donc mon précédent commentaire...<br /> <br /> Je ne relèverai pas les insinuations pour ne pas "troller" ce blog ; nous nous devons de respecter l'hôte. Courtoisie oblige.<br /> <br /> <br /> <br /> Bonne soirée.
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J
Dis donc, le Rônin,<br /> <br /> <br /> <br /> Prendrais-tu le temps de lire proprement que tu aurais remarqué qu'en aucun cas je n'ai écrit que tu étais bouddhiste, mais que je posais la question suivante : "... ton fond de pensée prend ses racines dans le bouddhisme, non ?"<br /> <br /> <br /> <br /> Tu joues sur les mots, le Rônin. Quand tu condamnes, c'est au terme d'un jugement.<br /> <br /> Et j'apprécierais grandement que tu répondes à ma question : <br /> <br /> Qui es-tu pour décider de qui est inutile, de qui mérite de vivre ou mourir ? <br /> <br /> <br /> <br /> Tu me glace le sang, parce que d'autres avant toi on tenu ces propos de haine, et la suite n'a pas été à l'honneur de l'humanité !<br /> <br /> <br /> <br /> Tu me demandes quel est ma place dans ce monde. Je ne sais pas. Je sais que je ne suis pas un individu (vocabulaire de flic), mais une personne. Ma place, elle est toute petite, parce que je suis une personne d'humilité. J'essaye de tracer un chemin digne et utile. On me dit que mon écoute et mes paroles sont encourageants. On me dit que les massages que j'offre font du bien. <br /> <br /> <br /> <br /> Maintenant, je suis surpris qu'un Rônin se soit dérobé à ma dernière question :<br /> <br /> Toi, oui toi... Tu sers à quoi ? <br /> <br /> <br /> <br /> ...'fin moi... Jdirien...
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S
Eh bien...<br /> <br /> Plein de remontrances, je vois.<br /> <br /> Je vais essayer de répondre à toutes, dans le désordre.<br /> <br /> Je ne suis pas bouddhiste.<br /> <br /> Il est évident que la mort n'enseigne rien ; mes propos étaient bien : la souffrance, l'échec enseignent ; jamais le plaisir ou le succès. On apprend rien avec le succès ou le plaisir, on se cantonne à le reproduire ataviquement.<br /> <br /> Je ne juge personne, je dis seulement que les gens qui se drapent dans leur victimisation sont inutiles à la société... La victimisation est un échec. Il nous appartient d'en tirer une leçon et de s'élever. "Quand l'eau monte, le bateau s'élève"... Ceux et celles qui se drapent dans leur victimisation sont inutiles, je le répète, pour tout le monde. Je les connais ces "aidez-moi, moi je ne me bats pas ; puisque je compte sur vous, rien que sur vous"... J'ai aidé ces gens qui se réfugie dans leurs échecs. Ils ne se battent pas... Ils attendent une bonne âme, la vampirise puis la responsabilise de leur situation... Ils ne sont que des parasites... Que cela vous plaise ou non, vous faites de même quand vous exterminez les parasites... la société n'a nul besoin de personnes inutiles. Nous avons tous un rôle utile a jouer, et ceux qui refusent ce rôle n'ont rien à faire dans la société. C'est le principe social...<br /> <br /> Je suis un rônin, un individu. comme vous. Qu'on mérite de vivre ou de mourir, personne ne peut dispenser de cela. J'ai un rôle que j'accepte en ce monde. Je renvoie le propos à son expéditeur : savez vous quel est votre place en ce monde ?...<br /> <br /> Cordialement.
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S
"Ninja" ! Non ce n'est pas une réplique débile du film "Taxi", mais bien un nom utilisé comme adjectif ici... "ninja" en japonais signifie "celui qui supporte" (au-delà de l'inconcevable).<br /> <br /> A mon sens, ce sentir victime est une acceptation, pas une excuse. Dès lors, nous devons agir dans ce sens de l'acceptation et résoudre l'origine de ce sentiment de victime, quelle qu'en soit la souffrance.<br /> <br /> Car la souffrance est enseignante, là où le bien-être n'enseigne rien. Ce n'est pas une maxime sado-masochiste, loin de là...<br /> <br /> Edmée a un talent inné dans la narration, c'est incontestable.<br /> <br /> Ce qui est condamnable, quel que soit l'individu, est de ne pas réagir à ce sentiment de victimisation. Ceux qui se justifient et s'enrobent dans cette position en prêchant leur malheur à l'ombre de leur misère méritent seulement de périr de façon immonde : ils sont inutiles pour la société, inutiles pour leur entourage...<br /> <br /> Merci de votre réflexion qui ricoche avec la news de Célestine...<br /> <br /> Merci de vos mots.
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E
Et dire que j'arrive ici "par hasard" (comme on dit :) )... J'ai moi aussi pensé - et sans doute cultivé l'idée - que j'étais victime et que ce n'était pas ma faute. Ca excusait sans doute ce que je voyais comme des échecs dans ma vie. J'ai pas vraiment pu étudier tranquillement et donc me voici avec un bagage qui me demandera de plus me démener pour arriver à moins. Mon premier mari était plein de violence et donc me voici avec un divorce qui entachera mon CV social à jamais. Etc etc... C'était en partie vrai, naturellement, mais j'oubliais de dire que j'avais toujours une vie, que je ne devais pas tout supporter qui n'était pas nécessaire, que j'étais moi etc... <br /> <br /> <br /> <br /> Mais ce n'est pas facile car on s'habitue hélàs vite au rôle de victime dont ce n'est pas la faute et qui n'a pas eu de chance. Quant à se dire je l'ai cherché, ça ne résoud rien non plus. Il faut trouver le juste milieu sans doute, réaliser qu'on était complice des situations lourdes qui nous ont englués, mais qu'on ne doit surtout pas s'y habituer et chercher - comme Casanova l'a fait dès son emprisonnement aux Plombs! - la première occasion de sortie. <br /> <br /> <br /> <br /> Moi aussi j'ai eu des situations pénibles au travail, un peu par ma faute sans doute, et aussi de la personnalité de certains. J'ai toujours fini par foncer. L'issue n'a pas toujours été en ma faveur (souvent, pourtant) mais au moins j'étais libérée de la toile d'araignée.
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L
Moi, quand une situation ne me convient pas, et j'ai vécu cela aussi dans le milieu professionnel, c'est mon corps qui réagit tellement que je n'ai d'autre choix que de m'arrêter et de changer, car je me retrouve avec un accident ou une pathologie qui le nécessite. Et à chaque fois, j'ai constaté qu'en fait, tous les arguments que j'avançais pour rester dans une telle situation étaient fallacieux. C'est ainsi qu'après un accident, je n'ai jamais pu retravailler à plein temps, non à cause des séquelles, car il n'y en avait pas, mais parce que je ne pouvais plus considérer ma vie de la même manière. Et j'y ai beaucoup gagné pour moi, même si, financièrement, c'était plus dur.
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C
J'ai frôlé le burn-out ces jours-ci, c'est dire si je te comprends, cher Pierre, quand tu évoques le problème de changer d'activité. (d'où mon absence sur ton billet jusqu'à présent, toi qui es si fidèle à mon espace...<br /> <br /> La seule chose qui me fasse tenir, dans ces cas-là, et ne pas m'écrouler complètement, c'est de savoir que j'ai pris la décision d'arrêter dans les mois qui arrivent. De changer radicalement de vie. Avant que ce métier que pourtant j'adore ne finisse de me bouffer complètement.<br /> <br /> Cependant, l'espace de liberté généré par l'arrêt de mon activité va peut-être me paraître vertigineux, bien que je m'y prépare soigneusement depuis quelque temps déjà...Il ne faut jurer de rien, comme disait ce cher Alfred... Comme quoi, rien n'est jamais vraiment simple dans les choix de vie. (oh la la le poncif !tu es mauvaise Célestine, va te coucher !)<br /> <br /> Comme AlainX, j'ai envie de te souhaiter courage dans ta démarche. Et je prends garde de ne jamais juger quiconque se retrouve face à ce genre de dilemmne. Les bénéfices secondaires de la soi-disant victime restent tout à fait respectables tant que l'on este conscient que l'on se pose en victime, et surtout tant qu'on n'a pas la sensation de perdre sa vie ou son âme dans un endroit devenu trop lourd pour nous.<br /> <br /> Bises célestes<br /> <br /> ¸¸.•*¨*• ☆
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2
Je me suis sans doute mal exprimée. Je voulais parler de l'envie de retrouver un peu de légéreté justement au dehors, une fois le marathon terminé, quand on peut recommencer à s'accorder un peu de temps. <br /> <br /> Il est difficile de tenter de se faire entendre et de mettre en mouvement une nouvelle dynamique professionnelle sans engager de nouveau une grande énergie et donc, on retombe dans le manque de temps et de disponibilité. Compliqué alors d'atteindre la légèreté!<br /> <br /> <br /> <br /> Hors sujet, juste envie de partager:<br /> <br /> https://www.youtube.com/watch?v=KqSGIRo9VKE
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2
Oui bien sûr, on peut voir les choses comme ça. Mais avez-vous pensé à l'appel de la légéreté? <br /> <br /> C'est peut-être emprunt de lâcheté, d'un brin d'inconséquence mais après des semaines de dur labeur, n'est-ce pas juste un peu humain de passer à autre chose et de savourer le temps récupéré, de l'investir ailleurs?
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A
"je peux toujours arguer que "c'est pas d'ma faute" si je ne peux pas tout faire."<br /> <br /> et ça marche ça ???<br /> <br /> Quand je dirigeais un service de 20 personnes, cet argument avait pour réponse de ma part : c'est une circonstance aggravante de votre cas !!!<br /> <br /> :-)
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