En fin de semaine prochaine je participerai aux Journées de l'autobiographie, organisées par l'APA. Le thème en sera l'amitié. Pas mal, non ? L'ami Valclair, membre actif de cette association, m'a proposé une "carte blanche" sur l'amitié en ligne(s). J'ai relevé le défi [inconscient que je suis...] et prévois de témoigner à partir de mon expérience, peut-être en lisant à voix haute quelques extraits choisis de correspondance. J'évoquerai aussi de ce qui se passe ici-même, parce qu'en bien des points [mais pas tous] cela peut s'assimiler à de l'amitié...
Mais, voyez-vous, j'ai soudainement réalisé que si j'ai longuement réfléchi et disserté sur "l'amour" [au sens où on l'entend couramment], je n'ai pas vraiment réfléchi sur ce que l'amitié représentait à mes yeux. Le concept d'amitié m'a surtout servi de pôle de différenciation d'avec le fameux "amour", conglomérat polymorphe chargé d'attentes et de représentations variées dont j'ai eu besoin de nettement différencier les composantes. Dans le continuum qui relie amour et amitié je n'ai vraiment décortiqué qu'une seule des polarités.
Alors afin de m'imprégner de mon sujet [oui, je fais ça sérieusement !] j'ai relu des extraits de trois correspondances anciennes, "coups de coeur" dont je gardais un souvenir fort [oui, je conserve tout, sachez-le...]. J'en avais un peu oublié le contenu et j'ai eu grand plaisir à redécouvrir la profondeur et l'incroyable richesse de ce qui a pu s'échanger avec ces femmes qui, depuis, ont disparu de ma sphère relationnelle. Mais j'ai aussi éclaté de rire en relisant la fantaisie débridée de certains courriels ! Dans ces échanges m'apparaît tout ce qui à mes yeux caractérise l'amitié : confiance, confidences, connivence, dévoilement intime, humour; mais aussi expression du plaisir ressenti à échanger ou à se "retrouver" après un silence prolongé. Et surtout, surtout : ni sentences, ni exigences, ni dépendance ! Liberté et respect !
Ces trois correspondances ont duré quelques années, avec parfois des périodes de haute fréquence. L'une d'entre elles a cessé brutalement, sans préavis. Les deux autres se sont éteintes tout en douceur [rien n'empêche de les raviver...]. L'extinction, c'est le destin de la plupart des correspondances; y compris celles qui furent particulièrement fortes et soutenues. J'en cite trois, qui furent représentatives, mais il y en eut des dizaines d'autres, d'une grande diversité et presque toujours portées par des vibrations sensibles. Bien peu se révélèrent décevantes.
Je dois reconnaître que j'ai aussi eu plusieurs fois la chance de correspondre avec des femmes exceptionnelles, alliant capacité d'introspection, d'analyse et d'expression. C'est peu de dire que les échanges furent passionnants ! J'en garde d'ailleurs une certaine nostalgie, évoquée ici et là [oups, deux billets qui ont le même titre !]. Agréable nostalgie, cela va de soi...
En seize ans, combien en ai-je noué de ces amitiés en ligne(s), de ces intimités épistolaires dont seulement quelques unes ont été ponctuées de rencontre en face à face ? Je l'ignore et peu importe : ces amitiés comptent mais ne se comptabilisent pas [on est pas sur Facebook, hein].
Ce que j'ai envie de présenter c'est que, quelle qu'en soit la durée, certaines amitiés en ligne(s) peuvent être d'une qualité incomparable. En bien des points elles peuvent surpasser ce qui peut se vivre avec des amitiés plus classiques. Il me faut préciser ici qu'avec mes amis "historiques", ceux qui me connaissent depuis notre jeunesse commune et qui seraient physiquement et matériellement là en cas de vrai coup dur, je n'ai jamais trouvé la qualité relationnelle à laquelle j'aspire. Avec eux c'est... différent. Moins... intime. Ce n'est que depuis ma découverte d'internet que j'ai trouvé de réelles complicités dans l'exploration des coeurs, des désirs, des âmes, mais aussi des blessures. Presque exclusivement avec des femmes...
Amitiés confidentielles, dénuées de toute séduction ou bien, au contraire, subtilement, voire franchement teintées de séduction [parce que c'est bon quand c'est là]. Amitiés d'affection et d'émotions partagées. Parfois sentimentales, désirantes, amoureuses [voire un peu tout ça à la fois, sans chercher à discerner...]. Avec ou sans rapprochement physique, s'affranchissant en cela des limites habituellement dévolues à l'amitié. Mais aussi quelques amitiés viriles, moins volubiles, davantage dans une forme de fraternité. Il y eut enfin quelques ébauches devenues rapidement orageuses, lorsqu'il apparaissait que je ne correspondait pas aux représentations que l'on avait de moi...
Dans ces correspondances il a souvent été question de relation aux autres, de rapports hommes-femmes, de couple, de désir et de sexualité, mais aussi de liberté, d'émancipation, de rêves et d'idéaux. Il a aussi été question, parfois, de ce qui se vivait au sein même de la correspondance [où l'imaginaire peut porter loin...], car ce ne fut pas toujours simple...
Autant de sujets d'échange permettant de mieux se définir, de mieux se comprendre en mettant à jour les ressorts qui nous animent.
Bon, en parlant de ces amitiés particulières je n'ai pas dit grand chose de l'amitié en général.
Pour vous, ça serait quoi l'amitié ?
- Pour aller plus loin : "L'amitié entre homme et femme est-elle possible ?", sur Psychologies.com
Bon, c'est du Delon, bien sûr, mais l'idée est là.L'Ami est celui qui ne se défile pas les jours de pluie.