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Alter et ego (Carnet)
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11 juillet 2015

AutoBLOGraphie

Le blogueur egographomane se rendit subitement compte qu'avec toutes les histoires qu'il racontait sur ses rencontres "sans limites" et la profusion de ses correspondantes, il pouvait passer pour un fieffé coureur de jupons, collectionneur notoire de conquêtes aussi nombreuses qu'éphémères. À cette pensée il se sentit mortifié.

Mais pourquoi, aussi, entretenait-il ce flou autour de ce que recelaient ces "rencontres" dont il faisait tant de cas ? L'ambiguïté ne pouvait que laisser une grande latitude interprétative au lecteur... Certes, en laissant ainsi chacun se faire son idée il pouvait observer - sans que ce soit calculé - comment un sens était donné à partir du peu d'éléments dévoilés, mais n'était-ce pas à ses dépens, finalement ? Plusieurs fois il lui était arrivé que ses phrases, déformées, lui reviennent comme un boomerang en pleine face sans qu'il n'ait rien vu venir. Mais ne l'avait-il pas bien cherché ?

Pourquoi ne disait-il pas "la vraie vérité" ?

La vérité c'est que s'il s'abstenait de donner davantage de croustillants et émoustillants détails... c'est généralement qu'il n'y en avait pas ! En vantant ses nombreuses correspondances d'autrefois, qu'il saupoudrait malicieusement de mots tels que "désir", "rapprochement", ou "sexualité", il donnait quelques ingrédients de la recette... mais ne disait pas qu'il en mangeait. Il suggérait seulement, laissant l'imaginaire de chacun faire le reste. Oui, il avait pu être question de thèmes souvent vus comme sulfureux, mais pas forcément comme on peut l'imaginer. On peut parler de désir et de frustration sans la moindre pensée libidineuse. Précisément parce qu'on est pas dans ce registre avec l'autre...

Mais pourquoi ne disait-il pas cela clairement, le bougre ?

En évoquant la grande qualité des correspondances, ce qu'il voulait vanter c'était la chance qu'il avait eue de pouvoir échanger tant de confidences. D'avoir pu être "l'oreille attentive" de personnes qui avaient trouvé, grâce à ses mots offerts en partage, le chemin des leurs. Et inversement. Ces intimités partagées l'avaient été, cela va de soi, de façon tout à fait respectueuse. Et pour la plupart sans aucune allusion à une séduction réciproque, ni même unilatérale. Bien sûr ces glissements ont opéré, parfois, et ont été accueillis avec délice ou délicatesse, mais la plupart du temps sans dépasser le stade de frémissements sans suite concrète. Les rencontres en sensibilité qui ont abouti à une rencontre physique sont restées rares et bien peu ont ouvert la voie tactile...

Mais, peut-être parce que pendant très longtemps il n'avait pas eu accès à cette diversité du féminin, l'impénitent diariste s'amusait à laisser croire qu'il y goûtait désormais avec délectation. Flatté et amusé que d'aucuns puissent fantasmer l'existence d'un "harem", il laissait le doute planer.

Or ce qu'il cherchait avant tout c'était le plaisir des confidences murmurées, la jouissance de la confiance partagée, l'orgasme des vibrations émotionnelles communes. Ah, oui, ça c'était bon ! Les amitiés que l'on sent naître, la confiance que l'on sent croitre, et même les sentiments qui se mettent parfois à palpiter. Il savait écouter, lui avaient dit quelques unes. Il leur apportait sa pensée masculine, avaient dit d'autres qui n'avaient pas souvent pu entendre celles de leur compagnon. Et à chaque fois il se sentait heureux, et fier, d'avoir ce privilège de partager un peu ou beaucoup d'intimité du coeur et de l'âme. Et si parfois il eut la chance de partager l'intimité des corps, ce n'est pas de la fierté qu'il a ressenti, mais de la reconnaissance.

Et ça c'est la vérité.

La vérité ? il est arrivé qu'on lui reproche de ne pas la dire. De ne pas être exactement conforme à ce qu'il écrit de lui. Pas aussi libre qu'il le laisserait entendre, pas aussi sûr, pas aussi stable, pas aussi fiable. Indigne de confiance ? Mais c'est simplement parce qu'il n'a pas encore atteint l'objectif vers lequel il marche. L'homme est en chemin. La vérité c'est qu'entre le paysage vers lequel il avance et celui qu'il traverse la vision est différente. Entre ce qu'il croit être - ou voudrait être - et ce qu'il est réellement au présent, il peut y avoir un décalage. Il lui arrive ainsi de s'exprimer d'avantage en "j'ai envie d'être" ou, "je voudrais être perçu comme étant", qu'en un "je suis" parfaitement objectif.

Mais qui ne se leurre pas ainsi ?

Sauf que lui il l'écrit, en imaginant que c'est déjà la réalité. Et c'est ainsi qu'il avance, l'autoblographe...

 

« Une autobiographie ce n'est pas un texte dans lequel quelqu'un dit la vérité sur soi, mais un texte dans lequel quelqu'un de réel dit qu'il la dit » (Ph. Lejeune).

 

 

PS : ce texte, écrit juste après avoir publié le précédent, n'est plus d'actualité dans mon esprit. Mais puisqu'il existe...

 

 

 

Commentaires
J
Bonjour, Pierre :)<br /> <br /> « Une autobiographie ce n'est pas un texte dans lequel quelqu'un dit la vérité sur soi, mais un texte dans lequel quelqu'un de réel dit qu'il la dit »<br /> <br /> Hum... je ne comprends pas très bien. Si l'autobiographie ne dit pas la vérité sur soi, autant en faire un roman ou un récit, autrement... ce quelqu'un réel il ment, non ? <br /> <br /> Mais bon, cela regarde M Lejeune :)<br /> <br /> Belle plume, comme toujours, bravo ! Bonne soirée. Bise.
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C
J'ai la même démarche : je lis le billet, je lis les commentaires et parfois, cela me permet de mûrir ou affiner ma réflexion. Finalement, je commenterais peut-être...ou pas selon mon humeur ou si j'estime que tout a déjà été dit....c'est selon...<br /> <br /> <br /> <br /> Alors au-delà du partage, de la sincérité, de l'absence de jugement (et c'est déjà énorme !! ), ton blog permet ce cheminement de la pensée....<br /> <br /> <br /> <br /> Que dire que je n'ai déjà dit ? ? dans ce monde virtuel et si souvent vain........c'est un cadeau ! ! ......;)<br /> <br /> <br /> <br /> Cath
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M
Je pense m' être un peu hâtée en parlant de la quintessence de ton billet à travers la phrase de Cath. Mais Ce que je veux ajouter est qu' il te tenait à cœur de nous faire comprendre ton honnêteté dans tes écrits, et là je ne doute pas une seconde de ta sincérité, Pierre.<br /> <br /> Bonne nuit.
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M
J'ai quelquefois besoin de lire les commentaires pour pouvoir m'exprimer sur le sujet proposé. Cela m'aide à en extirper plus facilement les idées essentielles et aussi au fil des commentaires à préciser, éclaircir la (les) pensée(s) de celui qui écrit son billet, puis les miennes, d'où l’intérêt de ces échanges. C'est bien cela, Pierre, que je trouve ici, cette qualité des échanges et parce qu'ils sont tous sincères, ils font avancer les questionnements, la compréhension, puis les idées.<br /> <br /> <br /> <br /> L'écriture est un outil pour communiquer, mais retranscrire avec de mots son vécu, ses expériences, ses ressentis n'est pas un exercice facile.<br /> <br /> Peuvent s'y ajouter d autres difficultés pour la compréhension du lecteur, ce sont les non-dits et les omissions volontaires, par souci du style, de l’intérêt du texte ou pour donner un certain ton, une ambiance et enfin les omissions involontaires car la perfection dans l'écriture est impossible. <br /> <br /> Va s'y adjoindre aussi ce que chacun va se représenter, (voire imaginer) de la narration, du récit, représentations différentes selon son vécu, ses codes propres. D'où encore une fois, l'importance des éclaircissements apportés par les échanges des commentaires. <br /> <br /> <br /> <br /> Mais ce que dit Cath que je cite encore ( je fayote) me semble l' essentiel, et je pense la quintessence de ton billet, ce que tu as voulu nous raconter: "L'important est -me semble-t-il- de faire la différence entre ce qui m'appartient et ce qui appartient à l'autre, afin d'arriver à se rejoindre tout de même sans rester sur ce qui nous traverse émotionnellement." <br /> <br /> <br /> <br /> Lire un billet comme on lirait un paragraphe, un chapitre d'un livre ouvert, prendre de la distance par rapport l'histoire racontée (le billet) et sa propre histoire car cette histoire n'est pas notre histoire, elle est, elle appartient uniquement à son auteur. <br /> <br /> <br /> <br /> Continue d'avancer sur "ton chemin" l'autoblographe...<br /> <br /> Bonne soirée Pierre.
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C
Je suis d'accord avec ce que tu exprime là et les notions de plaisir et de partages !<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai oublié de rajouter un qualificatif à ce blog = l'authenticité !<br /> <br /> <br /> <br /> Merci
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C
L'important est -me semble-t-il- de faire la différence entre ce qui m'appartient et ce qui appartient à l'autre, afin d'arriver à se rejoindre tout de même sans rester sur ce qui nous traverse émotionnellement. <br /> <br /> Je m'explique = Ton texte d'aujourd'hui me dérange pour diverses raisons toutes personnelles. A partir de là, il me reste 2 possibilités = le prendre pour moi et te renvoyer mon malaise au travers un commentaire plus ou moins assassin (ce qui nous est tous arriver selon l'intensité du vécu ) ou essayer de rester concentrée sur les idées, les pensées ou même les émotions mais pour se comprendre, comprendre l'autre et ainsi se rejoindre ou avancer....<br /> <br /> <br /> <br /> Donc, ton texte d'aujourd'hui me fait penser que ces blog ou page Facebook ou tout autre moyen d'expression public est une part de nous et de ce que l'on veut bien montrer de nous, mais une partie seulement et parfois celle qui nous arrange le mieux ou le moins pire dirons-nous.<br /> <br /> <br /> <br /> Je pense qu'un blog a forcément un côté narcissique (et je parle aussi pour moi, je ne le nie pas !) ou en tout cas est motivé par une envie (une soif ? ?) de reconnaissance d'où le poids du regard de l'autre et son côté vertigineux...<br /> <br /> <br /> <br /> Quoiqu'il en soit, je persiste, ce lieu d'expression est rare dans le partage, sa liberté et son absence de jugement. Pour tout ça, merci Pierre.<br /> <br /> <br /> <br /> En ce jour de 14 juillet, reconsidérons la liberté et le respect pour soi et pour l'autre comme un bien précieux<br /> <br /> Cath
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J
^^
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J
Des blogueuses....
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J
En tous cas cher monsieur vous savez faire venir sur vos pages les plus belles des blagueuses. Et ca c'est déjà une réussite.
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C
J'aime bien parfois que l'on prenne cette distance de la troisième personne. Cela m'arrive parfois sur mon blog. <br /> <br /> Pour l'heure, cela donne beaucoup d'auto-dérision et en même temps de justesse à ton texte, et au final une certaine profondeur. Enfin je veux dire une profondeur certaine. Comme si cette prise de distance t'autorisait à nous faire entrer plus loin encore dans les replis de ton esprit.<br /> <br /> La difficulté que tu évoques ici, c'est quel peut être le ressenti des lecteurs ( et en l'occurrence des lectrices) quand tu parles de ces merveilleuses rencontres spirituelle ou intellectuelless, cela me fait un peu penser à ce que l'on éprouve quand on va écouter un chanteur célèbre. Lukeria parle judicieusement d'Alain Delon, c'est à dire d'un mythe. Par définition, les mythes appartiennent à tout le monde, et ne sont donc à personne. Quand un Patrick Bruel chante " je t'aime" chaque femme peut le prendre pour elle et avoir la sensation qu'il ne chante que pour elle ( cela marche aussi dans l'autre sens avec une Véronique Sanson qui chante " amoureuse"...) c'est valorisant et excitant. <br /> <br /> Mais au final, le concert fini, chacun rentre chez soi. Et l'icône disparaît dans un nuage de fumée. <br /> <br /> Et la position de "groupie du pianiste" n'est pas très confortable, il faut l'admettre. <br /> <br /> En revanche, je suis tout à fait d'accord que se livrer comme tu le fais demande un certain courage. Et le courage le plus grand est sans doute dans les mises au point telles que celle que je lis aujourd'hui, où tu reconnais les limites du processus en cassant quelque peu ton icône d'egographomane, pour devenir simplement un homme qui réfléchit. Quelle que soit la façon dont tu veux " être perçu" il te faudra "être toi" pour que cela marche.<br /> <br /> Bises célestes<br /> <br /> ¸¸.•*¨*• ☆
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