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Alter et ego (Carnet)
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1 août 2015

Limites floues

Quelle est la couleur dominante de ce blog ?

 

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Plutôt vert ?

Plutôt bleu ?

Entre les deux ?

 

Faute de terme adéquat, en français, on associe généralement deux couleurs pour nommer cette teinte : bleu-vert (ou vert-bleu, selon la dominante). En anglais elle a un nom : Teal, qui se traduit par Sarcelle, un oiseau d'eau proche du canard. D'ailleurs on dit aussi "bleu canard"... et "vert canard" !

 

sarcelle_d_hiver 

Sarcelle
[Photo : Le blog de Laurence]

 

Teal, dans les couleurs du web, c'est exactement la même quantité de vert que de bleu. Pile entre les deux. C'est wikipedia qui le dit...

Je n'ai pas choisi cette couleur par hasard : symboliquement elle représente "le mélange des deux", ou "l'entre-deux". J'avais envie de laisser une place à l'indéfinissable, et peut-être de mettre en évidence mes ambivalences, car c'est souvent dans ces zones d'hésitation que je me situe. Avez-vous remarqué qu'en bien des situations les concepts nets et tranchés ne laissent aucune chance aux nuances ou aux intermédiaires ? C'est l'un ou l'autre ! Un esprit cartésien réussit même l'exploit de déterminer sept couleurs fixes pour toute la palette de nuances d'un arc-en-ciel !

Or l'indéfinissable est riche de diversité, avec ses "presque", ses "un peu", ses "peut-être" et ses "pas tout à fait". Les dissemblances, surtout lorsqu'elles sont contigües, sont pour moi une inépuisable source de réflexion : qu'est-ce qui fait que ce serait plutôt de ce côté-ci ou de celui-là ? Je guette l'incertitude, qui favorise mon évolution. La recherche fine d'un juste équilibre demande rigueur et précision [si vous saviez le temps que je mets parfois à choisir mes mots...] et cela me plaît.

Mon père, dans ma jeunesse, me citait souvent Boileau : « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ». Fort bien ! Mais... n'est-ce pas un peu court ? Car comment faire lorsque les mots clairs n'existent pas ? Comment nommer ce qui n'entre pas dans les cases que le langage crée ? Et pourquoi diable la langue française, parfois si riche en synonymes et nuances, a t-elle laissé des zones lacunaires ? Était-ce afin que les intermédiaires n'aient aucune place ? Ou bien, au contraire, n'y avait-il aucune raison d'en créer ?

Voila le genre de questions que je me pose quant il s'agit de distinguer, non pas ce qui serait anecdotiquement plutôt bleu ou vert mais... amour et amitié [oui, c'est LE sujet du moment...]. Radicalement différents, ces deux-là ? Pourtant ils étaient si proches, autrefois, que le vocabulaire qui leur est attaché est commun. Il n'y a qu'une seule façon de dire "je t'aime" - bien que l'amour-amoureux tende à se l'accaparer sans partage.

Comme à chaque fois que je me hasarde à évoquer le flou [dans mon esprit] de la limite qui séparerait l'amour de l'amitié, je constate que ça suscite de la discussion. Ainsi mon précédent billet à mis en évidence ce que je sais déjà : une nette scission est souvent préférée. On ne mélange pas amour et amitié ! Cela m'interpelle. Y aurait-il perception de quelque risque à voir ces registres affectifs se rapprocher trop ? Un risque que je mesurerais mal ? Ou bien est-ce moi qui ne serais pas très au clair quant à ma perception de l'amour, quand il n'est pas désir ardent et fusionnel de vie à deux ? Dans ce cas je ne serais pas le seul à être dans le flou puisqu'à l'évidence l'amour-amitié existe, et certainement beaucoup plus qu'on en parle. D'ailleurs, pour nommer ce mélange des deux - parce que nommer c'est faire exister - quelques-uns ont hasardé des mots-valises : amouritié, amiour, amimour, amoumitié, amireux, et même huamour [intéressante approche du regretté Psyblog]. Honnêtement, tout cela n'est pas vraiment convaincant... 

Rappelons quand même qu'amour, amitié et amant dérivent du latin amare et qu'il n'est peut-être pas indispensable d'inventer des mots qui se marchent dessus.

Mais au delà de la distinction amour-amitié - dont a priori rien n'empêcherait qu'elle soit un continuum - je me demande si ce n'est pas un troisième élément qui, fondamentalement, poserait problème : leur rapport à la sexualité. En particulier par le lien que celle-ci entretien encore, dans notre culture actuelle, avec une conception idéalisée de l'amour romantique [et ce, même si chacun se défend d'y croire...]. Car s'il est admis que l'amitié est "une forme d'amour", il semble aller de soi que cette forme-là serait totalement exempte de rapport au corps. Comme si l'amitié était assimilé à une relation familiale, avec tous les tabous des rapports incestueux qui s'y rattachent. Dissocier totalement amitié et sexualité n'est-ce pas aussi se prémunir contre toute tentation homosexuelle ? L'amitié serait donc, par essence, chaste.

Soit !

Sauf que l'évolution des rapports sexués, depuis plusieurs décennies, a permis qu'hommes et femmes puissent devenir amis. Puissent se fréquenter librement, dialoguer, avoir des activités communes. Il n'est plus besoin d'être en couple pour s'approcher, il n'est même plus nécessaire de se désirer. Par le jeu des affinités, des connivences et des confidences, une intimité particulière peut apparaître. Et si l'amour ne fait pas systématiquement irruption, une grande proximité peut néanmoins se développer. C'est là qu'une relation forte peut parfois - parfois seulement - glisser vers ce qui pourrait paraître inconcevable : que des "amis" se laissent aller à une approche physique, voire, carrément, en arrivent à partager une intimité sexuelle ! Sans être amoureux !

Je sais que cela peut surprendre, perturber, et même heurter. En tout cas poser question...

 

Bon, on pourrait se dire que, après tout, chacun fait comme il l'entend et que cela ne nous regarde pas... 
Oui mais quand même, ça intrigue. En tous cas ça m'intrigue.

D'où vient cette idée qu'amitié et sexualité seraient incompatibles ? De l'expérience ? Hum... je doute que chacun de ceux qui en parlent s'y soient essayé. D'ailleurs ce ne sont pas des témoignages d'échec qui viennent alimenter la réflexion, mais plus souvent des rappels de principes et de limites nettes. En face, par contre, il y a les témoignages de personnes qui s'en sont affranchies et semblent y trouver satisfaction, n'ayant apparemment rien perdu de la qualité d'amitié préexistante. Bonne nouvelle : la limite ne serait donc pas intangible ! Du moins pas pour tout le monde...

Il revient donc à chacun de placer ses limites là où il les souhaite ou les sent nécessaires, en les adaptant au contexte, à la relation, à la maturité de chacun. On peut même changer d'avis, explorer, faire des essais, puis revenir en arrière. Ouvrir puis fermer. Tâtonner. Car tout cela est mouvant, évolutif, et il ne saurait y avoir de règles universelles. 

Oui, c'est ça : il n'y a pas de règle unique !

Il y a quelques années, parce que je ne l'avais pas fait plus jeune, j'ai eu besoin de de sentir ce qui m'était important et j'ai exploré un peu plus loin que la frontière. Juste pour trouver mes propres repères, ceux qui correspondaient à ce que je suis, ceux que j'allais me choisir. J'avais aussi besoin de savoir jusqu'à quel point je me sentais libre, en termes de rencontre. Certaines directions ne m'ont convenu que le temps de l'exploration, sans désir d'aller plus loin ni de réitérer. D'autres m'ont ouvert des portes. Je sais désormais que des possibilités d'amitié sexualisée existent et qu'elle ne mènent pas nécessairement à des impasses. Je sais aussi qu'elles restent des cas particuliers. Des exceptions, qui ne sont pas sans risques : le rapport à l'intimité des corps n'est pas anodin. Et puis ce n'est pas parce qu'une chose est possible qu'elle est à suivre... 

 

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Lit d'amis ?
(Image : Pinterest)

 

Je crois désormais, après avoir expérimenté différentes combinaisons des trois composantes, que ce qui m'importe le plus est la confiance qui les relie. Et parce que cette dernière est indissociable d'une liberté réciproque, souvent peu compatible avec les exigences d'exclusivité amoureuse et sexuelle, je choisis de privilégier l'amitié. Plurielle, variable et polymorphe.

 

Cet article, longuement élaboré depuis le 24 juillet, clôt la série commencée le 26 juin dernier avec "De marbre".

Commentaires
A
Ben alors mon Pierrot ?<br /> <br /> On a rétabli la censure ???<br /> <br /> Rhalala... tout fout' camp !!
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A
Bon alors, puisqu'on est dans le dévoilement total de l'intime sexuel, que c'est l'été, et que pas grand monde lira : la Question qui Tue :<br /> <br /> - Qui c'est qui a couché avec sa mère, son père, volontairement bien sûr, pas zabuzé, en écoutant NTM ? (je groupe NTP étant encore à créer).
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C
"je choisis de privilégier l'amitié. Plurielle, variable et polymorphe" Voilà qui est dit écrit! Avis aux amateurs(?) trices(!)<br /> <br /> Manque plus qu'une chanson du style " vous saurez tout sur mon zizi"
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M
Puisque la série est terminée.... Une question complètement futile, très éloignée de tous ces commentaires "masturbation de cerveau", me taraude : quid de Mme ROUSSE ???
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C
En fait, pour parler de mon expérience, je n'ai jamais couché avec des amis. Par contre des amants "avec ou sans amour", sont devenus des amis.<br /> <br /> Au fond, tout est possible.... pourvu que personne ne souffre, comme le dit calamityjane.<br /> <br /> Et puis, pour revenir à ton introduction, Pierre, je m'aperçois d'une chose : à la première lecture de tes textes, j'ai souvent un avis relativement arrêté. Et puis, très souvent, à la lecture des commentaires toujours riches d'échanges, je découvre d'autres angles de vue, m'amenant à nuancer mon propos. Et l'ouverture sur une autre opinion me fait dire que la vie, comme les couleurs, a mille nuances également. Et que finalement, nous sommes 7 milliards d'êtres humains à inventer sa propre vie, à chaque instant, sans le vouloir, poussés par les circonstances ; que personne n'a raison et personne n'a tort. Chacun compose avec ce qu'il porte en lui de croyances ou de philosophie.<br /> <br /> En bref, après lecture des avis des uns et des autres, j'en arrive à la conclusion ...que rien n'est définissable définitivement..... tout intrigué sommes-nous et malgré notre envie ou besoin de mettre des mots, des noms pour faire exister. <br /> <br /> Mais une dernière réflexion = sans nom pour nommer, c'est rester dans un flou qui permet de rester dans la nuance et loin des jugements (je sais, je me répète, c'est un peu mon combat et ma peur.... les jugements....mais la peur n'évite pas le danger..)<br /> <br /> <br /> <br /> Bonne journée à tous et merci à tous de vos avis toujours riches !<br /> <br /> Cath
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C
En fait il convient à chacun et chacune de trouver son bonheur...et surtout, à certaines périodes de la vie, on peut aimer être dans l'exclusivité si la relation s’épanouit comme cela, et à d'autres moments de la vie, explorer l'amitié plurielle, sexualisée ou pas. Pour moi, Je t'aime ne veut pas dire, tu es à moi et seulement à moi, ça veut dire j'ai des sentiments très forts pour toi et tu comptes, je me sens bien avec toi mais en aucun cas, ça ne devient une laisse, une bride, une camisole. J'offre ces doux mots en partage, dans la confiance réciproque et je vérifie que cela est bien compris comme tel. Si on devait peser sur une balance l'amour d'un couple, légitime ou illégitime, on se rendrait bien compte il me semble, que les poids ne sont pas équilibrés et on s'en fiche après tout, si la balance ne penche pas uniquement d'un seul côté. Le dicton le rappelle bien "quand on aime on ne compte pas" ;). J'ai vécu l'exclusivité du couple et ça me plaisait. Nous avons traversé bien des péripéties, et la relation s'est transformée en amitié profonde, je l'ai toujours su...maintenant, il n'est plus et il me manque. J'ai vécu et je vis des amitiés profondes qui ne sont pas sexualisées et c'est bien avec ces personnes là. Je les aime. J'ai vécu des parties de jambes en l'air aussi pour faire un clin d’œil à alainx :). Je vis aussi (peu il est vrai, deux pour tout dire) des amitiés amoureuses sexualisées et cela se passe bien bien dans le respect de chacun. Nous nous connaissons si bien et sommes si complices que le fait de connaître nos corps et d'explorer nos désirs ne pose pas de problème particulier. Je les aime tout autant. Est ce que cela durera longtemps? j'en sais fichtre rien mais ce que je sais, c'est que je me réjouis de connaître de telles personnes, et que c'est fabuleux de l'expérimenter même si demain tout cela doit s'arrêter. De vraies relations de connivence sans exigences à part s'écouter, s'aimer tout en vivant par ailleurs, c'est tellement rare! <br /> <br /> Tout cela pour dire, tout peut exister tout au long de la vie et chaque situation est respectable...<br /> <br /> ps : réponse ailleurs Pierre? ;))
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L
Après mon divorce, quand j'étais très jeune, je n'ai vécu que des amitiés avec sexualité pendant des années, c'était ce qui me convenait parfaitement alors. Et j'ai arrêté certaines relations quand l'homme devenait amoureux, demandait un engagement, je n'étais pas prête à m'investir. J'avais envie de liberté et dès que l'amour se manifestait chez l'autre, je me sentais étouffer sous ses demandes !<br /> <br /> <br /> <br /> Et puis, j'ai rencontré l'homme qui partage encore ma vie et qui a su éveiller de nouveau en moi l'amour... et j'ai retrouvé l'intensité. Mais la liberté et l'épanouissement de chacun restent au centre de cette relation.
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E
Les couleurs du lit et des rideaux sont moches, le décor trop froid comme chez Confo ou But. Bon, ça c'est pour toi.<br /> <br /> <br /> <br /> Un matelas à même le sol et des draps arrachés du tas de linge jamais repassé. ça c'est pour moi. <br /> <br /> <br /> <br /> Ah j'oubliais : Et la porte fermée à double tour. Non mais !
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