Vous en souvenez-vous ? Avant de mettre ce blog sous haute protection face à un envahisseur belliqueux je venais de terminer une série de billets centrés sur l'amitié. Travail assez fastidieux dont je n'étais pas vraiment satisfait, d'ailleurs...

Ensuite j'avais prévu de faire silence, ne trouvant plus actuellement un registre d'expression qui me conviendrait pour cet espace de partage avec vous, ami(e)s lecteurs. Des envies de retrait comme celle-là me viennent généralement après que j'aie longuement labouré un thème me tenant à coeur mais sujet à controverse. À la longue les échanges sous un tel régime puisent dans mes ressources et entament mon assurance initiale. Un peu comme si je m'étais surexposé et avais besoin de me recentrer dans un isolement protecteur. La paisibilité d'un environnement naturel offert à domicile m'y aide grandement.

 

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Soir d'été au jardin

 

Sauf que cette fois ça ne s'est pas passé ainsi : au lieu de laisser s'installer le "silence" prévu, le comportement teigneux d'un pauvre hère visiblement dérangé m'aura conduit à écrire pas moins de trois billets supplémentaires ! Pfff... éprouvant. Cette parenthèses étant désormais refermée, mon questionnement reste intact : qu'écrire, maintenant ? Qu'ai-je envie d'écrire d'intéressant tout en restant dans les limites de l'intimité exprimable en public ? Vous savez que ces questions me parcourent régulièrement et que sans elles je ne serais pas moi. Elles se réactivent dès que j'ai conscience des éventuelles conséquences que mes cogitations pourraient avoir sur des personnes directement - ou pas -concernées par les sujets que j'aborde...

Le qualificatif « intéressant » est éminemment subjectif et laisse un large éventail de possibilités. Il faut déjà que ça m'intéresse, évidemment, et qu'ensuite je considère que cela peut intéresser quelqu'un, qui que ce soit, que je ne connais peut-être pas. Potentiellement tout peut être intéressant pour quelqu'un, et même le plus insignifiant. Il me suffit de trouver le sens de ce que je vais proposer... et c'est ce dernier qui fait parfois défaut ! Quand je commence à me demander à quoi ça sert d'écrire - ou d'écrire encore - sur tel ou tel sujet, je suis mal barré...

Il y a pourtant, parfois, comme une nécessité d'écrire. Mais je ne sais pas forcément en quoi c'est nécessaire et si, par hasard, ce ne pourrait pas être néfaste de répondre à cette soit-disant nécessité [comme ce qui s'est passé avec le trublion désaxé, par exemple...].

Mes billets faisant le point sur mon approche de l'amitié (m')étaient-ils nécessaires ? Sans doute, puisque je les ai écrits ! Ont-ils pu être néfastes en quoi que ce soit ? Je l'ignore... Ont-ils été intéressants ? Je n'en suis pas sûr. Car si j'ai exploré, une fois de plus, les éventuelles variations amoureuses et sexualisées de l'amitié, je ne l'ai fait que sur le plan des idées. Or les idées, tant qu'elles ne passent pas la barrière du concret, ça reste de la belle théorie ! Je ne sais pas ce que vous en avez pensé mais pour ma part j'ai trouvé mon énième approche plutôt indigeste et ennuyeuse. Rébarbative. J'avais l'impression tenace d'avoir déjà fait largement le tour de tout ça, autrefois, et me suis senti dans une redite, en quelque sorte. Pourquoi donc y suis-je revenu ? Qu'ai-je voulu clarifier ? En d'autres termes : quel était le sens de ce rabachage ? Peut-être simplement de faire le point et réactualiser la validité de mes pensées...

Je me me suis donc lancé dans un descriptif théorique alors que, concrètement, je n'avais aucune tentation de réitérer mes explorations passées. Ce n'était absolument pas d'actualité et c'est pourquoi j'ai ressenti une lassitude devant mes propres questionnements dépassionnés, allant jusqu'à me demander si je n'étais pas devenu "vieux" en constatant la disparition de mon appétit exploratoire d'antan. Plus aucun enthousiasme pour ces fameuses "rencontres" dont je vantais, encore récemment, les alléchantes possibilités [théoriques !]. La confusion des registres amicalo-sexo-amoureux m'est soudainement apparue comme trop complexe. J'ai même pensé, je l'avoue, que l'amitié "simple", strictement contenue dans ses limites classiques - no sex - avait finalement de nombreux avantages ! Oserais-je dire que j'ai carrément envisagé de m'orienter vers le célibat pur et dur, afin d'éviter la confusion des sentiments et les tourments qui peuvent en découler ? Et même l'asexualité, pour que les choses soient bien claires dès le départ avec chaque femme que je pourrais rencontrer ! Hum... en fait je crois que j'étais un peu dépité.

C'est un peu tout cela que j'ai voulu exprimer dans un paragraphe pas forcément compris dans le sens voulu : « Je crois désormais, après avoir expérimenté différentes combinaisons des trois composantes [amour, amitié, sexualité], que ce qui m'importe le plus est la confiance qui les relie. Et parce que cette dernière est indissociable d'une liberté réciproque, souvent peu compatible avec les exigences d'exclusivité amoureuse et sexuelle, je choisis de privilégier l'amitié. Plurielle, variable et polymorphe. »

Il était là, dans les caractères gras, l'aspect intéressant et nécessaire du texte. Car, en d'autres termes, je choisissais de renoncer à une part importante de la liberté relationnelle que j'ai chèrement conquise. Ce repli m'a surpris. Il allait à contre-courant du travail d'émancipation entrepris depuis quinze ans ! En fait j'en ai eu subitement marre de m'être vu trop souvent renvoyer l'image d'un "égoïste" profiteur qui penserait davantage à son plaisir personnel qu'à la difficulté des femmes qui, le côtoyant, doivent composer avec sa liberté revendiquée et le "flou" d'évolutions relationnelles incertaines. Je me suis dit que je n'avais plus envie de vivre les complications qui surviennent dès qu'on sort des cadres habituels. Je me suis rendu compte que je n'étais pas assez solide pour endurer sans conséquences dommageables le spectacle désolant des souffrances d'autrui face à mes errements. Il m'est douloureux de voir les effets induits par ma recherche personnelle d'équilibre. Je me vois trop sensible à la détresse que, malgré moi, je cause à autrui...

Profonde remise en question, donc, après les divers remous engendrés par l'épisode "Mme Rousse" [mais pas que...].

J'en étais là, navigant en pleine prise de conscience, quand l'imprévu s'est invité sous forme de tempête émotionnelle à venir. J'ai paré au plus pressé en préparant la crise mais j'ai aussi fait l'autruche en reportant à plus tard le moment des choix décisifs. Ce faisant j'ai été dans le déni, "oubliant" la confrontation au réel qui allait inévitablement se produire. Je n'en suis pas fier...

Et puis tout à coup, fatalement, le réel a été là, me mettant face à moi-même, à mes incohérences, à des vérités à géométrie variable, aux conséquences de mon indécision notoire. Violente tempête d'émotions et de contradictions, situation délicate et périlleuse, sentiments exacerbés. Je n'avais pas agi à temps et d'autres que moi en payaient le prix. Leur douleur, droit dans les yeux, m'a percuté. J'ai dû faire des choix et l'alternative était sans échappatoire. J'ai mesuré l'impérieuse nécessité d'être clair et de renoncer au faux confort de certain flous. J'ai dû faire face à une situation que j'aurais absolument voulu éviter. Mais Jung ne disait-il pas que « ce que l'on ne veut pas savoir de soi-même finit par arriver de l'extérieur comme un destin » ?

Bizarrement je n'ai pas vacillé. Mon équilibre s'est appuyé sur mon honnêteté, et l'humilité est venue la soutenir. Je me suis montré faillible, sans me défausser. Il y a eu de l'écoute et de la reliance. Du soulagement et de la douceur. Un retour au calme et à la lumière...

Mais rien n'est acquis.