J'avais dit que je "partagerai" mes impressions de voyage, grâce à la technologie que j'embarquais avec moi. Je dois bien convenir que l'intention ne s'est pas concrétisée...

D'abord parce que la technologie m'a fait faux-bond dès mon arrivée au Canada. Par chance le souci a pu être réparé rapidement. Ensuite parce que, j'en prends conscience, le voyage est avant tout un temps de ressentis immédiats. L'écriture, elle, s'appuie sur une transcription de ressentis. Et elle le fait en différé.

Mes voyages sont denses en ressentis. Tout le corps y participe, tout au long de la journée, en emmagasinant avec tous ses sens. Le soir venu, seul moment où je peux me connecter au monde d'internet, je suis encore dans la phase d'intégration. Les pensées ne sont pas suffisamment élaborées pour être synthétisée et organisées. C'est une matière brute dont je ne sais que faire. Toute tentative d'expression apparaît comme trop restrictive. Je ne suis pas prêt à restituer. D'ailleurs ai-je vraiment envie de me reconnecter à mon univers habituel ? Le voyage n'est-ce pas "partir" ? Non seulement physiquement, mais aussi en mettant une distance avec le connu, avec les proches. Ma liberté ne passe t-elle pas aussi par celle de me couper de mon monde ?

Certes la technologie permer de rester en lien et il y a là quelque chose de "confortable", de rassurant, peut-être. Mais le voyage n'y perdrait-il pas une de ses spécificités ?

Quoi qu'il en soit, il y de toutes façons chaque soir l'itinéraire du lendemain à préparer et toute la petite logistique du nomade à installer. Ce n'est pas grand chose, mais c'est important. Et cela demande du temps...

Voilà donc, au moins pour partie, pourquoi je n'ai pas suivi mon intention de départ. Un jour j'ai néanmoins fait une tentative de transcription immédiate, in situ. Je vous la livre ici :

 

 

Vendredi 25 septembre - Port Hood, Nouvelle-Ecosse

Bonne brise, air vif. Les vagues mugissent en s’affalant sur la grève. Derrière la dune, le vent a dessiné sur le sable des lignes régulières. Un chemin de bois longe les marais couverts de roseaux, qui ondulent comme un océan.

Comment traduire une ambiance ?

Le long de la côte des marais aux teintes variées s’étirent tout au long de la route. Quelques bâtiments industriels modernes étalent leur vastes murs de tôle, tachant le paysage. Derrière le village linéaire une forêt de conifères. En face, de l’autre côté de la baie, une ile dont un panneau m’explique que le cordon de sable qui la reliait au continent a été emporté par une tempête en 1819. Les premiers colons étaient arrivés une cinquantaine d’année plus tôt.

Le paysage a ici un air d’Irlande, d’Ecosse et de Bretagne. Quelque chose de celtique…

Le voyage tel que je le pratique n'est pas propice à l'écriture. Il est mouvement, sensations, découverte, à l'opposé de l'immobilisme que requiert la mise en mots. Transcrire pensées et réflexions nécessite du temps et le voyage en laisse peu. Le nomadisme demande d'anticiper, de prévoir, puis de se déplacer - et ici les distances sont grandes. Sans oublier le temps accordé à la contemplation méditative.

Le temps du partage ne peut donc venir que plus tard.

Quelques éléments factuels, cependant :

Après un bref passage au Québec j'explore le Nouveau-Brunswick. Seule province officiellement bilingue du Canada, elle est peu connue alors que les racines Acadiennes sont fortement ancrées. La revendication à cette appartenance l'est tout autant : le drapeau bleu-blanc-rouge marqué d'une étoile est sur presque toutes les maisons des secteurs concernés. A Grande-Anse un phare arbore fièrement ces couleurs, de même que nombre de poteaux téléphoniques. J'ai même vu la façade d'une maison entièrement tricolore.

La radio diffuse des programmes de musique country vantant ce beau pays d'Acadie ou le souvenir du "Grand dérangement", épisode douloureux qui a obligé les habitants à migrer en abandonnant tout - comme actuellement cela se produit ailleurs dans le monde - vers des contrées plus accueillantes.

 

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Port Hood, Nova Scotia

 

 

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Port Hood

 

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