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Alter et ego (Carnet)
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1 octobre 2015

Voyager et partager

J'avais dit que je "partagerai" mes impressions de voyage, grâce à la technologie que j'embarquais avec moi. Je dois bien convenir que l'intention ne s'est pas concrétisée...

D'abord parce que la technologie m'a fait faux-bond dès mon arrivée au Canada. Par chance le souci a pu être réparé rapidement. Ensuite parce que, j'en prends conscience, le voyage est avant tout un temps de ressentis immédiats. L'écriture, elle, s'appuie sur une transcription de ressentis. Et elle le fait en différé.

Mes voyages sont denses en ressentis. Tout le corps y participe, tout au long de la journée, en emmagasinant avec tous ses sens. Le soir venu, seul moment où je peux me connecter au monde d'internet, je suis encore dans la phase d'intégration. Les pensées ne sont pas suffisamment élaborées pour être synthétisée et organisées. C'est une matière brute dont je ne sais que faire. Toute tentative d'expression apparaît comme trop restrictive. Je ne suis pas prêt à restituer. D'ailleurs ai-je vraiment envie de me reconnecter à mon univers habituel ? Le voyage n'est-ce pas "partir" ? Non seulement physiquement, mais aussi en mettant une distance avec le connu, avec les proches. Ma liberté ne passe t-elle pas aussi par celle de me couper de mon monde ?

Certes la technologie permer de rester en lien et il y a là quelque chose de "confortable", de rassurant, peut-être. Mais le voyage n'y perdrait-il pas une de ses spécificités ?

Quoi qu'il en soit, il y de toutes façons chaque soir l'itinéraire du lendemain à préparer et toute la petite logistique du nomade à installer. Ce n'est pas grand chose, mais c'est important. Et cela demande du temps...

Voilà donc, au moins pour partie, pourquoi je n'ai pas suivi mon intention de départ. Un jour j'ai néanmoins fait une tentative de transcription immédiate, in situ. Je vous la livre ici :

 

 

Vendredi 25 septembre - Port Hood, Nouvelle-Ecosse

Bonne brise, air vif. Les vagues mugissent en s’affalant sur la grève. Derrière la dune, le vent a dessiné sur le sable des lignes régulières. Un chemin de bois longe les marais couverts de roseaux, qui ondulent comme un océan.

Comment traduire une ambiance ?

Le long de la côte des marais aux teintes variées s’étirent tout au long de la route. Quelques bâtiments industriels modernes étalent leur vastes murs de tôle, tachant le paysage. Derrière le village linéaire une forêt de conifères. En face, de l’autre côté de la baie, une ile dont un panneau m’explique que le cordon de sable qui la reliait au continent a été emporté par une tempête en 1819. Les premiers colons étaient arrivés une cinquantaine d’année plus tôt.

Le paysage a ici un air d’Irlande, d’Ecosse et de Bretagne. Quelque chose de celtique…

Le voyage tel que je le pratique n'est pas propice à l'écriture. Il est mouvement, sensations, découverte, à l'opposé de l'immobilisme que requiert la mise en mots. Transcrire pensées et réflexions nécessite du temps et le voyage en laisse peu. Le nomadisme demande d'anticiper, de prévoir, puis de se déplacer - et ici les distances sont grandes. Sans oublier le temps accordé à la contemplation méditative.

Le temps du partage ne peut donc venir que plus tard.

Quelques éléments factuels, cependant :

Après un bref passage au Québec j'explore le Nouveau-Brunswick. Seule province officiellement bilingue du Canada, elle est peu connue alors que les racines Acadiennes sont fortement ancrées. La revendication à cette appartenance l'est tout autant : le drapeau bleu-blanc-rouge marqué d'une étoile est sur presque toutes les maisons des secteurs concernés. A Grande-Anse un phare arbore fièrement ces couleurs, de même que nombre de poteaux téléphoniques. J'ai même vu la façade d'une maison entièrement tricolore.

La radio diffuse des programmes de musique country vantant ce beau pays d'Acadie ou le souvenir du "Grand dérangement", épisode douloureux qui a obligé les habitants à migrer en abandonnant tout - comme actuellement cela se produit ailleurs dans le monde - vers des contrées plus accueillantes.

 

IMGP4525

Port Hood, Nova Scotia

 

 

IMGP4505

Port Hood

 

IMGP4523

 

 

 

Commentaires
M
Cher Pierre, j'aime lire chez les autres ce que je ressens et ne sais pas toujours exprimer directement en mots. Votre blog est empreint d'une belle sincérité avec une mélodie de mots sur les émotions que j'apprécie énormément. Comme vous le savez, je reviens aussi d'un voyage solitaire et exprimer l'immédiat dans le nomadisme fut bien difficile. La première partie de votre texte dépeint exactement ce que j'ai vécu dans le voyage et mon désir frustré de communiquer avec mes lecteurs. J'ai partagé ce passage bien ressenti (avec un lien vers votre blog) sur ma page Facebook (www.facebook.com/magisophienne). Merci Pierre et à tout bientôt pour d'autres partages.
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I
Perso, il m'est réellement nécessaire de me couper de mon monde habituel pour mieux me connecter au monde que je découvre... je me sens alors libre et légère !Je fais le plein de sensations, d'émotions, d'énergie, qui me nourrissent des mois, des années durant. <br /> <br /> Voyage de l'esprit ( notamment en ce moment puisque suis moi aussi immobilisée ). Tu me raconteras 😉. Bises
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C
D'où nous vient ce besoin de "se couper du monde" ? Est-ce que ce besoin est ressenti par ceux qui sont encore restés en marge du monde occidental ? Est-ce que nos ancêtres le ressentaient ? N'est-ce pas propre à notre modèle actuel de société ? Je crois que les réponses sont évidentes...<br /> <br /> <br /> <br /> A chaque fois que je reviens vers les grands centres urbains, après plusieurs jours dans un milieu naturel régénérant, ressourçant, revitalisant, je ressens le stress qui m'envahit : plus moyen de se laisser porter par l'inspiration et la liberté. Il faut aller vite, s'insérer dans le trafic, accepté d'être canalisé, prendre des décisions rapides. La vie à l'image des autoroutes...<br /> <br /> <br /> <br /> Je ne sais pas ce qui t'immobilise, mais si par mes quelques textes j'ai pu t'apporter un peu d'oxygène je m'en réjouis :)
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L
Se couper du monde, tu ne peux savoir combien j'adhère à cette idée, c'est ce que je fais chaque fois que je voyage, mais aussi parfois en restant chez moi pour un voyage intérieur, qui n'est pas moins important... sinon plus parfois !<br /> <br /> <br /> <br /> Mais je te remercie pour avoir maintenu un lien et un partage avec nous que j'apprécie, étant immobilisée d'une autre manière non choisie, mais acceptée, pour un temps qui me semble parfois bien long. Envie de grands espaces... et tu m'offres un peu d'air d'ailleurs !
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