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Alter et ego (Carnet)
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22 janvier 2016

Prise de risque

Chères lectrices commentatrices [tant pis pour les hommes, puisque seules des femmes sont intervenues...]

Je veux ici vous remercier pour "l'écoute" que vous m'avez manifestée en écrivant vos impressions après mon précédent texte. Votre "présence" m'a fait beaucoup de bien. Je me suis senti "entendu", alors que j'étais dans l'expression d'un mal-être. Vous m'avez requinqué !

Je crois que j'avais un peu oublié combien la mise en mots pouvait avoir un effet éclairant, fluidifiant les pensées et, par là-même, apaisant... Quelques heures après avoir posé mon fardeau entremêlé j'en étais déjà allégé !

Voici donc quelques nouvelles :

- concernant mon rapport au monde, il semble que d'avoir fait part de mes préccupations m'ait permis de passer un cap. Une sorte de renoncement devait opérer. Des illusions sont mortes et il m'a fallu un temps de deuil proportionnel à la profondeur de leurs racines.

- pour ce qui est du type de relation bien particulière mais définitivement importante que représente l'écriture-lecture [écrilecture ?], je me sens de nouveau prêt au partage. J'ai envie de nouvelles pistes d'expression mais je leur laisse le temps de se laisser dessiner.

- enfin, au sujet de mes préoccupations professionnelles... le constat que j'ai posé ici m'a sans doute fait prendre conscience de l'importance du problème qui m'épuise. Une situation que je ne pouvais plus laisser durer sans réagir. Mes idées s'étant éclaircies grâce à l'écrit j'ai pu les préciser de vive-voix avec mes collègues, les affiner, et prendre une décision engageante. J'ai donc décidé d'inscrire à l'ordre du jour d'une réunion de direction le point suivant : "management de l'équipe de direction". Sous ces quelques mots volontairement vagues j'entendais aborder de front une situation que je déplore depuis que j'ai accédé aux fonctions de manager. Durant le déroulement de la réunion le directeur, par un notable acte manqué, fit "sauter" par inadvertance ce point mais je n'ai pas laissé passer l'ommission et pris la parole.

J'avais longuement réfléchi à mon intervention, tout en me fiant à ce qui me viendrait spontanément à l'esprit dans le face à face. Malgré la colère enfouie qui s'est accumulée en moi devant à la "surdité" tenace de mes interlocuteurs, je voulais rester calme et posé. Ne surtout pas entrer en opposition défensive mais être dans un esprit de collaboration. Je craignais une fermeture face à ce que j'entendais aborder : l'aspect humain, et même sensible, des relations professionnelles au sein de notre structure. En effet, pour je ne sais quelle raison tenant à la personnalité de mes supérieurs, cette dimension constitue une sorte de tabou. Aucune trace d'affects ne semble avoir sa place, en étant soit balayés d'un revers de main, soit considérés comme une sensiblerie sans importance.

Ça ne me convient pas du tout ! Attentif au bien-être de chacun je perçois nettement lorsqu'un(e) de mes collègues se sent atteint(e) par un manque de considération envers son travail. Alors cette fois j'ai mis les pieds dans le plat et me suis fait le porte-parole de ceux qui n'ont pas accès à ces réunions de fonctionnement global, ou qui ne savent pas, n'osent pas verbaliser leur ressenti. Et j'ai répété, plus fermement cette fois, ce malaise dont je suis le témoin impuissant. J'ai insisté sur l'importance qu'il y a avait à entendre un mal-être persistant, sur la scission qui existe entre "les hautes sphères" et la réalité concrète du terre à terre.

Si j'ai pris ce risque, si j'ai osé poser tout ça sur la table, c'est parce que je sens que mon propre découragement prend des proportions inquiétantes. J'en suis venu à penser à démissionner... mais pas sans avoir fait tout ce qui est en mon pouvoir pour que les choses changent ! Alors je ne vais pas lâcher.

Avec un certain étonnement j'ai constaté que j'étais écouté par "Mr n+2", véritable décisionnaire, tandis que ma supérieure directe, "Mme n+1", ne pipait mot.

Me sentant entendu j'ai peu à peu lâché des éléments personnels, évoquant les effets décourageants du récent "recadrage" dont j'ai été l'objet. En prenant le risque de paraître "fragile" j'ai joué la carte de l'authenticité. J'ai insisté aussi sur l'importance d'échanger sur nos représentations et nos priorités : nos appréciations respectives de ce qu'est « faire du bon travail » n'étant probablement pas les mêmes...

Les choses n'en sont pas restées là : plus tard dans la journée une autre réunion eut lieu pour qu'un échange direct se fasse entre les personnes que j'encadre et ma hiérarchie. J'avais provoqué antérieurement ce temps d'échange de points de vue, lassé d'être l'interface entre des attentes divergeantes. Cette seconde réunion permit à chacun de s'exprimer et d'entendre les perceptions de l'autre. Elle a aussi permis de libérer tensions et crispations que je voyais se cristalliser chez mes collaborateurs. Et il semble que, là encore, "Mr n+2" ait bien entendu ce qui était essentiel. Quant à "Mme n+1", elle n'a là encore rien dit. un silence qui, à mes yeux, en dit long sur sa capacité à aborder ces thématiques relationnelles...

Avec quelques heures de recul je me dis que la meilleure carte que je puisse jouer, face à une logique décisionnaire avant tout économique, c'est celle de l'indéniable énergie que représente la motivation des collaborateurs. Mon atout c'est ma conviction que le bien-être au travail est facteur d'implication. 

Il ne me reste plus qu'à croire suffisamment en mes compétences en matières de relations humaines pour tenir bon face à l'assurance de mes supérieurs qui, eux, voient avant tout dans les ressources humaines, l'aspect strictement économique que représente une force ce travail ; pour qui l'effectif salarié se mesure en Équivalent Temps Plein, remplaçables et interchangeables au gré des aléas, oubliant les particularités et compétences individuelles de chaque personne.

Tiens, tenir ce cap, ce pourrait être cela mon défi pour 2016 !

Commentaires
C
Bravo !<br /> <br /> J'ai passé deux années à m'opposer avec certains collègues, nous y avons laissé quelques "plumes".<br /> <br /> Nous ne sommes pas les seuls en structures dites d'insertion à saturer.<br /> <br /> Aujourd'hui, viennent l'heure des sessions d'accompagnement au changement et de supervision où tous les mots (maux) s'expriment. Malheureusement pour moi il est très tard.<br /> <br /> Je te rejoins sur tant de points...<br /> <br /> Manager ne s'improvise pas. Il faut être suffisamment humble, à l'écoute, tenir le cap, ne pas régler à l'affectif. C'est un métier. Souvent difficile.<br /> <br /> Nous nous orientons vers un management holacratique. Qui rend chacun acteur et responsable. S'ajuster demande du temps, de la patience et beaucoup d'intelligence de coeur.<br /> <br /> Bref, un vrai challenge.
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C
Je me souviens d'un formidable billet que tu avais écrit ici (qui m'avait laissée sans voix) intitulé "oser"<br /> <br /> Prise de risque, voilà un texte qui entre en correspondance avec un billet que j'ai écrit cette semaine, un billet sur l'audace, sur le contraire de la frilosité.<br /> <br /> Ce que tu as fait dans le cadre de ton travail, c'est ce que tout homme devrait savoir faire, mais que peu osent faire: poser les problèmes sur la table, afin d'être en accord avec soi-même, au risque, peut-être de déplaire à sa hiérarchie.<br /> <br /> J'ai beaucoup aimé lire la relation de cette expérience. Et moi je suis sûre que tu as cette force dont tu crois manquer pour aller plus loin, et plus haut. :-).<br /> <br /> ¸¸.•*¨*• ☆
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K
Un cheminement fort bénéfique pour tous à mon avis.<br /> <br /> On grandit tant lorsque qu'on ose s'exprimer sans détour comme tu le fais souvent.<br /> <br /> C'est une de tes forces je trouve.<br /> <br /> Oui un revirement essentiel et une prise de conscience doivent se produire dans les relations humaines actuellement et tu en as été l'agent à ton travail. Ca en prend des milliers et des millions d'interventions courageuses comme cela. Au fond c'est ce que nous voulons tous, alors ca a bien des chances de réussir. Une chandelle allumée peut en allumer beaucoup d'autres.
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M
Un homme qui parle aux femmes, bon concept pour un nouveau blog !<br /> <br /> Bon week end
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E
La première chose qui m'épate ici, c'est qu'en fait l'intervention de tes lecteurs et lectrices t'a calmé, t'a fait arriver au constat que "maintenant, je suis contre le mur, le grimpe, je fonce dans le tas ou je m'assieds et je pleure". Mais on a parfois besoin d'être à cet endroit là pour oser. J'ai remarqué que quand on ose vraiment, avec cette idée que bon, on ne voit rien d'autre à faire qui nous maintiendrai digne à nos yeux, et donc... à Dieu vat, il y a une telle vérité simple en nous qu'en face de nous, l'interlocuteur écoute vraiment. Il saisit que ce n'est pas une prise de position banale ou de parade ou de pacification ou de déclaration de guerre, c'est un énoncé sincère.<br /> <br /> <br /> <br /> Alors au moins ça t'a débarrassé de cette sensation d'être contre le mur... <br /> <br /> <br /> <br /> Et je suis certaine que ça va ouvrir un passage, d'une manière ou d'une autre!<br /> <br /> <br /> <br /> Bon dimanche :)
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