Carte postale
Il est des lieux sublimes qui sont tellement photogéniques qu'il devient difficile d'échapper au sort qui leur échoit : le paysage de carte postale. La tentation du cliché classique est inévitable devant des proportions idéales. S'écarter du cadrage parfait tiendrait presque du sacrilège. Si en plus le ciel y ajoute son éclat, l'eau sa transparence, on frise la perfection...
La photographie est très souvent le prétexte de mes petits et grands voyages. Pour autant, faire une "belle" photo n'est pas ce qui compte le plus : l'important c'est ce qui se vit autour. Ce sont les sensations ressenties. Le cheminement pas à pas, les ouvertures vers l'horizon, la découverte constante de trésors visuels ou olfactifs, le vol d'un oiseau, la douceur d'un souffle d'air, le mouvement des vagues, l'harmonie singulière d'un lieu. Voilà ce qui constitue véritablement le voyage. Le dépaysement.
Où que ce soit, le dépaysement c'est l'inattendu. Pour peu que je l'accueille, que je m'en laisse pénétrer, que je le laisse m'emporter, il m'invite à l'étonnement et à la contemplation. Je regarde. Je m'arrête. Je goûte et profite. C'est à une perception savoureuse de l'instant que je suis convié. C'est le temps des sensations hédonistes et fugaces, mais aussi celui de l'empreinte durable des souvenirs passés et à venir. Ces moments enrichissent ma conscience des beautés de l'existence.
Le "regard photographique" en est distinct. Plus esthétique que sensitif, il porte une attention particulière aux détails ou aux scènes d'ensemble. Il scrute, il observe, il analyse. Il anticipe sur un résultat espéré. C'est une démarche artistique, donc démonstrative, qui cherche à transcrire, témoigner, restituer, garder trace. À faire rêver aussi, peut-être, puisque le cadrage orientera la perception du regardeur...
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Pointe de l'Estagnol, Var, 19 avril 2016