L'anarchie relationnelle
Avant d'ouvrir ce blog mes écrits sur internet étaient principalement inspirés par les dimensions affectives et sensibles des relations humaines. En particulier dans les rapports d'intimité. Confrontant la théorie de mes idées aux expériences nouvelles que je vivais, j'analysais "en direct" les écarts et modifiais ma conscience. Grâce aux retours des lecteurs [vous ou vos prédécesseurs], surtout depuis que ce blog existe, j'ai pu reconstruire ainsi nombre des représentations erronées qui, auparavant, me guidaient.
Les années passant, étant moins confronté aux expériences de rencontre et plus soucieux de discrétion, mesurant ici les limites de la liberté d'expression et craignant de lasser mon lectorat... je me suis peu à peu orienté vers d'autres sujets. Cet éclectisme est-il moins stimulant ? Toujours est-il que mes écrits s'espacent. Ma vie, elle-même, est devenue extrêmement calme.
Je pourrais m'en réjouir ! Il me semble cependant que dans cet apaisement bienheureux il me manque quelque chose. Quelque chose d'important. Comme des étincelles, du pétillant, du stimulant. Ce n'est pas un besoin indispensable, bien sûr, néanmoins je crois qu'il y a là quelque chose de vital. Au sens de vitalité. Et cette sensation me rappelle confusément celle qui s'insinua dans mon existence autour de la quarantaine...
J'avais alors une vingtaine d'années de pratique du mariage, de la vie de couple et d'une certaine conception de la vie amoureuse. J'étais heureux, vraiment, mais... il me manquait quelque chose. Comme des étincelles, du pétillant, du stimulant. Une innocente curiosité me conduisit à aller voir s'il n'y avait pas, ailleurs que dans le couple, des possibilités de dialogue approfondi et intime. L'emploi du terme "innocente" est important parce que j'ignorais alors totalement ce que j'allais découvrir. Très vite, pourtant, je compris que je m'aventurais hors des limites imparties par mon éducation familiale. J'aurais pu arrêter là et revenir promptement dans le cadre habituel mais ma curiosité en aurait été frustrée [ce qui, vous en conviendrez, aurait été fort regrettable]. En continuant je ne pouvais cependant plus prétendre à l'innocence : je savais que j'allais vers l'inconnu. Avec le risque de connaître ce que j'ignorais et qui pourrait me tenter...
Bref : j'avais commencé à croquer la pomme de la connaissance ! Et s'il y avait bien une Eve dans les parages, ce n'est pas elle qui m'y avait attiré. Tout au plus elle était là, disponible pour mettre en émoi mes désirs refoulés. Comme beaucoup d'autres j'avais intériorisé, depuis l'enfance, un conglomérat de normes concernant l'amour et la sexualité, indissociablement liés à la notion de couple durable.
Eve s'effaça, laissant la place à une autre, puis une autre, puis plusieurs autres... Confidences, amitiés, sentiments ; de rencontres épistolaires en relations concrètes, je me vis obligé de déconstruire peu à peu le bloc compact de mes représentations. Il me fallut désimbriquer ce fatras pour laisser apparaître des notions masquées telles que l'affection, le désir, l'attachement, la liberté. De l'amour distinguer chaque élément afin de voir ensuite comment ils pouvaient éventuellement s'assembler dans une diversité de combinaisons. J'ai pu le faire grâce aux échanges avec ces nombreuses femmes, au sein de relations éphémères ou durables, bien plus souvent platoniques que sexualisées. Toujours est-il que, de rencontres sages en découvertes frémissantes, de joies radieuses en sombres déconvenues, je me suis ouvert l'esprit et ai enrichi mon expérience. En quelques années ma perception des relations affectives, et en particulier celles qui s'articulent autour de la notion de couple, on été radicalement changées. J'ai découvert quelques concepts intéressants qui, à un moment donné, ont eu mes faveurs : la polyfidélité, voire le polyamour puisque j'aimais en double. Par le jeu des circonstances et des éloignements c'est finalement la notion de liberté qui aura eu ma préférence.
Après avoir vu s'effriter le marbre du couple et se fendre le granit de l'amour j'ai choisi de... vivre seul.
Pour autant je n'ai jamais été durablement "seul" et la question de la pluralité affective est toujours restée sous-jacente. Notamment sous l'angle de la liberté qui m'est devenue si chère...
C'est pourquoi [j'en arrive enfin au sujet de ce billet], profitant d'une opportunité locale, je me suis rendu cette semaine à un "café-poly". Il s'agissait d'une rencontre informelle entre personnes se sentant concernées par le polyamour. Ce n'est pas vraiment mon cas mais j'ai pensé que le partage d'expériences et les notions abordées dans l'échange pourraient intéresser celle avec qui je partage une partie de mon temps et que mes aspirations à la diversité inquiètent. La discussion a été plutôt intéressante, entre une dizaine de personnes vivant, avec plus ou moins d'insouciance, la pluralité relationnelle. Au passage il m'a semblé que les plus jeunes - trentenaires - étaient beaucoup plus à l'aise et décomplexés que les anciens. J'y ai vu, à tort ou à raison, les signes d'une évolution en marche...
J'ai aussi découvert, parmi la diversité des étiquettes que chacun aurait bien voulu faire valser tant elles délimitent ce qui ne peut pas l'être, le concept d'anarchie relationnelle. Il a pour principe d'abolir toute hiérarchie en termes d'amour et d'amitié. Ça ne pouvait que me plaire ! Pour ceux qui haussent le sourcil ou frémissent de curiosité, je vous envoie ici.
PS : sachant que ce sujet peut déclencher des réactions épidermiques, merci de rester courtois(e) et de n'exprimer que votre perception personnelle, sans faire référence à aucune "normalité" supposément universelle :)