Mes escapades ont ceci de bénéfique qu'elles m'éloignent de toute source d'information. En m'immergeant dans les sensations du voyage je suis au contact direct de la réalité du lieu et de l'instant. La seule qui vaille, expurgée de projections imaginaires dans un ailleurs impalpable avec lequel je n'ai finalement aucun contact. Surinformée de futile et dérisoire, notre société occidentale nous conduit, par une sorte de dédoublement de personnalité, à vivre par procuration dans des univers que la plupart ne connaîtront ni ne côtoieront.
Quand je prends un peu de recul je me dis que nous sommes fous...
Coupé de cet épandage toxique de nouvelles méthodiquement sélectionnées pour leur pouvoir sensationnaliste, j'ai retrouvé une réalité directe. Sans parasitage. Pas le moindre écho de ce qui pouvait se produire hors de mon périmètre d'exploration sensorielle. Les seules sources d'information étaient captée par mes sens, révélées par mes émotions. Et ce monde semblait tourner comme à son habitude. Ni les vagues, ni le vent, ni les goelands ne paraissaient être perturbés par quoi que ce soit. Mon univers se confondait avec le leur et tout allait très bien. Même les communautés humaines paraissaient paisibles, chacun vaquant à ses occupations.
Et pendant ce temps je suis presque sûr que le monde était présenté au JT sous ses jours les plus inquiétants, laissant miroiter je ne sais quel sombre avenir...
Une fois revenu, trop heureux de ma liberté de rêver retrouvée, je me suis maintenu à l'écart de la rumeur fébrile du monde. J'ai voulu garder l'esprit serein. J'ai simplement repris travail et rythme de vie, me contentant de capter ce que mon environnement propose. Pour cela une méthode radicale : pas le moindre accès à l'information. J'ai banni la radio du matin et celle des trajets en voiture. Je préfère une musique calme. Sur internet je ne clique pas sur ce qui risquerait de rompre ma diète médiatique totale.
Après un peu plus de deux semaines je ne sais donc rien de ce qui a éventuellement pu mettre en émoi les sphères médiatiques et animer les conversations. Seules trois informations brutes sont parvenues jusqu'à moi : Brexit, résultat du referendum de Notre Dame des Landes, décès de Michel Rocard. Rien de plus. Informations sèches, reçues telles quelles, sans fioritures, sans développement, sans analyse. Seulement des faits. Je n'ai pas ressenti le besoin d'en savoir davantage.
J'entends aussi depuis hier les échos lointains d'un barnum sportif en cours, et me réjouis d'être épargné par cette gabegie totalement dépourvue de sens. Une énorme bulle de vide, dont je me demande comment elle peut exister en mobilisant autant de temps et d'énergie. N'y a t-il rien de mieux à faire pour le bien-être de l'humanité ?
Non, vraiment, je me sens très bien sans infos...
Il m'a été donné de constater de nombreuses fois dans ma vie ce que tu as expérimenté en Bretagne.
Si nous nous levons le matin en décidant que le monde est beau et harmonieux, il le sera. Il le sera tant que nous le déciderons.
Cependant, se tenir informé un minimum permet sans aucun doute de rester vigilant. En réalité, cette vigilance invisible dans la nature est omniprésente. Le goéland qui a l'air si heureux et insouciant garde toujours une attention très vive, comme tous les autres animaux d'ailleurs, aux éventuelles agressions.C'est une question de survie. Je garde à l'esprit la très belle phrase de Jefferson "Le prix de la liberté est une vigilance éternelle". Mais être vigilant, ce n'est pas, effectivement, s'emplir de choses affreuses et mortifères dès le matin, engluant notre corps et notre esprit dans un fatalisme mou et déprimant.
Etre vigilant, c'est garder un oeil ouvert en pleine conscience sur ce que la vie nous offre de bienfaits et de beauté. Avec la ferme intention de préserver cette richesse le plus longtemps possible en se donnant les moyens de combattre ceux qui voudraient y attenter.
Merci pour ce beau billet Pierre. Il me conforte dans ma conviction. :-)
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