Il arrive que le flux de l'inspiration tarisse, même chez un blogueur au long cours...

Je le constate : en ce moment je ne parviens plus à écrire comme je le voudrais. À chaque fois que j'ouvre mon éditeur de texte, me sentant fugitivement inspiré, je ne parviens pas à aligner plus de quelques phrases éparses. Les mots hésitent, trébuchent, s'enchaînent mal. C'est un peu frustrant. Oh je sais pourquoi : un épais filtre [autocensure, àquoibonisme] m'enserre, me bloque. Ceci parce que je me vois toujours revenir vers le même thème, qui me hante : la fin de l'ère de l'abondance [ou de la dilapidation, ou du gaspillage, ou du pillage...] et ses conséquences prévisibles. Je suis encore dans la phase creuse de la sidération. Et comme je ne veux ni lasser le lecteur en rabachant, ni l'effrayer, ni le démoraliser, j'essaie de contourner l'obstacle. D'en faire abstraction. Sauf qu'organiser mes idées autour d'un tel non-dit devient rapidement laborieux, pour un résultat insatisfaisant. La tonalité de ce que me vois écrire ne m'apparait pas en correspondance avec mes pensées préoccupées. 

Du coup je trouve cet évitement absurde. Alors je ferme tout et repousse l'expression à plus tard, de jour en jour. En contrepartie je passe beaucoup de temps à glaner de l'information... ce qui ne fait qu'accroître ma prise de conscience et ma perplexité. L'optimisme est à la peine, malgré les séduisants courants d'idées qui voient en lui la porte de salut. Je ne sais plus que penser. En découle une soif d'échange/partage/découverte... sans que je n'aie moi-même rien de bien enthousiasmant à proposer. Rêver ? Espérer ? La réalité me plombe. D'ailleurs je suis plutôt en posture d'isolement méditatif. En attente circonspecte, je me sens... désemparé.

Et décalé. Parce qu'en même temps la vie est là, tout à fait normale. Habituelle. Heureuse, même. Pas de quoi être inquiet ! Du moins pas plus qu'avant. Le printemps est manifestement en action et le retour des beaux jours fort agréable. J'apprécie ce renouveau, passant davantage de temps à l'extérieur. De là à entreprendre d'écrire ou poster de bucoliques photos sur ce thème gentillet, moult fois abordé... ça ne m'inspire décidément pas ! Je ne veux pas être faux-cul : j'ai la tête ailleurs.
Existentiellement, dans la dimension professionnelle, mon travail a pris une tournure stimulante. Rythme soutenu mais sans tensions majeures, avancées en cours. Humainement et relationnellement c'est un enrichissement et ce qui pourrait être une sorte de routine s'inscrit dans une évolution positive. Quand j'y suis plongé j'oublierais presque mes inquiétudes environnementales. Ma vie relationnelle privée, quant à elle, est stable, sans difficultés particulières. Je découvre même, lorsque j'évoque ce qui me turlupine, quelques convergences de points de vue : plusieurs personnes de mon entourage proche m'ont dit être, elles aussi, préoccupées par notre avenir commun. J'avoue que cela m'a fait du bien. Je me suis senti moins seul. Ensemble on se sent plus fort...

Si je faisais abstraction de ma préoccupation socio-écologique, objectivement tout irait bien dans mon petit univers de privilégié. En tout cas rien ne va mal ! Mais, pour être honnête, je ressens comme une... morne platitude. Peut-être liée à une perte de sens ? Il me manque sans doute quelques reliefs, faits de joies et d'enthousiasmes, d'entrain, d'idées porteuses, de projets. Mais lesquels ? Quelques uns sont en gestation, se nourrissant des nouvelles orientations que je veux donner à ma vie. Autour des concepts de décroissance, autonomie, transition, permaculture, résilience... j'ai [presque] tout à apprendre et entreprendre. Et surtout, à savoir comment rester optimiste et heureux malgré l'accumulation de nuages menaçants !

En attendant que tout cela se précise, aucun élément n'étant saillant dans mon existence, il n'est pas étonnant que rien n'en justifie le développement ici. Et que je sois donc en panne d'inspiration.

 

Texte laborieusement élaboré entre le 15 et le 24 mars