Quand la vie dévore les rêves
« J’ai lu cet été toute une série de romans « post-apocalyptiques » : Imaginer la pluie, La parabole du Semeur, Dans la forêt, La femme tombée du ciel… C’est une chose curieuse que de lire ces romans dont certains décrivent une société à feu et à sang, privée d’électricité, d’eau potable, de fraternité... de vivre par procuration l’effondrement d’une société, installée au calme sur ma terrasse, entourée de tant de beauté. C’est une chose curieuse que de lire l’anticipation de ce que l‘on redoute et combat toute l’année. Emballement climatique, pénurie des biens essentiels à la vie, accidents chimiques, rupture des liens sociaux, guerre pour l’accaparement des ressources, effondrement mais aussi redécouverte d’une autre humanité… Cela m’a plongée dans des abîmes de perplexité sur la course du monde, de réflexion sur mon propre discours, de recul sur ma contribution et ma part de responsabilité. »
Extrait de "Un été entre fiction et réalité", chronique de Corinne Morel Darleux parue dans Reporterre
La dernière phrase citée - celle que j'ai mise en gras - rejoint parfaitement ma perception de la situation. Et plus précisément ces jours-ci, alors que je m'interroge sur l'opportunité de m'offrir un voyage lointain (un des rares domaines où mes rêves ne sont pas en panne...). Il m'est en effet impossible de faire abstraction des conséquences environnementales d'une telle action. Du coup j'hésite et tergiverse. Partir ou renoncer au voyage ? Vivre un rêve, encore, tant que c'est possible, ou tenter d'être cohérent en restant au plus près d'un mode de vie "sobre" ?
« Faites que le rêve dévore votre vie afin que la vie ne dévore pas votre rêve » écrivait St Exupéry.
Magnifique idée... mais peut-on continuer à penser ainsi aujourd'hui ?
« Dis toi que de toutes façon l'avion partira, avec ou sans toi » me suggère t-on. Certes. Mais si tout le monde renonçait l'avion ne partirait pas... Chacun de nous dispose du pouvoir de changer de mode de vie. En même temps... il est difficile de se priver quand tant d'autres ne se limitent pas. Faudrait-il renoncer par anticipation, par sagesse et conscience, ou au contraire peut-on continuer dans une relative insouciance... jusqu'à ne plus avoir le choix ?
Comment peut-on encore rêver quand de multiples renoncements à venir assombrissent l'horizon ?