Je me demande parfois pourquoi je suis autant attiré par les grands espaces, la solitude, et le silence inhérent. J'ai observé que lorsque j'arrive au point ultime d'un sentier, généralement un sommet ou un point de vue remarquable, le temps que je vais passer à m'emplir du paysage dépendra directement du nombre d'inconnus qui, éventuellement, y seront en même temps que moi. Peu importe la qualité inspirante ou esthétique du lieu : je ne m'y attarde vraiment que lorsque je suis seul (ou avec un accompagnement respectueux). J'ai besoin de ressentir le sentiment d'isolement, d'être "seul en ce lieu". Parfois ce n'est qu'une impression puisque je peux être suivi, sans le savoir, par un ou plusieurs individus qui viendront alors envahir "mon" espace vital.
Mais quand la chance me permet de ne rencontrer personne et de pouvoir m'enivrer de calme et d'isolement, alors je ressens une ineffable et profonde béatitude. Être minuscule, je ne fais qu'un avec l'immensité vivante et empreinte de mystéres. Aucun trouble, aucune présence importune, aucun bavardage déplacé. Et aucun "même que moi" pour me ramener à ma juste place de visiteur de passage. Car je suis aussi l'importun de l'autre...
Il y a quelques jours j'ai eu la mauvaise surprise, après n'avoir rencontré personne tout au long de mon ascension (chic, je serai seul !), de trouver au sommet trois ou quatre groupes, dont une petite bande n'ayant rien trouvé de mieux pour prendre leur pied que d'écouter de la musique ! Cool et planante, certes, comme les volutes de fumée qui montaient au dessus d'eux, mais irritante. J'ai tenté d'en faire abstraction, en me mettant un peu à l'écart. Me disant qu'eux aussi, à leur façon, entraient en communion avec les lieux.
Si je veux être à peu près sûr d'être seul en un lieu choisi je sais devoir partir tôt, ou alors en fin de journée. Mieux encore : dans la mesure du possible privilégier des lieux peu fréquentés. Ce n'est hélas pas toujours possible puisque les paysages accessibles sont souvent ceux qui ont été aménagés pour cela. Et au Québec ils sont finalement peu nombreux. En fait je ne suis jamais qu'à quelques kilomètres des accés routiers, n'ayant pas encore entrepris des marches de plusieurs jours, avec nuit en cabane ou en tente. Mais ici rien ne se fait à l'improviste : il faut reserver et payer. L'isolement a un prix. Relativement cher, d'ailleurs.
Je n'y ai vu personne...
Je sens cependant cet "appel de la forêt" (ou du désert, ou de la mer), et plus précisément de la nature sauvage peu marquée par l'emprise de l'homme. Une nature intacte, pas vraiment accueillante. Pas hostile non plus. Indifférente. Je ne suis évidemment pas le seul à avoir ces envies : il existe, c'est évident, un fort attrait pour un contact direct avec la nature... ou ce qui y ressemble. Une forme de retour aux sources temporaire ? Une immersion nécessaire ? Un "appel" de la nature de laquelle nous sommes issus et que nos gênes gardent en mémoire profonde ?
Je ne sais, mais c'est là.
Les photos de ton avant dernier post sont d'une beauté ! les oies (ou bernaches) découpées sur le bleu du ciel, sans aucun nuage, me parlent de pureté ineffable et de solitude.
Ton dernier texte me rejoint entièrement. La nature intacte me relie à une source intérieure aussi pure que mystérieuse et vaste. Aussitôt qu'il y a un autre humain aux alentours, cette magie se brise, cela peut aussi être beau mais le ressenti sera inévitablement différent. Merci de nous faire voyager avec toi.