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Alter et ego (Carnet)
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28 octobre 2017

De l'arrogance du dominant

La clameur a débuté alors que, au retour d'un voyage paisible, j'étais resté dans une béate période d'abstinence médiatique, sans aucune info. Ce n'est donc qu'après quelques jours que j'ai eu vent de l'affaire Weinstein, via le blog de La Baladine. À partir de là j'ai commencé à suivre l'évènement et le mouvement de protestation qu'il a enclenché, comme un immense ras le bol. Comme un fruit mûr qui n'attendait que l'affaire de trop pour tomber en éclaboussant autour. La cocotte-minute sous pression a explosé.

Je ne vais pas en rajouter à ce qui a été dit et redit sous tous les angles possibles, mais tenter d'élargir un peu le sujet après un détour du côté des victimes.

Beaucoup de mots et d'idées ont été lancés, et peut-être pas toujours dans les directions les plus pertinentes. Inévitable. C'est le propre des sujets brûlants, à connotation passionnelle parce que devenus insupportables. Il faut que ça sorte. Même si c'est confus, même si se mélangent et s'amalgament des éléments qui n'ont pas de lien direct.

Quand une victime se plaint, on ne doit pas mettre sa parole en doute. On l'écoute. On la laisse déverser son mal-être, sa révolte, sa colère, exprimer ses blessures profondes, sa tristesse, son sentiment d'injustice. On ne pointe pas les éventuelles exagérations, on ne minimise pas sa souffrance, on ne disqualifie pas ses ressentis : la parole doit d'abord se libérer... quitte à ce qu'elle soit nuancée ultérieurement par la victime elle-même, une fois qu'elle se sera sentie vraiment entendue et pleinement comprise. "La" victime, ici, c'est "la" femme (bien que le fait d'assimiler la femme à une victime puisse donner lieu à discussion). C'est le genre féminin dans son ensemble, en tant que groupe exposé. Toutes les femmes, donc, même si toutes n'ont pas été directement concernées par des violences sexuelles à leur encontre. Toutes (ou presque) se sentent concernées parce qu'elles restent les victimes potentielles d'actes irrespectueux. Ou tout du moins des "proies" pour ceux qui se sentiraient avoir des droits sur elles. Les femmes sont cette moitié de l'humanité qui subit la domination masculine de toute éternité. Une domination plus ou moins marquée, plus ou moins contrée, mais omniprésente et tenace, très profondément enracinée dans les consciences et les cultures. Une hiérarchie de fait, véhiculée autant par les hommes... que par les femmes. Sans même en avoir forcément conscience. C'est, il me semble, ce que l'on appelle des "impensés culturels".

Je crois qu'il est difficile pour un homme de se rendre compte de ce que cela signifie, viscéralement, d'être femme. Tout comme il est difficile au groupe dominant des blancs de se rendre compte de ce que peut ressentir une personne de couleur. Et difficile au puissant de mesurer ce que ressent l'opprimé. Je crois que seuls ceux qui subissent une domination disposent de la légitimité pour en décrire les effets. Les dominants ne peuvent en prendre conscience que par empathie, grâce à une écoute attentive et humble des dominés, pleine de respect et non jugeante. Une position pas forcément simple à intégrer, car contre culturelle, mais qui peut devenir un atout pour transmettre cette parole au sein même du groupe dominant. C'est pourquoi je pense que les hommes lucides ont toute leur place aux côtés des femmes pour défendre les positions de leurs soeurs, amies, filles, mères, compagnes.

 

Manspreading

Le "manspreading" [étalement masculin]... tout un symbole
(image du net)

 

Mais je voulais aller un peu plus loin dans mon propos...

Des termes et concepts tels que "domination", "violences", "habitudes culturelles", "pouvoir", "jouissance", "non-consentement"... lus ou entendus à propos du comportement prédateur de certains hommes, qui s'arrogent un droit à profiter au nom d'une supériorité auto-proclamée, disqualifiant ou minimisant les ressentis des opprimé(e)s... tout cela m'a fait penser à tout un système de pensée beaucoup plus large qui s'arroge des droits supérieurs en tant que groupe dominant, privilégié, asservissant d'autres groupes considérés comme de moindre valeur pour son plaisir et son confort égoïste. Je ne parle plus là des seuls mâles, mais des humains en général. De tous les humains, femmes comprises. De nous, groupe auto-centré qui a décidé de se placer au sommet d'une supposée "pyramide de l'évolution", disposant ainsi à sa guise de tout ce qu'il considère comme inférieur. C'est à dire l'ensemble des animaux non-humains (auxquels les noirs furent un temps assimilés...), êtres sensibles longtemps supposés dénués de conscience, et bien évidemment tout ce qu'on peut assimilier à la nature. Une nature qu'il convient, au mieux, de domestiquer et au pire d'exploiter. Ne parlons même pas du sol et du sous-sol, même pas "vivants", donc exploitables à l'envi.

Cette logique prédatrice et arrogante, on le sait, nous conduit tout droit à notre perte.

Quand je vois avec quelle lenteur l'évolution des mentalités opère en ce qui concerne ce qui se passe au sein de notre propre groupe "privilégié", à l'égard de sa moitié opprimée, j'ai quelques craintes pour d'autres causes : ségrégation (raciale, sociale, économique, géographique...), exploitation humaine, exploitation animale, exploitations des forêts, exploitation des sols, pillage des ressources...

Ceux qui tentent de défendre ces "sans-voix" sont à peine audibles, souvent moqués, dénigrés, disqualifiés. Voire assassinés.

« Ben oui, quoi, c'est dans la nature des choses ! L'humain à le droit de se servir. Après tout, on a toujours fait comme ça ! L'Homme d'abord ! »

Je ne sais pas si « la femme est l'avenir de l'homme » mais j'aimerais assez que ce qui se passe actuellement avec la dénonciation d'un système de domination originairement masculin aille au delà de l'interrogation des seuls mâles.

Commentaires
E
Moi ce que j'espère c'est que le changement viendra des enfants d'aujourd'hui, qui vont réaliser que regarder les culottes des filles, c'est facile, pas vraiment un exploit, et que ça fait des filles des proies. Qui enfonce la crainte dans la relation. Alors un jour ils épouseront ou seront amoureux d'une de ces petites-filles qui entretemps aura été pelotée "pour le fun", peut-être violée "parce qu'elle n'avait pas besoin d'être là à cette heure et dans cette tenue", engagée à condition de porter des jupes courtes, accostée dans la rue comme si elle était une marchandise. <br /> <br /> Et qu'il ne l'aura pas défendue. Qu'll se sera dit que celles à qui il infligeait ça, il ne la connaissait quand même pas plus que ça, que ça ne comptait pas. Sauf qu'il va un jour peut-être aimer celle à qui un autre l'a fait, parce qu'elle "ne comptait pas"...
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N
Le sujet n'est pas du tout sensible puisqu'il n'est pas. Et je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai écrit, dans des termes que je trouve relativement modérés. A chacun son rapport à l'excès. La journée, d'ailleurs, s'annonce magnifique ici, avec, en bouche, le goût du bonheur d'être un homme.<br /> <br /> Il en résulte, pour finir, que je ne vais pas, comme quelques uns, ouvrir en grand la porte de la culpabilité d'être un homme au prétexte fallacieux que certains mâles traitent les femmes comme des proies ou des objets de pouvoir, d'une part, et au second prétexte, d'autre part, que certaines personnes souffrantes ont décidé de condamner l'homme d'aujourd'hui à un rapport de domination qui ne le caractérise pas. Je n'ai que deux souffles et des choses bien plus sérieuses à réaliser encore. Weinstein et les autres ne me concernent pas. Ils n'illustrent pas l'hypothèse d'une domination généralisable de la gente masculine, mais l'expression d'une animalité à tendance psychotique. Et, en ce domaine de la pensée comme dans beaucoup d'autres, quelques cas douloureux, tragiques, bombardés en permanence en tête des sites d'actualités et d'opinion, ne font pas une Vérité.<br /> <br /> A chacun son rapport au réel.
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N
Je me fous radicalement de ce que peut représenter la proportion d'hommes dans les situations de pouvoir que tu évoques. Je ne suis pas une proportion mais un homme qui observe depuis une posture ascétique ce qui se trame dans le jeu de rôles auquel j'assiste, ici ou ailleurs.<br /> <br /> Quant à la conscience assez faible que nous aurions en tant que mâle de ce phénomène à l'œuvre, je te prie de te replier sur elle et de ne pas généraliser, ni <br /> <br /> de tenter de m'y inclure. Ce serait peine perdue.<br /> <br /> Tu as vu juste à propos de la "domination victimaire" qui fait de la jeune femme à naître une proie en devenir, avec son consentement implicite, comme pour toutes les formes de postures victimaires, et là je rejoins la généralisation de ta note, qu'il s'agisse du black, du juif, etc. Ce monde est dominé par la nécessité d'être une victime pour exister et faire clan, chacun ayant son pervers narcissique de poche dans la main droite et son harceleur dans l'autre. Chaque page écrite sur ce monde de liberté que fut le web n'est plus qu'un mur de lamentations.<br /> <br /> C'est une éducation opposée que j'ai proposée à mes enfants, et à ma fille en particulier, et elle n'en n'est pas à son premier coup de pieds dans les couilles!<br /> <br /> Pour les lobbies, là où je bosse, c'est une véritable contamination, qui empêche quasi définitivement de poser les deux branches d'un débat, lgbt, féministes, anti-raciste, etc.<br /> <br /> C'est un peu comme ici, ça glousse, mais ça ne débat pas. <br /> <br /> Quant à mes dérobades, c'est vrai qu'avec quelques années de blogging, j'ai appris à cultiver le silence.<br /> <br /> C'est cette éthique d'ailleurs qui me conduit à ne pas m'attarder longuement sur les épanchements émotionnels de clavier des nouvelles venues qu'il faut lire en travers pour mieux en mesurer la profondeur.
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N
Moi non plus je ne vois pas en quoi le commentaire de Caroline est hors-sujet.<br /> <br /> Sans nier la réalité des faits de harcèlement sexuel, l'essai de généralisation ou de corrélation avec la prétendue domination masculine me paraît hautement problématique. Il faut aussi prendre en compte les pressions permanentes exercées par certaines lobbys pour enregistrer la preuve, souvent de façon fallacieuses, et avec des relents totalitaires, d'une pratique systématique du pouvoir exercé par les hommes sur les femmes : délation, calomnies, mensonges, pressions, bannissement, déni des principes du droit (contradiction, charge de la preuve, rectification des qualifications erronées), jusqu'au point de balancer son porc par hashtag interposé. Tout cela me lève le cœur.<br /> <br /> Cette domination existe, certes, mais elle est le fait de quelques hommes qui investissent des postures de pouvoir pour réunir un harem dont ils abusent. Elle est aussi aujourd'hui le fait de quelques femmes. Le concept de domination masculine est dès lors une aporie mise au service, construite, par une forme nouvelle de domination : la domination victimaire. Et, pour le reste, en observant le monde autour de moi, je ne vois pas en quoi les hommes de ma génération dominent "masculinement" parlant. Je ne vois pas.<br /> <br /> Je retourne au silence!
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C
Bonjour, <br /> <br /> Vous estimez que mon commentaire nous éloigne du problème de la domination masculine. Mais pourquoi dites-vous cela? Il me semble que c'est exactement le contraire, cela nous RAPPROCHE du problème de la domination masculine, ne trouvez-vous pas?
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C
Le Canard Enchaîné (N° 4987 du 26 mai 2016) rapporte que la secrétaire d’État écologiste Barbara Pompili a subi des injonctions pour mettre en cause Denis Beaupin. « On m’a demandé, ainsi qu’à Véronique Massonneau, députée écologiste, de dire que j’avais reçu de sa part des SMS, que je m’étais sentie agressée. Pour avoir refusé de témoigner, Véronique et moi nous nous sommes retrouvées en situation d’accusées. Soit nous étions des victimes qui n’avaient pas conscience de l’être, soit nous étions complices d’actes graves. Cela me met en colère ! C’est terrible cette injonction à être une victime ! »
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D
Bonjour Pierre. Je partage entièrement ton avis. La domination masculine est tellement ancrée dans nos inconscients qu'il faut un immense travail, encore aujourd'hui, pour la déconstruire et la remettre en question. Et il n'y a pas seulement la cellule familiale, ainsi que les rapports entre hommes et femmes (relations intimes, affectivité etc.) qui doivent passer sous l'analyse des personnes qui défendent les femmes, mais également et avec virulence les institutions qui véhiculent également cette idée de domination, soit l'Etat, l'école etc. <br /> <br /> <br /> <br /> Il y a encore des combats à mener. Ce n'est que le début. <br /> <br /> <br /> <br /> Et pour avoir travailler plusieurs années dans le social, j'ai toujours été effarée de voir ce que certaines équipes de manager ont comme préjugés à l'égard de populations dans le besoin. Au lieu de replacer la personne qui se trouve dans nos bureaux dans sa dignité, combien de travailleurs sociaux utilisent une manière de travailler qui déshumanisent complètement l'autre en face. C'est révoltant. <br /> <br /> Belle semaine.
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L
D'un côté je suis navrée d'avoir contribué à accélérer ton retour dans les douleurs du monde, comme si tu n'avais pas suffisamment à faire dans les douleurs de tes proches. D'un autre côté je ne peux qu'être émue par ton texte, saisie par l'ampleur de ta réflexion et la volonté qui est tienne de faire partie des voix masculines qui s'élèvent en accord avec celles des femmes qui se battent pour l'égalité.<br /> <br /> Je parle beaucoup, depuis cette affaire, des ouvrages de Françoise Héritier, cette ethnologue anthropologue qui a beaucoup écrit sur le masculin et le féminin (dans le désordre évidemment ;-) ). Elle en arrive à cette conclusion probable, quant à l'origine de la hiérarchie des sexes: une volonté de contrôle de la reproduction de la part de ceux qui ne disposent pas de ce pouvoir si particulier. Et tout le reste en découle... Y compris la forme revancharde que prend l'installation au pouvoir de bien des femmes, quand elles y accèdent... <br /> <br /> C'est peu dire qu'on n'est pas au bout de nos peines!<br /> <br /> Encore une fois, merci à toi pour cette parole profonde et bienfaisante. :-)
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C
Que dire d'une espèce qui utilise le même mot pour désigner la moitié de sa population, et cette population dans son ensemble ?<br /> <br /> N'est-ce pas déjà poser à la base que l'homme (mâle) domine les hommes (humains) comme le "masculin l'emporte sur le féminin" et ce jusque dans la sémantique et la grammaire ... depuis la nuit des temps. Le mot nuit n'étant pas choisi au hasaurd, puisqu'il désigne des temps immémoriaux où régnait l'obscurité.<br /> <br /> La domination reste une loi de la nature, qui comporte ses dominants, ses dominés, ses proies et ses prédateurs.<br /> <br /> L'humanisme n'est-il pas justement un effort de s'extraire de cette fatalité ? <br /> <br /> Et l'obscurantisme, au contraire, une façon de nier les quelques progrès faits en ce sens depuis les Lumières ?<br /> <br /> De nos jours, les véritables humanistes ne sont ni hommes ni femmes. Simplement des humains empathiques, intelligents, respectueux des autres et soucieux d'écologie, d'équilibre et de paix.<br /> <br /> Et sur ce plan-là, je me sens sur la même longueur d'onde que toi. Cela fait du bien de savoir que des gens comme toi existent.<br /> <br /> ¸¸.•*¨*• ☆
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